Elle raconte dans cette carte postale son expérience de quelques jours dans cette ville qu’elle a trouvée passionnante.
Esther a complété son récit de quelques encarts pour en apprendre plus sur ce pays.
L’Afrique est un continent vibrant, divers et bouillonnant de culture qui gagne à être exploré. Mais il peut être intimidant de se lancer pour découvrir cette région du monde, surtout en tant que voyageuse solo.
De mon côté, j’ai travaillé dans la région durant six mois, et j’ai donc exploré plusieurs pays lors de mes longs week-ends : l’occasion de montrer que c’est possible !
Kigali, une introduction au Rwanda
J’ai notamment passé quatre jours à Kigali, juste assez pour tomber en amour avec le pays. Pour ce voyage, j’étais accompagnée d’une collègue de travail australienne.
En arrivant à Kigali, la première chose qui m’a frappée est la propreté générale des espaces publics. Dans la rue, il n’y avait aucun déchet qui traînait, l’herbe des parcs était bien taillée et les commerçants balayaient le trottoir devant leurs magasins.
C’était tout un changement par rapport aux autres pays d’Afrique de l’Est que j’ai visités et même par rapport à mon propre pays, le Canada.
Le Rwanda prend des mesures assez draconiennes pour s’assurer de la propreté publique. Par exemple, les sacs de plastique sont interdits au sein du pays. Apparemment, les bagages sont même fouillés pour confisquer ces derniers lors d’une arrivée via une frontière terrestre !
Le gouvernement est accusé « d’enfermer les pauvres », dans des centres de détention où les mauvais traitements sont l’usage, sans avoir de réelles charges contre eux.
Le Rwanda, pays aux mille collines… à parcourir à moto ?
Nous nous sommes installées dans le quartier de Kimihurura. Nous avons loué une chambre d’hôtes sur Airbnb appartenant à un couple expatrié. Le quartier était central et comportait plusieurs excellents restaurants. On peut manger de tout à Kigali avec plusieurs restaurants français, japonais, éthiopiens, etc.
Le Rwanda est souvent décrit comme le pays aux mille collines. C’est complètement vrai et il faut avoir les jambes solides pour parcourir Kigali à pied.
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Du coup, j’ai préféré utiliser le service de motos-taxis. Contrairement à toutes mes autres destinations en Afrique, les chauffeurs portent des casques et en offrent à leur passager (bien qu’ils soient généralement beaucoup trop grands !).
C’est ce qui a donné lieu à l’un de mes moments préférés du séjour : rouler à moto dans les rues de Kigali au coucher du soleil. Un sentiment de liberté totale !
C’est un moyen de déplacement peu cher si on sait négocier le prix. En général, je proposais la moitié du prix qu’ils réclamaient au départ. Il faut savoir que les chauffeurs ont tendance à demander beaucoup plus aux touristes !
Un week-end à Kigali pour découvrir la cuisine et l’artisanat local
Lors de notre séjour, nous avons suivi un cours de cuisine locale par le biais du centre des femmes Nyamirambo. Cet organisme a été fondé par un groupe de femmes locales et est un excellent exemple d’empouvoirement.
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Elles offrent des tours guidés à pied de leur quartier, des cours de tressage de paniers, des produits d’artisanat qu’elles fabriquent et bien entendu le fameux cours de cuisine !
Nous avons passé quatre heures avec Simone qui nous a montré comme préparer plusieurs mets traditionnels sur le feu de charbon.
La nourriture traditionnelle contient très peu de viandes ou de produits animaux, donc tout ce que nous avons préparé était végane. J’ai adoré le dodo, une sorte d’épinards cuits avec de la poudre d’arachides : savoureux !
L’artisanat local est absolument magnifique avec beaucoup de paniers tressés à la main et ensuite teints dans plusieurs couleurs vives. J’ai regretté de ne pas avoir plus de place dans mon sac à dos, puisque je voulais ramener presque tout ce que je voyais.
Nous avons fait nos meilleures trouvailles au Caplaki craft village où des dizaines d’artisans ont leurs kiosques. Une fois de plus, la négociation est de mise et est même attendue : c’est un marché très touristique !
Un pays encore marqué par les traces du génocide des tutsis et hutus modérés
Il est impossible de visiter Kigali sans penser aux conséquences du génocide des tutsis et hutus modérés, bien que peu de traces demeurent.
Mais les colonisateurs allemands puis belges ainsi que les missionnaires catholiques arrivant à l’orée du XXe siècle ont projeté sur cette société complexe leur image d’un monde racialement hiérarchisé. Hutu et Tutsi deviennent ainsi des « races » et des « ethnies » sous la domination coloniale.
Cette vision raciale de la société rwandaise forme ensuite le fondement des régimes post-coloniaux. Sans l’histoire longue du racisme, on ne peut comprendre les tensions alimentées à partir de 1990 puis le génocide des Tutsi de 1994 qui se déploie sur l’ensemble du pays à partir du 6 avril.
En moins de trois mois, près d’un million de victimes : hommes, femmes et enfants sont exterminés.
Le mémorial aux victimes du génocide et le musée qui l’accompagne sont particulièrement touchants.
J’ai pris plusieurs pauses lors de ma visite pour simplement marcher à l’extérieur dans les jardins tant j’étais submergée par mes émotions. La pièce réservée aux enfants est particulièrement bouleversante.
Le musée est très informatif et permet de mieux comprendre les éléments ayant mené au génocide et la reconstruction subséquente de la société. L’installation est résolument tournée vers le futur et nous laisse avec un message d’espoir dans la présentation vidéo qui clôt la visite.
Nous avons également visité le monument aux soldats de maintien de la paix belges qui ont été tués lors du génocide. Les lieux sont préservés tels quels et un gardien est présent pour raconter leur histoire.
J’ai conclu ma visite des lieux de mémoire avec l’hôtel des mille collines : des centaines de rwandais s’y sont abrités pendant le génocide sous la protection du gérant, qui donnait de l’argent et de l’alcool aux milices pour ne pas être attaqués. Aujourd’hui, il est toujours en activité.
Le roman de Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali, se déroule notamment dans cet hôtel : c’est cet ouvrage qui m’avait donné envie d’explorer le Rwanda.
Derrière une façade très lisse, quelques fissures
Lors d’une de nos soirées, nous avons décidé d’aller explorer la night life local. Après un repas bien arrosé, nous sommes allées dans une boîte de nuit où l’ambiance était survoltée et nous nous sommes rapidement fait de nouveaux amis.
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Cela a été un excellent moyen de discuter avec des jeunes locaux de notre âge, de leurs préoccupations. J’ai eu plusieurs conversations sur la politique locale, puisque ma visite était peu de temps après les élections présidentielles.
Président depuis 2000, il est en réalité arrivé au sein du gouvernement en 1994 à la suite du génocide, après avoir combattu le parti au pouvoir au sein du Front Patriotique Rwandais.
Loué pour le décollage économique du pays, le « modèle rwandais » est cependant critiqué pour son manque de transparence et de démocratie.
Il faut garder en tête que j’étais dans une boîte courue du quartier riche de Kigali : les jeunes avec qui je parlais étaient issus de la bourgeoisie rwandaise (enfants de médecins, avocats, etc.) et je pense que ça a beaucoup teinté les discussions.
Plusieurs s’exprimaient ouvertement contre l’absence d’une réelle opposition et en faveur de Diane Rwigara [ndlr : une militante engagée contre Kagamé dans la course à la présidentielle, qui n’a finalement pas pu se présenter, et a été arrêtée en septembre].
Ils mentionnaient leur lassitude envers le régime actuel et le désir de passer à autre chose.
Mais la plupart des jeunes à qui j’ai parlé étaient fiers de ce que le président a accompli dans ce pays, qui s’est économiquement relevé de manière impressionnante après le génocide.
Nous avons passé une soirée très enrichissante, même si elle a été un peu assombrie par le retour. Alors que nous étions presque arrivées à notre Airbnb, un homme à moto a tenté de voler mon portefeuille en m’agrippant le bras.
Je n’ai pas lâché et heureusement, je n’ai eu que des égratignures. Il faut dire que le fait que mon amie australienne – un peu en état d’ébriété – hurlait qu’elle voulait des McNuggets, au milieu de la nuit, dans un quartier résidentiel donc peu passant, a sans doute fait de nous des cibles privilégiées.
Malgré cet incident désagréable, je me suis sentie en sécurité lors du reste de mon séjour.
Le Rwanda, un pays fascinant
Il m’a fallu rentrer travailler à la fin du week-end, mais mon amie australienne a pu rester faire un trek pendant lequel elle a eu l’opportunité d’observer moult gorilles ! Elle a adoré l’expérience de côtoyer ces énormes animaux de près, en s’éloignant de la capitale.
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Finalement, cette excursion rapide était une très belle introduction pour ce pays très complexe et fascinant, et c’est une porte d’entrée facile d’accès dans cette région, puisque la situation sécuritaire est stable et le français largement parlé !
Il existe de nombreux films, ouvrages, articles pour s’informer sur ce sujet, parmi lesquels :
- Un dimanche à la piscine à Kigali, de Gil Courtemanche, cité par l’auteure de l’article et à retrouver sur Amazon ou Place des Libraires.
- Une saison de machettes, Jean Hatzfeld, à retrouver sur Amazon ou Place des Libraires.
- Rwanda : mille collines, mille traumatismes, Colette Braekman, à retrouver sur Amazon ou Place des Libraires.
- Pour aborder l’implication de la France dans le génocide de 1994, Le Monde fait le point sur les tensions entre Paris et Kigali et je vous conseille aussi l’enquête de Patrick de Saint-Exupéry publiée dans le numéro de la Revue XXI intitulé « Nos Crimes en Afrique ».
- Mon voisin, mon tueur, un documentaire d’Anne Aghion, à retrouver sur Amazon.
- Un dimanche à Kigali, le film du même nom que l’ouvrage réalisé par Robert Favreau, à retrouver sur Amazon.
Merci à Hélène Dumas pour son aide.
N’hésitez pas à faire vos propres recommandations à ce sujet en commentaire !
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