Cet article explique Knock at the cabin et contient donc des spoilers du film.
Vous venez de finir le film qui caracole en haut des films les plus vus sur Netflix ces derniers jours, en vous demandant ce que vous venez de voir. Comment comprendre l’intrigue et la fin étrange de Knock at the cabin du maître du suspens et des films à plot twist, M.Night Shyamalan ?
Et si, derrière cette étrange fable apocalyptique sur un dilemme impossible, se cachait une métaphore sur le cinéma ?
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Le plus grand dilemme du cinéma
Sauver sa famille. Sauver le monde. L’histoire du cinéma est jalonnée d’un nombre incalculable de films tournant autour de ces deux enjeux. De Harry Potter à Avengers en passant par Avatar, combien de synopsis racontent l’histoire de ce héros, prêt à tout pour sauver sa famille, combien de bandes-annonces nous plongent dans l’univers de cet autre, chargé de la lourde mission d’empêcher la disparition de l’humanité ?
Dès lors, que se passe-t-il quand ces deux enjeux entrent en contradiction et forment un dilemme ? C’est la question cruelle que pose Shyamalan dans Knock at the Cabin. Dans ce film en huit-clos, deux pères et leur petite fille sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un terrible choix : la famille devra sacrifier l’un de ses membres, sinon, l’apocalypse frappera la Terre et engloutira les humains en quelques heures.
Ce choix semble impossible, et peut-être encore plus : complètement absurde.
Quel lien extraordinaire pourrait-il exister entre le sort de la Terre entière et de cette famille tout ce qu’il y a de plus banal ? Qui sont ces étrangers aux allures de secte organisant un suicide collectif au nom d’arguments illuminés ? Pourquoi l’humanité serait-elle sur le point de disparaître ?
Les images comme gage de vérité
Convaincre. Pendant 2 heures, les quatre étrangers vont tout mettre en œuvre pour que la famille élue croie en la nécessité de son sacrifice. Pour accomplir une mission aussi inimaginable, les individus n’auront aucune limite. Ils iront jusqu’à renoncer à leur propre vie et à provoquer le début de la fin du monde. En effet, le suicide de chacun entraîne l’une des quatre étapes de l’apocalypse.
Tout en se donnant la mort les uns après les autres sous les yeux de la famille ébahie, les étrangers allument la télévision du salon. Sur l’écran, des chaînes d’informations diffusent en direct des images de la fin des Temps. À ces moments du film, Shyamalan met les bouchées doubles en matière d’effets spéciaux et nous donne à voir, en même temps qu’à ses personnages, des tsunamis, des crashes d’avion et autres catastrophes.
Une fois écartées les hypothèses les plus crédibles, il devient clair que ces images sont bien réelles et transmises en direct, la famille accepte de voir la vérité ses images et finit par commettre le sacrifice qui sauve l’humanité.
Dans un monde d’images, continuer à être touché par les folles histoires que le cinéma nous raconte
Ce dont Shyamalan nous parle dans Knock at the Cabin, c’est de cinéma. De fait, que fait un réalisateur, si ce n’est rentrer dans notre quotidien, notre maison, notre esprit, s’emparer de nos écrans, notre attention et notre imaginaire avec ses films ? Que fait-il à part tenter de nous faire croire à ses histoires, même les plus magiques, enfantines ou insensées ?
Pour Shyamalan, il n’y a rien de plus précieux que cette forme de croyance qui donne son essence au cinéma. Devant le grand écran, on a parfaitement conscience que les images ne sont qu’un simulacre fabriqué de toute pièce. Or, réfléchir, rire, pleurer, être touché par un film, c’est forcément croire, malgré l’évidence de l’artifice. Cet acteur qui joue la comédie, cette image de synthèse, ce scénario fantastique ou de science-fiction, on y croit.
Des images « incroyables »
Dans Sixième Sens, le psychologue joué par Bruce Willis apprenait au petit garçon un tour de magie particulièrement absurde, dans lequel une pièce est censée disparaître alors qu’on voit bien qu’elle n’a jamais bougé. Quand le petit garçon lui fait remarquer que son tour n’a rien de magique, Bruce Willis répond : « Oui, mais c’est drôle ». Cette séquence pourrait résumer à elle seule le cinéma de M.Night Shyamalan. C’est in-croyable – au sens où l’on ne peut y croire comme à une vérité rationnelle. Mais c’est également incroyable de réussir à procurer des émotions, des pensées et des sensations qui elles, sont bien réelles et devant lesquelles on accepte de mettre de côté son scepticisme.
Cette ambivalence, c’est ce que Shyamalan explore et questionne dans Knock at the cabin. Citons par exemple la scène du poulet frit. Le réalisateur fait un caméro de quelques secondes dans une publicité sur la télé. Il vante les vertus d’un poulet frit healthy. À travers ce qui est évidemment une arnaque, Shyamalan souligne le paradoxe de la croyance en les images. Comment faire confiance aux images alors qu’elles nous mentent, nous poussent à la consommation et peuvent nous mener à notre perte, comme ces personnages menés au suicide ?
Knock at the Cabin prend tout son sens dans la filmographie de celui qui renversait notre perception de ce qui est réel ou non dans The Village filmait des aliens dans Signes ou encore des super-héros qu’on accuse d’être des malades mentaux dans Incassable, Split et Glass. Comme leur créateur, les personnages de Shyamalan sont sincères. Ce sont des enfants, des fous, des colosses tatoués prêts à mourir pour aider. Ce sont des héros risibles, remplis d’espoirs et d’imagination, luttant pour être autorisés à aider les autres, dans des sociétés capitalistes obsédées par la rationalité.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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