En partenariat avec Gallimard Jeunesse (notre Manifeste)
Quand les seins se pointent dans votre vie, vous avez généralement entre dix et seize ans. Le moins qu’on puisse dire de cette période, c’est que vous êtes à fleur de peau.
Jusque-là, la relation que vous entreteniez avec votre corps était potentiellement très simple : c’était une enveloppe, un outil. Sans parler des cheveux ou de la couleur de peau, le « moi » de neuf ans pensait que la silhouette ne pouvait avoir que quatre « défauts », et avec le recul c’est déjà bien trop : on pouvait être trop grande, trop petite, trop mince ou trop grosse. C’est tout !
Tout à coup, le corps en décide autrement, et il se met à se transformer. Tous vos repères volent en éclats, et la liste de « défauts » commence à s’allonger proportionnellement à votre corps. Le pire est que quand tout le schmilblick se stabilise, il faut apprendre à composer avec le résultat !
Et la poitrine qui (se) pointe est souvent un changement qui attire l’attention. Car avoir des seins quand on est au collège ou au lycée ne signifie pas simplement porter ou non un soutien-gorge : cela veut dire supporter les remarques bonnes ou mauvaises, les moqueries, les avis…
C’est tout le propos du roman de Laura Zimmermann De l’importance de savoir rebondir. À l’occasion de la sortie de son premier livre en France, l’autrice nous fait le plaisir de répondre à certaines de nos questions. Elle nous raconte sa vision de la féminité dans l’espace public, ou comment la poitrine est sexualisée dès le plus jeune âge.
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Les complexes physiques sont souvent abordés de façon superficielle. Pourquoi en faire le thème central de votre roman ?
« Je constate qu’il y a de plus en plus d’excellents romans qui parlent de gens qui ne rentrent pas dans le moule, et je m’en réjouis. Comme Greer, la narratrice, j’ai passé ma scolarité à planquer ma poitrine sous des pulls XXL et à me tenir voûtée dans l’espoir de l’oublier et de la faire oublier (spoiler : ça ne marche pas).
Quand on a quinze ou seize ans, on a un million de choses à apprendre sur soi-même et le monde, et ça n’aide pas de se sentir en plus mal dans sa peau. Cela vaut aussi quand on a quarante ou cinquante ans. »
Votre roman a-t-il une visée pédagogique ? Vous auriez aimé lire ce genre de livres quand vous étiez plus jeune ?
« Je me méfie des livres qui cherchent à transmettre un message. Je crois que mon boulot, c’est d’inventer des personnages auxquels on puisse s’identifier. Et d’après moi, on s’identifie plus aux personnages un peu paumés qu’à ceux qui ont déjà tout compris à la vie.
À la fin du roman, Greer n’est pas guérie comme par magie de ses complexes. Elle n’enfile pas un push-up avant d’aller twerker en cours de maths. Mais au moins, elle ne cherche plus à se rendre invisible. (Promis, je n’écrirais pas une suite dans laquelle Greer twerke en cours.)
Une chose que j’adore, c’est quand des lecteurs et lectrices m’écrivent pour me dire que ce livre leur a semblé écrit pour eux. Mon roman raconte l’histoire d’une fille terriblement complexée par sa poitrine. Je reçois donc énormément de mots venant de personnes qui partagent son expérience sans avoir jamais rencontré de personnage de fiction qui valide leur vécu. C’est vraiment gratifiant !
Mais j’aime aussi les réactions de gens qui se reconnaissent en Greer pour d’autres raisons. Une lectrice m’a parlé de sa prothèse – j’en ai pleuré. Son message était beau, une vraie leçon d’humilité, et il m’a beaucoup touché.
C’est pour ça que, quand les lecteurs et lectrices me disent qu’ils ont l’impression que j’ai écrit ce roman pour elles et eux, je leur réponds que c’est le cas ».
Si vous aviez la possibilité de modifier la vision sexualisée de la poitrine des femmes, quelle place aimeriez-vous que les seins occupent ?
« Je souhaite que les femmes contrôlent le discours sur le corps des femmes (je parle ici de toutes les femmes, qu’importe le genre qui leur a été assigné à la naissance). C’est à elles de choisir les mots pour parler de leur corps, mais aussi ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Un téton n’a rien de choquant. Une poitrine qui rebondit n’est pas un gag. Une petite poitrine n’est pas triste. Une montée de lait n’est pas taboue.
La façon dont on parle des seins vous choque ? Ne me lancez pas sur le sujet des règles ! »
Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui peine à assumer sa poitrine ?
« Si quelqu’un se moquait du corps de ta meilleure amie, tu resterais les bras croisés ? Si elle te confiait sa honte ou ses complexes, est-ce que tu te dirais que le problème vient d’elle ? Bien sûr que non. Tu la prendrais par les épaules et tu lui rappellerais qu’elle est forte, tu l’entourerais de tout ton amour pour qu’elle n’oublie pas de s’aimer elle-même.
Alors, sois aussi féroce, aimante et bienveillante envers toi-même que tu le serais envers ta meilleure amie. Puis va lever une armée ! »
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Les Commentaires
Et concernant l'asymétrie des seins, Scarlet Johanson, Halle Berry et Jennifer Lawrence ont aussi une poitrine asymétrique donc ça va, je suis rassurée sur ce point