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Culture

Koh Lanta en milieu urbain

Cette semaine Ophélie a regardé Koh Lanta Malaisie et cela l’a profondément affectée; dans sa chronique elle nous raconte un épisode du quotidien qui pourrait être tiré de la nouvelle saison de l’émission – les décors paradisiaques et les gens en slip en moins.

?AH ! Misère sociale, misère affective, misère culturelle ! Je pourrais vous narrer toutes les embûches et les détours qui ont jeté mon noble séant sur le tissu douillet du canapé en cette soirée du vendredi deux novembre mais ce ne serait qu’une accumulation de prétextes malhonnêtes.

J’ai regardé Koh Lanta.

J’aurais pu lire Zola, vous écrire une superbe chronique acide et assassine, regarder un film d’avant (à l’époque où l’époque n’avait pas de couleurs). J’aurais pu faire quelque chose d’utile pour l’humanité (ou faire le ménage) mais non, j’ai dépucelé mon innocent regard devant la lucarne vicieuse de TF1.

Je ne suis pas une grande consommatrice de télé-poubelle (aussi appelée télé-réalité bien que tout le monde sache que si la réalité est effectivement pathétique elle n’a rien de commun avec cet ersatz pailleté – elle est bien pire que cela). Je disais donc que, sans bien comprendre les causes et les conséquences, j’aime à regarder Koh Lanta chaque année.

Koh Lanta est une émission thérapeutique pour bien des raisons, je pousserai même la mauvaise foi jusqu’à dire qu’elle est un formidable laboratoire d’étude des petites lâchetés humaines. Le premier épisode de la saison est toujours excessivement savoureux car il brosse le portrait d’une vingtaine de nouveaux candidats dont la motivation n’égale que la sournoiserie et l’arrivisme dont ils sauront faire preuve.

Cette année j’ai repéré quelques champions :

– Philippe, 41 ans : « il s’entraîne depuis 10 ans pour gagner Koh Lanta » nous assure la voix off. Effectivement nous le voyons dans son jardin en train de fabriquer des harpons en bambou. Employé d’usine, Philippe ne compte pas ses heures et ne prend jamais de vacances – c’est un brave parmi les braves.

– Anthony, 24 ans : Le plombier marseillais qui se fait épiler les tétons et qui refuse d’être assimilé à un quelconque concept de « métrosexualité ». Il prend soin de lui afin de satisfaire sa clientèle, le plombier étant au fantasme féminin ce que l’infirmière sexy est au fantasme masculin (ah oui ? vraiment ?).

– Javier, 39 ans : Le bout-en-train. Javier, c’est le type qui va jongler avec trois noix de coco pour amuser l’assemblée qui est de fort mauvaise humeur à force de crever de faim depuis 10 jours. Javier, c’est l’archétype de l’optimiste relou, celui qui va essayer de te faire rire quand tout va mal alors que tu n’as aucune envie de relativiser ta situation : tu veux juste lui fracasser sa noix de coco sur le crâne.

– Nadine, 57 ans : La vieille. Le truc des vieux pour se montrer indispensable c’est de revendiquer leur prétendue sagesse ainsi que leur valeureuse expérience de la vie. Paternalistes et un peu chiants, les vieux de Koh Lanta ramènent tout à leur âge pour ne pas se remettre en cause.

N’est pas Robinson Crusoé qui veut; le reste de la troupe semble partager des valeurs communes basées sur la trahison (« je vendrais mon père pour gagner s’il le fallait »), le mensonge et le besoin de compétition. Au milieu quelques gentils et innocents Bambi gambadent à la recherche d’un totem, on sait qu’ils vont prochainement se faire tuer.

En vérité, personne ne regarde Koh Lanta pour voir des quidams ramper dans le sable et perdre douze kilos en quarante jours, la souffrance (ah non pardon – le dépassement physique-) n’est pas le principal intérêt de l’émission. Car le meilleur naufragé ne gagne ?jamais à la fin ; c’est toujours le petit vicieux qui a réussi ses épreuves tranquillement et qu’on ne soupçonne pas qui remporte la mise à force de complots fomentés au coin du feu.

Si on regarde Koh Lanta, c’est pour cet aperçu de fourberie humaine décuplé par une mise en scène sur-produite et une pré-sélection drastique. Vingt personnes, épuisées, affamées et en slip sur une île lointaine qui doivent se manger entre eux sans passer pour d’horribles cannibales.

Je me plais à croire que nous pourrions tous devenir un de ces terribles compétiteurs si nous étions soumis à de pareilles conditions (froid, faim, solitude, perte de repères, épuisement). On a tous un Philippe hyper-actif dans notre entourage professionnel ou un Javier qui met l’ambiance aux repas familiaux.

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Ce matin dans le tromé je les dévisageais tous, les potentiels ennemis infiltrés au sein de ma propre tribu. L’épreuve des poteaux était transcendée par le décor urbain : nous étions tous debout sur nos jambes amollies par une nuit trop courte, cherchant le fébrile soutien de la barre métallique plantée au milieu de la rame.

Trop de mains pour trop peu d’espace, il fallait en éliminer un. Station François Verdier les corps se poussent pour se frayer une place vers la sortie, moi j’observe de loin parce que : 1) les barres du métro sont SALES, je ne les touche jamais, je préfère mourir écrasée, noyée, brulée vive plutôt que de poser mes pattes dessus et risquer la gastro-entérite. 2) je suis bien meilleure spectatrice qu’actrice et c’est moi qui raconte alors je me place en dehors de la scène si je veux, je suis le Denis Brogniart de l’histoire.

SOUDAIN, un espace libre se créé au centre de la rame, les bras ankylosés d’avoir tenu fermement leurs surins se reposent le long des corps (je romance mon histoire si je veux, je suis Denis Brogniart après tout) et un jeune individu d’apparence nonchalante entre dans l’arène. Il regarde autour de lui et s’adosse contre la barre en métal.

La stupeur est totale alors que le métro se remet en branle, les mains pendent bêtement, ne sachant à quel appui se tenir, les corps chancellent et les visages sont marqués par l’indignation.

Heureusement, un Philippe se fabrique un siège en s’asseyant sur sa valise en titane, il cesse immédiatement de se préoccuper de ce qui se passe devant lui. Un Javier fait mine de tomber lourdement sur l’ami qui l’accompagne et il rit alors grassement de sa facétie. Mais tout ceci n’est pas au goût de notre Anthony qui refuse d’avoir l’air ridicule et décoiffé au bureau faute de pouvoir s’accrocher convenablement à sa barre de métro. Il s’en prend alors au jeune agitateur, que nous nommerons Nadine, bien qu’il ne soit pas une femme de 57 ans, afin d’apporter davantage de réalisme à l’ensemble.

Il lui tint à peu près ce langage : « Hey, tu t’es cru chez ta mère ou quoi ? Tu vois pas que t’emmerdes tout le monde là ? » Nadine, après avoir vivement défendu sa mère, son père, les trois générations qui l’ont précédée et jusqu’à ces ancêtres bizantins, usa de l’ultime argument auquel on n’ose répliquer : « AH C’EST PARCE QUE JE SUIS ARABE C’EST ÇA ? » ? Non, c’est seulement parce que tu es un minable orchidoclaste qui mériterait de voir sa tête trainer sur l’escalier des Gémonies mais si tu veux réduire ton exponentiel pouvoir de nuisance à un point précis de ta personne plutôt qu’en remettant en cause ta personnalité, c’est ton problème, Nadine. (c’est ce que Denis Brogniart aurait dit en voix off, assurément)

Alors j’entendis la voix du métro qui nous annonçait la station Jeanne d’Arc, à ce moment-là je remis ma frange en place et montai sur mon fidèle destrier métallique. Quittant mes compagnons d’aventures souterraines et me jurant de ne pas regarder Koh Lanta le vendredi soir suivant; je n’ai pas besoin de la télévision pour me donner des cours de survie en milieu hostile.

Et puis je suis Denis Brogniart, impeccable sur la plage en chemise noire, j’ai pas besoin de me battre moi.


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Les Commentaires

7
Avatar de DestyNova_
5 novembre 2012 à 15h11
DestyNova_
Je vais peut-être me contredire par rapport à mon discours habituel, mais j'aime bien Koh Lanta.
Tout ce que dit Ophélie est vrai, le fait que le plus fourbe gagne, le fait que ce soit de la TV réalité (et donc pas une émission culturo-géographique malgré les 5 minutes d'intérêt pour les populations locales), l'aspect souffrance, etc.
Mais je ne le classerai pas dans la même catégorie que les autres émissions type Loft story quand même. Pour moi c'est comme une fête du village, oui ya toujours le vieux qui le ramène avec sa pseudo science, tout ce qu'il dit est vrai parce qu'il est vieux, oui ya le con et le relou qui font office de bout-en-trains même s'ils ne font rire personne, oui ya ceux qu'on aime bien mais qui partent avant parce qu'on laisse toujours gagner ceux qui sont plus chiants avec leur fourberie et leur mauvaise foi, mais bon c'est un peu la vie.
Je trouve que Koh Lanta est honnête dans le sens où, oui, ya tout ce "jeu humain", mais l'émission est quand même aussi beaucoup axée sur le jeu.
Je veux dire quand tu regardes le Loft, ou secret Story, ya un PRETENDU jeu, mais le vrai but c'est d'espionner les gens alors que là, non.
On voit un peu les relations rouge/jaune/blanc mais ça tourne quand même TOUJOURS autour de leurs alliances pour gagner le jeu, ya pas d'aspects VRAIMENT vie privée des candidats.
Quand tu vois certaines saisons comme celles du retour des héros par exemple, tu vois que l'aspect jeu est quand même pris au sérieux, comme n'importe quel sport.
Mais mon avis est à débattre : )
(désolée j'aime vraiment manger du riz avec mes potes devant cette émission le vendredi soir).
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