J’ai grandi avec À la Croisée des Mondes. Plus encore qu’Harry Potter, je pense, cette saga de Philip Pullman a contribué à faire de moi la personne que je suis.
Les aventures de Lyra et Pantalaimon, unis contre vents et marées dans une guerre qui les dépasse, celle de la science contre l’obscurantisme religieux, je les ai dévorées, rêvées, lues et relues…
Et je n’ai pas honte de dire que j’ai eu les larmes aux yeux quand j’ai enfin tenu entre mes mains La Belle Sauvage, le nouveau roman de Philip Pullman, qui se situe avant Les Royaumes du Nord, quand Lyra était tout bébé.
La Belle Sauvage, je l’ai abordée avec prudence, choisissant un bon cadre, un bon état d’esprit. J’avais tellement peur d’être déçue, que ça soit raté, ou juste pas aussi bien qu’À la Croisée des Mondes…
Alors, pour vous qui vous posez la question : que vaut La Belle Sauvage ?
La Belle Sauvage, un roman réussi ?
Trêve de tergiversations : oui, La Belle Sauvage est réussi.
Ce nouveau roman conte l’histoire de Malcolm, un adolescent qui donne un coup de main à ses parents tenanciers d’auberge, avec l’aide de son dæmon Asta.
L’ordre moral et religieux, dans la société, devient de plus en plus rigide. Dans l’école de Malcolm, le Magisterium recrute des enfants prêts à dénoncer leurs camarades « hérétiques ».
Non loin de l’auberge où vit le jeune héros, des sœurs religieuses recueillent un bébé, la petite Lyra, qu’il faut visiblement protéger de grands dangers. Malcolm se prend d’affection pour l’enfant.
Et on apprend que les dæmons de bébés prennent la forme de bébé animaux ADIEU
Après des inondations sans précédent, Malcolm se retrouve à devoir prendre soin de Lyra, tout en échappant à un terrifiant poursuivant, et tente de retrouver la chercheuse Hannah Relf, qui l’a aidé et possède un aléthiomètre.
Sur son chemin, Malcolm rencontrera des têtes connues : Lord Asriel, le père ce mystérieux bébé, Mme Coulter, sa mère, le gitan Farder Coram…
Mais La Belle Sauvage est loin d’être une re-sucée d’À la Croisée des Mondes émaillée de noms évocateurs. Son histoire est riche, complexe, et se tient même sans avoir lu les aventures de Lyra.
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La Belle Sauvage reste fidèle au cœur d’À la Croisée des Mondes
Si on débarrasse À la Croisée des Mondes de son aspect aventure, des détails fantastiques tels que les dæmons, les Spectres ou le poignard subtil, que trouve-t-on ?
Une critique intransigeante des dérives de l’Église, des risques d’un ordre religieux trop puissant, des dangers du fanatisme qui pousse à accepter tous les moyens pour arriver à ses fins.
C’est d’ailleurs un des échecs du film La Boussole d’Or, si peu réussi qu’il n’a pas eu de suites : l’aspect anti-clérical était lissé jusqu’à en devenir imperceptible. Peut-être car le sujet est trop provocateur pour un blockbuster.
Mais La Belle Sauvage ne s’embarrasse pas de cette pudeur : tout comme les précédents romans, c’est une ode farouche à la solidarité, à la curiosité, à la rigueur scientifique, et à la méfiance face à tout dogme trop rigide.
Les formidables personnages de La Belle Sauvage
Philip Pullman n’a jamais été du genre à écrire des personnages cliché, uni-dimensionnels. Et Lyra est l’une des héroïnes les plus complexes, réalistes et inspirantes de la littérature jeunesse.
Malcolm est un héros auquel je me suis tout de suite attachée.
Malgré son jeune âge, ses valeurs sont bien présentes et ancrées en lui : l’entraide, la soif de savoir, le pragmatisme, la sympathie, la révolte contre l’injustice.
Lyra n’était pas un personnage féminin très « genré », et de l’autre côté du spectre, Malcolm ne l’est pas non plus.
Ce héros masculin passe la moitié du livre à s’occuper d’un bébé, non pas parce que c’est à lui, l’homme, de le sauver, mais parce qu’il l’aime, profondément et fondamentalement. Il n’a pas honte de changer une couche, de bercer Lyra.
Malcolm est à peine sorti de l’enfance et se retrouve dans une situation plus que périlleuse, avec d’énormes responsabilités sur les bras.
Il a peur, il pleure, regrette de devoir parfois se défendre physiquement, il est épuisé, il tente par pudeur de cacher ses larmes mais reste droit dans ses bottes, tant bien que mal.
On découvre dans La Belle Sauvage d’autres facettes de personnages connus.
Lord Asriel, plus jeune, quasi hors-la-loi, fait forte impression sur Malcolm. Mme Coulter le terrifie en quelques instants. Farder Coram l’émerveille, en plus de lui inspirer un fort respect.
Le héros est également entouré de figures féminines fortes : les sœurs ayant recueilli Lyra, fermes mais tendres, la scientifique Hannah Relf, courageuse malgré sa peur, et Alice, une adolescente farouche qui protège le bébé en compagnie de Malcolm.
Tous ces personnages sont réalistes, il n’y a pas de stéréotype ambulant dans les romans de Pullman. Même Gérard Bonneville, l’inquiétant ennemi, a droit à de la nuance malgré sa cruauté.
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La Belle Sauvage, entrée réussie dans une nouvelle trilogie
Vous l’aurez compris, La Belle Sauvage est à mettre entre toutes les mains et a violemment réveillé ma vieille envie d’avoir un dæmon.
J’ai déjà un idiot de chat c’est pas mal.
Le prochain tome de cette nouvelle trilogie s’intitule The Secret Commonwealth et il est fort possible qu’il paraisse en 2018 !
Nouveau bond dans le temps, en avant cette fois-ci : l’héroïne en sera Lyra, âgée d’une vingtaine d’années et voyageant vers l’Orient…
Je trépigne d’impatience, et je ne peux qu’espérer que son chemin croisera à nouveau celui de Malcolm.
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