Yeux bleus et cheveux longs teintés de reflets roux, Julie Del Papa raconte avec douceur sa nouvelle vie de nomade. “On a fait un mois à Avignon, six semaines à Agde, un passage dans la Drôme pour voir la famille, avant cinq semaines à Strasbourg, puis Nancy et bientôt la Normandie, Rennes et Saint-Brieuc”, liste la mère de famille de 31 ans. “J’ai plein de copines partout maintenant”, ajoute sa fille Elena, sept ans. Selon sa mère, elle n’a jamais été plus sociale que depuis cette vie de route. Ou plutôt de train, Julie n’ayant pas le permis.
La trentenaire s’étonne de l’épanouissement qu’elle a trouvé dans cette nouvelle expérience. “Nous l’avons fait pour Elena, mais j’y trouve mon compte”, considère-t-elle, envisageant un an de vie nomade avant de retrouver un pied fixe. Ce projet, Julie le n’avait pas anticipé, ni imaginé. “Au départ, je voulais déménager, mais une copine m’a lancé l’idée d’être nomade. Nous pouvions aller n’importe où, car Elena est scolarisée à la maison, explique-t-elle. On lui a diagnostiqué une phobie scolaire il y a près d’un an, elle était en grande section.”
À lire aussi : J’ai 16 ans, et je ne vais toujours pas à l’école — Ayla nous donne de ses nouvelles
Le covid, une perte de repères
Julie reconnaît s’être demandé si ce n’était pas un “caprice” de sa fille. Tout a commencé lors du retour à l’école, après les semaines de confinement lié à la crise sanitaire. “Elle a développé de l’hypersensibilité, elle ne supportait plus aucun frottement sur son corps. L’habiller était une torture”, se rappelle-t-elle. À quoi s’ajoutent des crises d’angoisse, de tristesse et de colère. “Elle lâchait prise en rentrant à la maison, et finissait en pleurs”. Elena s’en souvient très bien : “je ne voulais pas aller à l’école même si la maîtresse était gentille”. C’est d’ailleurs cet environnement scolaire bienveillant qui écarte dans la tête de Julie l’idée d’une phobie scolaire. “Et je ne savais même pas qu’on pouvait en développer à cet âge”, assume-t-elle.
Après des semaines de souffrance, le diagnostic est posé par la psychologue que consulte Elena. Selon la professionnelle de santé, l’enfant a perdu ses repères à cause du Covid-19. Masques et consignes sanitaires ont impacté les plus jeunes, et ce, partout en France et dans toutes les catégories sociales. “Comme il y avait plus de négatif que de positif à emmener Elena à l’école, j’ai décidé de la déscolariser au cours de sa grande section”, raconte Julie, aujourd’hui convaincue d’avoir fait le bon choix.
L’école à la maison, c’est partout
L’instruction à la maison, ou instruction en famille (IEF), s’impose alors à la mère de famille, qui endosse le rôle de maîtresse. Une possibilité pour Julie, alors au chômage, ayant manqué de peu l’examen pour devenir professeur de danse. “Ça ne me dérange pas, car j’ai toujours aimé transmettre et partager” appuie la maman. Au moins une fois par an, un inspecteur de l’Éducation nationale viendra contrôler le niveau de sa fille. Comme tous les élèves français, Elena doit suivre le programme scolaire et acquérir les connaissances et compétences requises selon son âge. Au quotidien, c’est ensuite à Julie d’organiser les moments d’étude. Aucun cadre ne lui est davantage imposé.
À lire aussi : Pourquoi ces parents se battent pour défendre l’instruction en famille
Julie porte seule cette partie éducative, comme l’ensemble de ce qui incombe à Elena. C’est seule qu’elle a élevé sa fille, assurant la sécurité financière de son foyer grâce à des petits boulots. “Être nomade n’a pas augmenté ma charge mentale. La vie est juste moins linéaire, il faut beaucoup plus anticiper.”
Vivre de ville en ville implique de ne pas avoir de chez-soi, rempli d’affaires personnelles et de son empreinte. “C’est minimaliste, on prend des locations Airbnb ou on est hébergé quelques jours chez des amis« , détaille Julie. « Elena a une valise cabine avec ses jouets, nous avons une grosse valise de vêtements et un sac à dos avec les manuels scolaires et les trucs personnels.” La trentaine apprécie fortement cette légèreté fortuite. Quant à sa vie de femme, elle n’exprime aucun regret à la voir confondue avec celle de mère. “Ma vie sociale ne se fait pas sans Elena, mais c’est un choix. Ce n’est pas un poids dont je me délaisse pour voir mes amis”, affirme-t-elle, comblée. La fillette, elle, profite de cette vie de vagabondage pour se faire des copines partout en France. “Elle a joué des heures avec la fille de propriétaires qui nous louaient un studio avoisinant leur maison”, sourit Julie.
La phobie scolaire d’Elena a permis à mère et fille, contre toute attente, de vivre cette parenthèse instructive. “On visite les villes, on apprend l’histoire de nos régions et on découvre les plats traditionnels. On n’aurait pas mangé de tartes flambées à Montpellier !”, sourit Julie. La famille qu’elle forme avec sa fille a trouvé son équilibre, que la mère solo souhaite désormais enrichir en créant sa microentreprise de communication.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ma fille aînée a aussi choisi l'école en famille après le confinement pour sa fille, et c'est un autre (petit) regret pour moi de n'avoir pas eu le courage de faire, moi-même, ce choix pour mes enfants.
En tout cas bravo, je vais m'empresser d'aller vous rencontrer sur ton blog, histoire de voir, plusieurs mois plus tard, comment vous évoluez.