Just kids n’est pas une autobiographie au sens où l’auteur se met au centre de son récit. En quelques pages, Patti Smith raconte son enfance, son accouchement sous X, son départ à 20 ans pour New York, et le hasard qui lui fait rencontrer son futur amant et meilleur ami Robert Mapplethorpe. Ensuite, la chronologie ainsi que la temporalité du roman deviennent floues ; le récit se fait par anecdotes, au contraire d’un écrit nombriliste. On n’a même pas vraiment l’impression que Patti Smith pratique tant que ça la musique.
L’essentiel, c’est sa relation avec Robert Mapplethorpe, dont elle écrit une sorte d’apologie, tant ses mots sont pleins d’un amour, véritablement pur à partir du moment où les deux amis arrêtent d’être amants.
Just kids, c’est l’histoire de deux gamins paumés, armés de grigris récoltés à droite à gauche, en pleine recherche artistique, qui s’épaulent l’un l’autre parce que personne d’autre ne le fera pour eux. Et c’est aux côtés de l’autre que chacun deviendra ce qu’il est.
Y'a pas à tortiller : ils sont BEAUX.
Bien sûr, ce roman te fait un peu rêver, parce que tu serais prêt à vendre tes Ray Ban pour pouvoir vivre à New York pendant l’effervescence des années 60 et 70. Autant l’écrire tout de suite, tu vas croiser Jim Morrison de loin, Jimi Hendrix vite fait, Janis Joplin dans un bref portrait super touchant, Andy Warhol et les membres de sa Factory sans admiration aveugle, Allen Ginsberg et William Burrough, Tom Verlaine et les autres habitants du mythique Chelsea Hotel.
Le roman est illustré de photos d’époque qui donnent de la véracité au récit de cette vie de bohèmes new-yorkais. Elles sont plutôt intimistes et ont majoritairement Patti Smith et/ou Robert Mapplethorpe pour sujet, parce que ce n’est pas un livre qui veut se la jouer rock’n’roll.
Marine Landrot, dans un article pour Télérama, écrit que « Patti Smith a l’art du survol ». En effet, elle participe au monde artistique des années 70, mais ne s’y perd pas. Loin d’encenser une jeunesse déliquescente, son regard et son attitude restent très indépendants et critiques, et c’est admirable. Patti et Robert se font peu à peu une place dans cet univers dont ils parviennent en même temps à se préserver, parce qu’ils sont ensemble et que cela demeure l’essentiel à leurs yeux.
Just kids est un roman plein d’amour et de sagesse, exempt de haine ou de vieille amertume. On n’a pas l’impression qu’il s’agit de vieux souvenirs ; le récit est vivant et on s’y investit. Patti Smith a produit un très beau texte, simple mais poétique. Son récit est sincère et sans exagération, à l’image de sa musique ; et on y sent incontestablement l’influence d’Arthur Rimbaud, l’homme avec lequel elle a vécu son histoire d’amour la plus fidèle. Comme lui, elle arrive à nimber la misère et la faim de beauté, sans pour autant faire du romantisme.
En fait, si l’on essaie de résumer l’histoire de la rencontre entre Patti et Robert, ça donnerait un speech de téléfilm allemand du dimanche après-midi sur M6 avec un titre du genre « Une destinée formidable » ou « L’amour est une arme », mais la niaiserie en moins, et la réalité new-yorkaise des 70’s en plus.
Après la lecture de Just kids, tu passeras trois semaines à écouter Horses en boucle, et c’est pas plus mal. « Jesus died for somebody’s sins but not mine ».
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