— Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Happiness Distribution. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
Keeper, quand j’en ai entendu parler, m’a intriguée de par son sujet. Ça ne court pas les rues les films réalistes sur la grossesse à l’adolescence surtout du point de vue masculin — à part Juno, le français 17 filles et le très récent Unexpected peut-être… Le premier long-métrage de Guillaume Senez, Bruxellois de son état, le place sur le devant de la scène avec une histoire douce-amère sur les responsabilités d’être parent alors qu’on a que 15 ans. Il a réalisé trois courts-métrages auparavant, tous récompensés.
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Le titre Keeper a un double sens. En anglais et en belge, il signifie gardien de but — poste auquel le jeune héros aspire — et en plus, il y a cette connotation de prendre soin de quelqu’un… de l’enfant pas encore né, autrement dit.
Un amour passionné d’adolescent•es
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Maxime et Mélanie s’aiment, il n’y a aucun doute là-dessus, à tel point qu’ils se lancent des «
je te déteste » à tout bout de champ. C’est fusionnel, comme souvent à l’adolescence, quand on se perd un peu dans l’autre. À 15 ans, ils n’hésitent pas à être actifs sexuellement, et pour bien l’expliquer, la première scène du film ouvre sur une fellation ; Mélanie avoue qu’en fait, elle n’aime pas trop ça.
Quelques minutes après, on apprend qu’elle est enceinte. L’avortement est tout de suite mentionné, mais finalement, les deux jeunes décident de « garder » l’enfant.
Leur complicité saute aux yeux et c’est grâce aux deux jeunes acteurs.
Leur complicité saute aux yeux et c’est grâce aux deux jeunes acteurs. S’il n’y avait qu’un nom à retenir : Kacey Mottet Klein. Bientôt à l’affiche du prochain film d’André Téchiné, Quand on a 17 ans, le jeune Suisse a une belle carrière qui s’annonce. Il dégage une assurance paradoxale vis-à-vis de son jeune âge, et même si parfois Maxime a l’air d’imposer son choix à Mélanie, il ne réalise pas vraiment ce qui arrive.
Son amoureuse, c’est Galatea Bellugi, très fragile mais surtout très perdue. Leur véritable jeunesse ajoute une maladresse naturelle qui ne peut pas être feinte.
En regardant le film, j’ai tout ressenti puissance dix. Toutes les émotions des personnages sont exacerbées (non, pas à cause des hormones, merci bien) : quand ils sont heureux, l’image balance leur bonheur à bras le corps, mais quand ils sont en colère, toutes les pores de leur peau envoient cette rage. Et ils le sont souvent : contre leurs parents, contre eux-mêmes, contre la vie…
Un regard masculin sur la grossesse
De nombreuses personnes ont manifesté leur étonnement : pourquoi raconter cette histoire par les yeux de Maxime et non de Mélanie ? Tout simplement parce qu’être un adolescent parlait plus à Guillaume Senez — et effectivement, ça permet à cette vision d’être beaucoup plus authentique. La réflexion interne du protagoniste principal est rarement externalisée, et tout se passe dans le confinement de sa tête. Et l’acteur y parvient, en créant des questions pour le spectateur, donc c’est dire…
La question omniprésente, « faut-il mener la grossesse à terme », plane de partout. En présentant cela comme leur choix, ils excluent un peu les directions parentales. Car même si ces présences tentent de les conseiller, l’issue finale leur revient à eux. En effet, la mère de Mélanie – l’excellente Laetitia Dosch — lui conseille d’avorter, car elle-même a eu sa fille très jeune et l’a regretté. Pas sa fille, hein, mais les difficultés : elle a dû arrêter ses études pour devenir mère.
Qui dit réflexion interne dit explosion quand on ne s’y attend pas. Et ces explosions prennent vie avec les séquences de disputes où tous les membres des deux familles sont rassemblés. Ensemble, ils se disputent, ils gueulent un bon coup, et tout ça avec une intensité rare qui prend le spectateur à témoin, et on se sent concerné•e.
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Une authenticité à toute épreuve
À certains moments, l’irresponsabilité de ces ados m’a agacée.
Une grossesse dure plus ou moins 9 mois, et le film reflète toute cette péripétie. À certains moments, l’irresponsabilité de ces ados m’a agacée. Même s’ils sont jeunes, et que les figures adultes ne représentent peut-être pas forcément l’exemple à suivre, leur bon sens manque à l’appel parfois…
Malgré leurs comportements, je dois le reconnaître, leur détermination ne peut que donner envie de les soutenir, quelle que soit leur décision. Après, c’est ça aussi d’être jeune – de faire des erreurs. Et je ne parle pas de leur choix en lui-même, mais plutôt à certains de leurs actes durant la grossesse. Mais cette détermination ne suffit pas toujours, puisqu’au final, c’est Mélanie qui est seule maîtresse de son corps et de la décision à prendre.
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Cette épreuve, c’est leur passage à l’âge adulte. Maxime rêve de devenir footballer pro, et plus exactement, gardien de but. Il y croit dur comme fer, et même en connaissant les chances pour qu’il réussisse, on veut qu’il aille loin ! De fait, Senez ne porte aucun jugement sur la décision, il se contente de raconter le voyage émotionnel de son héros.
Et quel voyage introspectif ! Et comme on dit, ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin parcouru pour en arriver là… et les personnages en ressortent grandis. Tout comme vous ressortirez grandi•e de votre salle de cinéma le 23 mars !
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