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Julie, 40 ans et polyamoureuse : « Je me dis ni en couple, ni célibataire car je vis des relations amoureuses »

Chaque semaine dans Célib, des personnes de tous genres nous racontent les joies et les questionnements de leur célibat, qu’il soit choisi ou subi. Aujourd’hui, c’est Julie qui nous explique comment sa vie amoureuse a été bouleversée depuis qu’elle est sortie du carcan traditionnel du couple monogame.
  • Prénom ou pseudo : Julie ou Kibizu
  • Âge : 40 ans
  • Lieu de vie : expatriée à Prague (République tchèque)
  • Orientation sexuelle et/ou romantique : polyamoureuse en « anarel » (anarchie relationnelle)

Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ? 

Si célibataire signifie habiter seule, alors je suis célibataire depuis cinq ans, date à laquelle j’ai quitté le père biologique de mes enfants. Si célibataire signifie ne jamais avoir été mariée et ne jamais le désirer, alors je suis célibataire depuis toujours. Mais dans les faits, je me dis « ni en couple, ni célibataire », car je vis des relations amoureuses.

Depuis mon adolescence, j’ai eu des périodes où j’étais « en couple » officiel avec un partenaire amoureux, et parfois des périodes avec plutôt des « sex friends ». Mais je n’envisageais pas la vie autrement qu’en m’installant en couple avec un partenaire amoureux lorsque j’aurai terminé mes études. Et c’est ce que j’ai fait. Après trois ans de relation en partie à distance entre Paris et Prague, je me suis même expatriée pour vivre chez le futur père de mes enfants à Prague, ce n’était pas un problème pour moi. Cela a duré sept ans (donc dix ans en tout avec lui).

Mais la vie de couple installée m’a très clairement dégoûtée de ce schéma et plusieurs amis ont aussi fait comme moi pour la même raison, après leur séparation/divorce : ils n’habitent plus avec un·e partenaire amoureux·se.

Comment décririez-vous votre célibat ? 

Ne plus monter dans ce qu’on appelle « l’escalator relationnel » (c’est-à-dire planifier un engagement dans un couple selon des règles prédéfinies : flirter, se dire en couple, s’installer ensemble, se marier, mettre ses finances en commun, avoir des enfants, vieillir ensemble…) est une libération ! Même si j’ai un engagement émotionnel très intense envers mes partenaires amoureux, je suis beaucoup plus détendue (et eux aussi) du fait de ne plus risquer de me retrouver bloquée dans cet escalator.

Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?  

Oui. Certaines personnes n’ont absolument pas compris mon changement de paradigme après la séparation avec le père de mes enfants. Ils croient que je ne suis plus capable de tomber amoureuse, simplement parce que je ne veux plus habiter avec un partenaire amoureux. Ils mélangent « relation amoureuse » et « relation de colocation » et je ne suis plus « valide », « sérieuse », « normale » si je ne les associe pas. Ces personnes se sont éloignées de moi ou même ont coupé les ponts, parmi mes amis ou ma famille (heureusement pas tout le monde).

Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ? 

Oui, c’est un soulagement ! Même si je peux paraître un peu comme le vilain petit canard : ma séparation, puis le fait de ne plus vouloir habiter en couple, puis les relations polyamoureuses en Anarel [la pratique ou la conviction que les relations ne doivent pas être liées par des règles autres que celles sur lesquelles les personnes impliquées se sont mises d’accord, ndlr] … Je me fiche de la reconnaissance sociale si elle va à l’encontre de mon épanouissement personnel ; j’ai appris à faire sans, ces dernières années.

Être célibataire vous permet-il des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ? 

Évidemment ! La vie seule me permet d’avoir des moments de calme lorsque j’en ai besoin (la garde partagée aussi d’ailleurs), ou bien de pouvoir planifier certains temps où je suis libre de sortir, de regarder le film qui me chante, d’aller boire un verre ou danser…

La vie seule me permet aussi de quitter un partenaire qui ne me conviendrait plus sans conséquences financières. Une fois, cela m’est arrivé de mettre à la porte un plan d’un soir, car il m’avait manqué de respect : j’ai compris que la sécurité n’était pas dans la vie à deux comme on me l’avait toujours vendue, mais dans le fait d’habiter seule.

À l’inverse, être célibataire vous empêche-t-il de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?

Oui, c’est plus difficile financièrement. Je suis beaucoup plus à cheval sur mes dépenses que ceux et celles qui habitent en couple autour de moi. Mais la sécurité n’a pas de prix pour moi.

Le lieu géographique où vous vivez a-t-il un impact sur votre rapport aux relations amoureuses ?

Oui. À Prague, c’est plus difficile de nouer une relation amoureuse où l’homme ne va pas attendre qu’on devienne sa « boniche par amour », comme je surnomme cela. La République tchèque est un des rares pays européens n’ayant pas ratifié la Convention d’Istanbul [contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ndlr] au prétexte qu’elle remet en cause l’assignation aux rôles genrés selon son sexe de naissance… Heureusement, des exceptions existent !!

Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ? 

J’ai des relations amoureuses diverses. Je parle même plutôt de « galaxie affective ». Les papillons dans le ventre que je ressens auprès de quelqu’un qui compte pour moi n’est plus dépendant de l’amatonormativité (ces normes d’Amour apprises qui disent que lorsqu’on aime quelqu’un, on le désire automatiquement sexuellement, ou on veut s’embarquer de nouveau dans l’escalator relationnel, etc.).

J’ai une relation amoureuse avec un Français habitant en France à distance depuis cinq ans (au début, il habitait Prague), et une relation amoureuse plus régulière avec un homme tchèque depuis deux ans ; mais aussi diverses relations d’amour et/ou intimes.

Si je sens que ma galaxie affective manque d’équilibre, je vais partir à la recherche de nouvelles relations soit au gré des rencontres, via des connaissances ou via des sites de rencontres. J’ai des rendez-vous réguliers toutes les semaines avec mon amoureux tchèque. Avec mon amoureux français c’est aujourd’hui plutôt en mode « comète » comme on dit dans le jargon des polyamoureux. Avec mes autres relations affectives/amoureuses, cela dépend des moments.

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Comment décririez-vous votre rapport aux rencontres ? 

J’aime bien de toute façon avoir cette possibilité de non-exclusivité, car cela apporte de la nouveauté, que ce soit pour moi comme pour mes partenaires. J’aime quand un de mes partenaires a des étoiles dans les yeux parce qu’il vient de faire une rencontre et lui aussi pour moi.

Ressentez-vous une forme de pression à chercher « activement » un ou une partenaire amoureux·se ? 

J’ai ressenti une pression lorsque j’étais étudiante, surtout entre 20 et 30 ans. Puis lorsque je me suis séparée du père de mes enfants à 35 ans et que j’ai débuté ma relation amoureuse avec mon amoureux français il y a cinq ans, j’ai été très surprise que les premières questions après quelques semaines de relation aient été : « Alors, quand est-ce que vous allez vous installer ensemble? »… Et j’ai été souvent énervée qu’on me dise que je n’étais pas amoureuse simplement parce que nous ne le voulions pas. Mes sentiments amoureux pour lui étaient bien présents et le sont toujours !

Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ? 

Je distingue bien le sentiment amoureux du désir sexuel. Par exemple, avec un ami gay dont je suis très très proche, nous nous sommes déjà avoués nous aimer très profondément, mais notre vie sexuelle est distincte de cet amour. De la même manière, je peux désirer quelqu’un sans ressentir d’attirance romantique. Mais parfois, les deux peuvent cohabiter.

Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ? 

Oui. Mais j’ai pris l’habitude de mettre les pieds dans le plat lorsqu’on s’étonne que je ne sois pas « normale », notamment vis-à-vis de l’escalator relationnel et de l’amatonormativité. Tant que ma galaxie affective et moi, nous sommes épanouis ainsi, je ne vois pas le problème !

Quels sont vos projets pour le futur ? 

Mon ex-escalator en a un : je ne peux plus rentrer en France, sauf si j’abandonne mon autorité parentale et mes enfants… Sinon, le fait d’habiter seule (ainsi que la garde partagée) me permet de m’organiser et réfléchir à divers projets professionnels ou autres.

Avez-vous une anecdote sur le célibat à partager ? 

Au sujet de mon style de vie, j’ai performé un poème que j’ai écrit en 2022, « La danse macabre » :  

J’ai aussi une chaîne YouTube où je développe ma façon de relationner.

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