“Avec la médecine classique, on s’est sentis seuls pour chercher des solutions” Carine soupire en repensant au parcours de son fils de trois ans : jusqu’à peu, il se réveillait “au moins cinq fois par nuit”. Sans explications. “Notre généraliste répondait qu’il était en bonne santé, en nous souhaitant du courage. Mais nous, on ne dormait plus, on craquait”. Alors, elle a décidé de “tout essayer” : conseillère en parentalité, ostéopathe, magnétiseur, kinésiologue… “Je ne sais pas ce qui a fonctionné, mais il a enfin fait ses premières nuits”.
L’engouement pour les pratiques de soins non conventionnelles
Au quotidien, Carine utilise aussi des huiles essentielles, probiotiques, vitamines, “en prévention des maladies” – sans tourner complètement le dos au médecin. Elle trouve des infos sur internet. Il faut dire que ces dernières années de nombreux sites et comptes sur les réseaux sociaux essaiment. Naturopathie, kinésiologie, hypnothérapie… ces “médecines alternatives” promettent moins de médocs, plus de naturel, d’écoute et “d’empowerment”. Nom officiel : “pratiques de soins non conventionnelles”, non reconnues scientifiquement, ni enseignées dans la formation initiale des soignants.
À lire aussi : Le collectif No FakeMed alerte les parents contre les « médecines » alternatives
“Depuis le Covid, les signalements d’exercice illégal de la médecine liés à ces pratiques sont exponentiels. Certains impliquent des dangers pour les patients.”, pointe Claire Siret, présidente de la section Santé Publique de l’Ordre des médecins, qui a piloté un rapport sur ces pratiques. “L’engouement est lié à la fois à la pénurie de médecins, le manque de temps médical, la défiance envers la science, le climat anxiogène de l’actualité et une envie de retour à la nature.” Logique, donc, que les parents s’y intéressent pour leurs enfants. D’autant que la grossesse et l’après-maternité sont une période de vulnérabilité.
« Affirmer que ces soins alternatifs ont réglé le problème, c’est trompeur«
“On n’a pas été assez accompagnés, regrette Carine. On a dû trouver nous-mêmes une formation sur les nuits des tout-petits, pour comprendre qu’on n’était pas responsables.” Membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, Fabienne Kochert déplore une “offre de soins défaillante, des PMI [Protection maternelle et infantile] débordées” qui laissent “certains parents désemparés, et donc plus captifs” à ces pratiques.
Souvent, d’ailleurs, la pédiatre orléanaise observe qu’ils y ont recours pour des pleurs, coliques, régurgitations… Bref, des symptômes courants, qui partent généralement seuls. “Nous devons accompagner les parents inquiets. Mais affirmer que ces soins alternatifs ont réglé le problème, c’est trompeur.” Elle pense, par exemple, à l’arrêt du lait de vache prôné pour arrêter les coliques. “L’allergie aux protéines de lait de vache existe, mais est extrêmement rare et nécessite une démarche clinique, insiste-t-elle. 30 % des bébés ont des coliques : pendant une période j’avais toutes les semaines des mères qui arrêtaient les produits laitiers, à tort.”
À lire aussi : Déserts médicaux : un quart des enfants vivent sans pédiatre à proximité
Pour Claire Siret, si ces pratiques “restent dans le champ du bien-être”, passe encore. “Mais dès qu’un diagnostic est posé, un traitement proposé, et donc qu’on bascule dans le soin, il y a dérive.”. Citons même le site du syndicat national des professionnels de naturopathie : “Un conseiller en naturopathie est un professionnel du bien-être accompagnant des consultants en complément d’une prise en charge et d’un suivi médical.”
En plus d’être coûteuses, certaines techniques présentent elles-mêmes des dangers. Par exemple, toute manipulation crânienne, de la face et du rachis sur les moins de six mois est interdite sans diagnostic médical attestant l’absence de contre-indication. Certaines huiles essentielles sont contre-indiquées lors de la grossesse, l’allaitement, et jusqu’à 6 ans. Il y a, aussi, le risque de retarder un diagnostic et sa prise en charge.
“Méfiance quand quelqu’un prétend guérir tous les maux par une seule méthode. Personne n’est tout-puissant.”
Faire des choix éclairés
Fabienne Kochert invite “les parents en difficultés à se rapprocher de soignants formés à la pédiatrie” (pédiatres, puéricultrices, sage-femmes…). Quitte à “insister” s’ils ne sont pas écoutés. “Ça peut aussi éviter de passer à côté de dépressions post-partum.” Si besoin, pour trouver des conseils rapidement, la pédiatre mentionne le site internet de l’Assurance maladie, ou Mpedia, qui contient des fiches-conseils. “Il est important que les parents – surtout lorsque leur enfant nécessite une prise en charge particulière, du fait de retards de développement par exemple – sachent quelles pratiques sont reconnues [le gouvernement tient une liste, ndlr]. Pour faire un choix éclairé ”, insiste-t-elle. Avis partagé par sa consœur.
À lire aussi : Crise des urgences pédiatriques : comment en est-on arrivé là ?
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires