Avant, il y avait Lil’ Kim, Queen Latifah, Eve et Missy Elliott. Maintenant, il y a Nicki Minaj, Azealia Banks, Kreayshawn et Iggy Azalea. Et depuis peu, Kitty Pryde. Kitty quoi ?
Kitty Pryde, c’est une adolescente de Daytona Beach, rouquine à taches de rousseur insolentes qui rappe et fait le buzz sur Internet pendant que les filles de son âge ne font que zoner sur Tumblr et commenter les personnages de Gossip Girl.
Très symptomatique de sa génération, Kitty Pryde est, sur le même modus operandi que la girl next door (cette fille que tu vois tous les jours et que tu aimerais pécho), la copine cool (cette fille que tu vois tous les jours et dont tu aimerais être la bonne pote). Ainsi, son personnage fonctionne comme une sorte de figure alter ego de toutes les jeunes filles de 18 ans : Kitty Pryde parle des mecs qu’elle aime en secret, de ses premiers pas dans la sexualité, des murges à la Bud Light Lime, cette « boisson de filles » (ou l’équivalent social de notre « Despé ») et des après-midi sous le soleil à ne rien foutre.
Et forcément, ça fonctionne. Soit vous avez le même âge que Kitty Pride, et vous aimez faire la fête, flirter et coller plein de stickers sur votre MacBook de jeune ultra-connectée. Soit vous êtes plus vieux, et la dégaine délurée de Kitty Pride vous rappelle tendrement les plus grandes gueules de vos anciens crews de copine.
Le premier EP de la jeune fille s’appelle The Lizzie McGuire Experience, en hommage à la mythique série du même nom. Le phénomène Kitty Pryde, c’est donc ça : beaucoup de références à la pop culture et tout ce que l’imagerie Tumblr adulée par la jeunesse comporte de plus « encanaillé » (casquette, tatouage, piercing, vernis coloré et fixie).
En fait, à bien y réfléchir, Kitty Pryde c’est un peu le cocktail molotov de tout ce que l’adolescence a ingéré de séries télé, de magazines de mode et d’e-shops American Apparel. Un savant mélange d’oisiveté dans les suburbs, d’Internet, de petite rébellion et fascination pour « les trucs cools » (la marque Supreme, l’appli Instagram et les cupcakes trop sucrés qu’au fond, personne n’aime manger mais que tout le monde aime prendre en photo pour pouvoir la poster sur un nonchalant compte Pinterest).
Dans son clip OKAY Cupid (à l’origine du buzz), la petite rouquine à t-shirt à motif traîne avec ses copines, dans sa chambre puis près du garage des parents. Coussins Hello Kitty, magazine avec Justin Bieber en couv’ et Polaroids : Kitty Pryde et ses faux airs de Lindsay Lohan (dans sa jeunesse) incarnent le XXIe siècle des teens dans tout ce qu’il a de plus communément partagé – un goût revendiqué pour les trucs kawaii, le star system et le vintage. La photo ci-dessous représente d’ailleurs très bien cette tension entre Internet (cf. le Mac Book, sur lequel la rappeuse pianotera pendant près de la moitié du clip) et les autocollants colorés (« Je suis mignonne, je suis une fille ») qui viennent s’opposer au sticker Supreme (« J’aime la culture street, le skate et les mecs de Odd Future »).
Qu’une adolescente si jeune se lance dans le rap est une chose suffisamment peu commune pour que l’on s’y arrête. Là où les petites YouTubeuses tentent rarement dans autre chose que des chansons au format pop, interprétées avec un ukulélé à la main, Kitty Pryde réussit à pénétrer un rap game habituellement très (trop) viril. C’est un bon point.
Ce que l’on peut regretter en revanche, c’est que cette intrusion dans le milieu s’adosse autant à l’exploitation d’un cliché pas très original : celui de l’ado qui chante dans sa chambre surchargée de posters, avec ses copines, et raconte sa vie à la sauce Tumblr. En fait, tout se passe comme si, une fois encore, c’était le créneau de la minette vierge et aussi subversive qu’une boîte de cassoulet qui se retrouve usé jusqu’à la corde. Une vision bien marketée de ce qu’est supposée faire « une jeune fille de 16 ans », donc.
Il faut plus de nanas dans le rap. Est-ce qu’en étant si stéréotypée, Kitty Pryde sert la cause ? Ou est-ce qu’au contraire, ce côté adolescente lambda est une ode à la jeunesse ? C’est toute la question, et sincèrement, je n’en ai pas la réponse.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires