Julie a dix-huit ans. Elle est revenue de Slovaquie il y a une semaine, après avoir participé à l’Euro de football de la catégorie U19 (celle qui regroupe les joueuses de dix-huit/dis-neuf ans).
Vous ne le savez peut-être pas mais cette équipe a remporté la finale contre l’Espagne, après s’être imposée face à la Suisse en demi-finale. L’occasion de plonger dans le monde méconnu du football au féminin, qui se fait doucement sa place au soleil.
Le foot, de l’envie « de se défouler » dans l’équipe de France
Julie pratique le foot depuis ses sept ans.
« C’était mon idée, même si effectivement mon père et mon frère jouaient déjà. »
Après avoir testé le tennis, le foot l’a emporté dans sa quête du sport qu’elle cherchait « pour se défouler ».
Depuis son entrée au lycée, elle s’entraîne au pôle Espoir de Tours. Faire partie des joueuses choisies pour le rejoindre n’est pas évident, c’est un processus qui fait beaucoup de déçues comme elle l’explique :
« Il y a un tournoi de la ligue régionale, où on affronte les équipes des autres régions. Tu es repérée pour passer un concours, on est environ 70, et après tu es recrutée soit pour le pôle France, soit pour le pôle Espoir, ou alors tu es recalée. »
L’emploi du temps d’une sportive de haut niveau est chargé.
« On avait des horaires aménagées, on finissait tous les jours à 16h, après on allait s’entraîner jusqu’à 19h. »
Ça l’est d’autant plus lorsqu’il faut enchaîner avec les matchs le week-end dans son club de Soyaux, à côté d’Angoulême.
D’ailleurs, Julie n’a pas toujours joué dans ce club. Elle a commencé par évoluer dans un petit club, l’AS Échiré Saint-Gelais. Mais elle n’a pu s’y entraîner que jusqu’à ses quinze ans, car au-delà de cet âge, les filles ne peuvent plus jouer avec les garçons. Est-ce que cela pousse de nombreuses filles à arrêter ? Certainement, étant donné que les clubs qui comptent des équipes féminines sont bien plus rares…
L’aventure de l’Euro
Les Françaises en finale, contre l’Espagne
En tout cas, ça ne l’a pas empêchée d’être surmotivée et de se faire une petite place chez les grandes. Si elle a dû arrêter le hand qu’elle avait commencé en parallèle du foot pour suivre le rythme, cela lui a permis de faire ses preuves… et donc d’être sélectionnée, à son grand étonnement :
« C’était une vraie surprise d’être dans l’équipe parce que normalement, la sélection des 26, c’est toute l’année, et je n’ai rejoint la prépa qu’il y a quelques semaines. Avant l’Euro, il y avait un stage à Clairefontaine. On a joué une semaine et après les entraineurs voient qui sont les 18 qui partent pour l’Euro. »
Même si, en tant que jeune recrue, elle n’a participé qu’à la phase de poule de l’Euro, « ça fait de l’expérience », nous confie-t-elle.
Elle était la seule du pôle Espoir de Tours à faire partie de la sélection, et elle ne connaissait qu’une seule des joueuses choisies au départ.
« On joue les unes contre les autres en championnat mais on ne se voit pas. »
Et si les autres membres de l’équipe de France se connaissaient toutes parce qu’elles sont là depuis le début de l’année, ça n’a pas empêché qu’elle se soit très bien entendue avec elles :
« L’ambiance était sympa, c’était vraiment cool. »
Comment combiner sport de haut niveau et études supérieures ?
Au retour de l’Euro, Julie n’a pas perdu de temps pour reprendre l’entraînement. On ne chôme pas en haut niveau, alors c’est direction Angoulême avant de partir commencer ses études à Bordeaux.
« Parce que le pôle Espoir, ce n’est que trois ans, juste pendant les années de lycée. Donc à la rentrée, je vais continuer à m’entraîner juste avec mon club. »
Elle vient en effet d’obtenir son bac, et gérer une carrière de footballeuse qui débute tout juste en parallèle de ses études, ce n’est pas forcément évident.
« Je voulais être ingénieure biomédicale. Normalement j’aurais pu faire une prépa mais avec le foot, ce n’est pas possible. Du coup, je vais faire un IUT en trois ans, et grâce à mon statut de sportive de haut niveau, j’aurai des cours en moins pour pouvoir aller aux entraînements. »
Des entraînements qui risquent d’ailleurs d’être un peu chamboulés, puisque Julie devra faire des allers-retours entre Bordeaux et Angoulême. Mais pour lui faciliter la tâche, elle pourra s’entraîner pendant la semaine avec les Girondins de Bordeaux.
Une carrière pro à l’avenir ?
La carrière de footballeuse, ça n’était pourtant pas son rêve d’enfant.
« Quand j’étais petite, je ne voulais pas forcément être footballeuse, je n’y pensais pas car il n’y avait pas du tout le même niveau qu’aujourd’hui [dans le foot féminin]. »
Mais avec la médiatisation progressive du football féminin, elle a de l’espoir :
« À terme, je pense que c’est possible de vivre du football, dans les grands clubs comme Paris, Lyon, il y a des professionnelles. […] Mais pour l’instant, il vaut mieux faire des études à côté, ou même en cas de blessure, on ne sait jamais. »
Aujourd’hui, pour jouer pro, il faut en effet se cantonner à certains clubs qui commencent à miser sur les femmes comme Paris, Lyon, Montpellier ou encore Juvisy. Guingamp a quelques contrats pro aussi. Mais Julie est confiante :
« Je pense que ça va monter avec l’apport de Marseille ou Bordeaux par exemple, parce que ce sont les clubs garçons qui sont derrière [NDLR : en créant des équipes féminines en leur sein] donc les filles vont pouvoir être plus professionnalisées. […] Par exemple, Paris c’est le club garçon, Lyon c’est l’Olympique Lyonnais aussi. Après, ça dépend combien chaque club décide de mettre sur les filles. À Bordeaux, c’est la deuxième année que les filles commencent à jouer en pro, pour l’instant le club n’a pas investi énormément mais il le fait un peu. »
Une visibilité accrue
Quant à la notoriété que ça provoque, Julie est partagée :
« Clairement, le football féminin est plus visible : avant, l’Euro U19 filles n’était jamais diffusé (NDLR: les matchs ont été retransmis sur l’Équipe 21), comme le foot féminin en général, mais là, avec la Coupe du monde l’an dernier, ou même les J.O. cette année, [ça progresse]. […] J’avoue que nous, sur le terrain, on se rend pas trop compte que c’est filmé, mais quand je suis rentrée chez moi et que je me suis vue à la télé, c’était fou. »
Au moins, aujourd’hui, on lui dit beaucoup moins que « c’est un sport de mec ».
« Après, c’est peut-être aussi parce que je fais des sélections, donc les gens se disent que ça ne rigole pas. Mais ça se produit moins et quand ça arrive, je dis pas grand-chose, je… pfff, voilà quoi. »
De toute façon, ce n’est pas ce qui suffirait à la décourager :
« Ça n’a jamais été compliqué, ça reste avant tout un plaisir de jouer au foot pour moi, même maintenant à haut niveau. »
Et tout ce qu’on peut lui souhaiter, c’est que ça continue !
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