Kolett est une application de VTC « au féminin », une sorte de Uber qui se lance dans l’ouest parisien.
Son principe : mettre en relations des chaffeurEs avec des clientES.
Kolett, des VTC par les femmes, pour les femmes
Le projet Kolett s’appuie majoritairement sur deux constats :
- premièrement, il s’agit de mettre en avant les chauffeurEs, puisque selon Valérie Furcajg, l’une des cofondatrices de l’entreprise, « 95% des chauffeurs VTC sont des hommes » ;
- deuxièmement, les femmes pourraient préférer être prises en charge par des femmes, pour « éviter certaines remarques » ou afin de se sentir plus en sécurité.
C’est du moins ce qu’explique Valérie Furcajg, à l’origine de Kolett, dans Le Parisien, et ce qui est mis en avant sur le site officiel de l’application, comme argument de vente.
À première vue, ce service semble répondre à un besoin de la clientèle. ValérieFurcajg explique en effet au Parisien :
« Il m’est arrivé de sortir d’une soirée à une heure assez avancée et d’hésiter à prendre un taxi. Dans ces situations, on n’a pas forcément envie de se retrouver seule dans une voiture avec un inconnu. »
Je ne doute pas que cette inquiétude soit partagée par d’autres femmes. Moi-même, je me sens parfois en insécurité, le soir, quand les rues sont désertées… par les femmes.
Je n’ai pas peur des hommes, j’ai peur de ce que l’éducation sexiste et la société patriarcale m’ont appris, et ont appris à beaucoup d’hommes.
Or, je suis beaucoup moins inquiète — à tort ou à raison ? — de ce que cette même société a pu enseigner aux femmes qui ont grandi en son sein.
Alors oui, je pourrais privilégier des chauffeures, à cause de cette peur instinctive, la même qui me pousserait à m’asseoir plutôt à côté d’une femme qu’à côté d’un homme lorsque je peux avoir le choix, dans le métro.
Nonobstant, les questions que me pose cette initiative sont plus complexes.
Kolett est-elle une bonne solution pour les femmes ?
Parce que oui, j’ai peur lorsque je suis seule dans la rue, sans même savoir exactement de quoi j’ai peur. Mon ressenti est très proche de celui qu’exprimait Clémence dans son Sister Sister avec Kalindi sur la peur du viol.
Mais la solution est-elle de se séparer entre hommes et femmes ? Mon côté pragmatique affirme haut et fort que oui, ce serait un gage de tranquillité. Quitte à ce que ce soit un peu extrême, ma sécurité et mon confort passent avant tout.
Quant à mon côté idéaliste, il est bien plus dérangé à cette idée. Je n’ai pas envie d’un monde où nous vivrions entre nous, séparé·es et bien rangé·es dans des cases, des dispositifs spécifiques à chacun·e. « Cachez-moi ces différences que je ne saurais voir
».
Parce que de toutes manières, je suis bien consciente que 1) ça n’éviterait pas les risques (spoiler : la vie c’est risqué) et 2) ce ne sont pas les hommes qui me font peur.
Je reviens là-dessus, ce qui me pose problème est la coquille sociétale qui m’a appris à me méfier des hommes, à ne pas « provoquer », à ne pas sortir tard car « je n’aurais pas à me plaindre après si je me suis fait violer ».
Cette même coquille qui assène aux hommes que frapper une femme qui refuse un « compliment » dans la rue est normal, et « qu’elle l’a bien cherché ».
L’application Kolett, un symptôme du sexisme sociétal
Kolett offre donc UNE réponse à un problème de société, et sans doute pas LA réponse. Cela me fait penser d’ailleurs aux wagons de métro réservés aux femmes, dont Mymy t’avait déjà parlé.
Je trouve l’idée de Kolett tristement logique, et en même temps, fonder son argument commercial sur la non-mixité et l’insécurité est une démarche qui me contrarie.
Cette non-mixité est d’ailleurs poussée au point que, concernant la possibilité de prendre en charge des hommes, Kolett explique :
« Oui, ils sont bien acceptés. Mais uniquement s’ils sont accompagnés par une femme. »
Quelque part, je me dis que cette réponse est logique : si l’essence même du service proposé par Kolett est de proposer des courses VTC par et pour des femmes, il semble normal de ne pas accepter les hommes seuls.
D’autant plus en s’appuyant sur un argument sécuritaire. Si l’application était ouverte à tous, je suppose que certains hommes pourraient peut-être l’utiliser comme une appli de rencontre inversée, et faire preuve de comportements inappropriés envers les chauffeures.
Les limites du modèle Kolett
Toutefois j’ai le sentiment que cette mesure met en exergue les limites d’une société qui serait construite sur ce même modèle. J’extrapole bien évidemment, Kolett n’est pas encore et pas prête de devenir un schéma politique, cependant la multiplication des initiatives comme celle-ci questionne pour moi la société de demain que nous construisons.
En tant que femme, je vis mal le fait de devoir être accompagnée lorsque je sors dans l’espace public, si possible par un homme.
Qu’ils soient eux aussi obligés de sortir accompagnés me dérange tout autant.
Et en même temps, comme je le disais plus haut, cela s’inscrit dans une logique difficilement réfutable.
Kolett : bonne ou une mauvaise idée ?
Tu l’auras compris, je suis vraiment dubitative face à cette proposition. Elle met en opposition mes côtés idéaliste et pragmatique.
Je ne sais pas comment la recevoir, puisque j’ai autant envie de l’utiliser que de refuser un tel fonctionnement.
Ce que j’aimerais, cependant, c’est voir à quel point l’initiative fonctionne, et qu’elle questionne la profession sur son rapport aux femmes.
Pourquoi 95% des chauffeur·es sont des hommes ? Pourquoi les femmes se sentiraient-elles plus à l’aise avec des chauffeures ? Qu’est-ce qui peut être fait pour leur donner un sentiment de sécurité, pour gommer cela dans l’espoir qu’un jour, peut-être, la question du genre du ou de la chauffeur·e et du passager·e n’entreront plus en compte : seule la disponibilité du VTC comptera ?
Viens me dire quel est ton avis sur cette démarche dans les commentaires, en tous cas ! Utiliserais-tu un tel service ? Et pourquoi ?
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