« What the fuck was I doing ? » (« Qu’est-ce que je foutais, putain ? ») : quand Kate Winslet évoque ses collaborations avec Roman Polanski (Carnage en 2011) et Woody Allen (Wonder Wheel en 2017), elle ne mâche pas ses mots.
À l’occasion de la sortie du film Ammonite, une histoire d’amour entre deux femmes avec Kate Winslet et Saoirse Ronan, l’actrice a livré une longue interview pour Vanity Fair dans laquelle elle parle de diversité au cinéma, de représentation, de la façon dont elle s’efforce d’aider les jeunes comédiennes comme elle-même n’a pas forcément été aidée au début de sa longue carrière.
Kate Winslet revient sur ses collaborations avec Polanski et Allen
C’est Kate Winslet elle-même qui met le sujet Polanski et Allen sur la table, avec une colère et une frustration palpables.
La vie est foutrement courte et j’aimerais faire de mon mieux pour être un exemple aux yeux des jeunes femmes. On leur refile un monde bien niqué, donc j’aimerais faire ma part, faire preuve d’intégrité.
Qu’est-ce que je foutais, putain, quand je bossais avec Woody Allen et Roman Polanski ? À présent, ça me paraît dingue que ces hommes soient tenus en si haute estime par l’industrie du cinéma, et depuis si longtemps. C’est une honte, putain. Et il faut que je sois tenue responsable d’avoir travaillé avec eux deux. Je ne peux pas remonter le temps. Ces regrets me pèsent mais que nous resterait-il si on ne pouvait même pas être honnête à ce sujet, bordel ?
Si elle a soutenu les deux hommes précédemment, et a tourné avec Woody Allen en 2017 dans Wonder Wheel,
Kate Winslet est l’une des très rares actrices à assumer qu’elle regrette d’avoir collaboré avec ces réalisateurs. Elle rejoint en cela Natalie Portman, qui était revenue sur sa signature d’une lettre de soutien à Polanski.
Comment Kate Winslet tente de protéger les actrices
Au-delà de ses regrets, Kate Winslet explique qu’elle s’emploie à montrer l’exemple et à protéger de son mieux les plus jeunes actrices — un accompagnement auquel elle-même n’a pas eu droit dans sa carrière.
Elle évoque le commentaire déplacé d’un caméraman ayant dit : « C’est bite dure aujourd’hui » en la voyant se préparer pour une scène en sous-vêtements sur le tournage de Créatures célestes, alors qu’elle n’avait même pas vingt ans. Personne n’a rien dit, alors Kate Winslet n’a rien dit non plus, et a enterré ce souvenir loin dans sa mémoire, où il est resté si précis qu’elle se souvient encore du visage de l’homme, seize ans plus tard.
L’actrice ne veut plus de cette omerta. Elle raconte comment elle a soutenu la jeune Angourie Rice, qui joue sa fille sans une série HBO à paraître, Mare of Easttown :
Elle est Australienne et joue un personnage LGBTQ qui passe un moment intime avec un autre personnage. Elle a un an de moins que ma fille, Mia, et j’ai eu un réflexe de protection envers elle au moment de tourner cette scène, parce que les deux techniciens derrière la caméra étaient des hommes. Moi, j’avais fini de travailler […] mais j’ai dit « Je vais rester là, et être présente pour toi. »
C’était juste des baisers tendres dans une voiture. Mais parfois, quand on est jeune, c’est dur d’aborder une scène intime dans son propre lit, alors au travail…
[…] J’ai fini roulée en boule dans le coffre de la voiture, juste pour ne pas les laisser seules avec deux hommes — qui, soit dit en passant, sont des techniciens adorables, respectueux et expérimentés. Mais ça n’empêche pas : elle est jeune et ça aurait pu être un moment douloureux pour elle. Je ne voulais pas qu’elle se sente mal.
En attendant que la société toute entière arrête de banaliser le harcèlement sexuel et le reste des violences sexistes, c’est aussi par la sororité que les choses changeront. Kate Winslet envoie ici un message fort de solidarité, un grain de sable dans le grand chantier qui rendra l’industrie du cinéma plus saine !
Si vous lisez l’anglais, foncez dévorer son interview dans laquelle elle aborde aussi la question de la représentation sur grand écran de deux femmes amoureuses, son amitié avec Emma Thompson et son rapport à ses fils.
À lire aussi : Voir le dernier Polanski, ça trahirait mon féminisme ? (Réponse à une lectrice)
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
En fait, ça ne fait que depuis quelques années qu'on commence vraiment à avoir un débat médiatique et qu'on commence à comprendre à quel point ce réalisateur est toxique (effet metoo). Et quand en 2020 je vois qu'il est encore défendu avec des arguments de la culture du viol, quand en 2019 il gagne un oscar... Bah je préfère voir ses anciens collaborateurs faire preuve de ce type de recul... Même si on peut douter de leur sincérité, c'est pas non déconnant de se dire qu'avec le mouvement Metoo et contre les violences faites aux femmes, ils ont pu prendre conscience de ce que cette collaboration impliquait.