- Prénom ou pseudo : Julia*
- Âge : 25 ans
- Lieu de vie : Strasbourg (Bas-Rhin)
- Orientation sexuelle et/ou romantique : Asexuelle et bi-romantique (romantiquement attirée par les hommes et les femmes).
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Je suis célibataire depuis neuf ans environ. J’ai eu deux petits amis (des hommes cisgenres) au début de l’adolescence, au début du lycée, cela m’a plutôt donné une mauvaise opinion car nos relations étaient très impactées par le patriarcat. J’ai détesté être perçue comme une femme (je suis non binaire) dans un couple « hétéro » très hétéronormatif qui n’était bénéfique au final que pour les hommes. Mon second copain était alcoolique, j’étais vue comme devant à tout prix l’aider alors qu’il me faisait souffrir. Cependant, je ne pense pas que ces relations m’aient donné envie d’être célibataire, n’ayant jamais recherché volontairement ni activement les relations de couple. Je voyais plutôt ça comme une obligation en tant que « femme » (perçue comme telle à l’époque) dans notre société. Mais une fois en couple, on ne me parlait plus que de ça, et plus uniquement de ma personne, mes ex étaient systématiquement associés à moi.
Comment décririez-vous votre célibat ?
Émotionnellement, le célibat est plutôt positif selon moi, même si j’ai de l’amour à donner et à partager. Cela est plutôt positif car ce n’est pas une « charge » au quotidien, autant en bien qu’en mauvais, je ne m’occupe que de moi et de mes ami·es. Mon célibat n’est pas un sujet pour moi, mais il a pu l’être quand j’étais adolescente, à l’âge où tous·tes mes ami·es cherchaient à tout prix à ne pas être célibataire. Et je constate encore cette recherche parmi mes proches ayant pourtant atteint l’âge adulte. En qualité de vie, cela n’impacte pas beaucoup, je suis presque soulagée d’être célibataire, même si je ne cherche pas non plus à tout prix à le rester. J’aime vivre seule, avoir mes espaces, ne pas avoir à gérer une relation affective autre qu’amicale.
Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?
Non, pas vraiment. Mais comme beaucoup de personnes, j’ai l’éternelle question sur pourquoi je suis célibataire lors des repas de famille.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ?
Je pense que moralement, dans ma situation actuelle, il m’est plutôt bénéfique d’être célibataire.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Je dirais oui. Mais selon moi, on peut faire les mêmes choses célibataire ou en couple, mais c’est la société qui le percevrait mal. Parfois, nous créons nous-mêmes ces barrières. Je pense, cependant, avoir plus de libertés amicalement parlant que si j’étais en couple (mais, ayant connu des relations toxiques, je pense plutôt que ça vient de ça).
À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
Oh oui… Financièrement parlant, je pense. Dans notre société, le couple (hétéro, essentiellement), donne plus d’avantages qu’être célibataire. En revanche, il vaut mieux être pacsé·e voire marié·e pour avoir des bénéfices. Être célibataire pour beaucoup d’hommes cisgenres équivaut à être « disponible sur le marché », et cela donne des situations plutôt cocasses. Quand on est perçue comme femme, on est moins embêtées si l’on annonce être en couple hétéro, même si c’est faux. J’ai la sensation qu’une femme célibataire a moins de valeur aux yeux des gens que si l’on était en couple, on est perçue comme plus stable, et surtout, dans la « norme ».
Le lieu géographique où vous vivez a-t-il un impact sur votre rapport aux relations amoureuses ?
Je dirais que vivre en ville donne d’office plus de chances de rencontrer des gens, mais ça dépend vraiment. C’est une chance si l’on sait en tirer profit, mais autrement, le monde peut vite devenir « trop », dans le sens où beaucoup de possibilités s’offrent mais où il est difficile de savoir où donner de la tête. Ça dépend de la personnalité de la personne, dans mon cas étant très introvertie cela a plutôt tendance à me freiner.
Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
Ça dépend des périodes, mais actuellement plutôt non.
Par quels moyens ?
En sortant avec des ami·es dans des événements publics, où l’on peut rencontrer d’autres personnes, généralement des petits lieux. Sinon, les applis de rencontre. Je les utilise n’importe quand dans la semaine, plutôt le soir et la nuit, et à d’autres moments si je reçois des messages. Je discute de temps en temps avec des personnes mais qui sont loin géographiquement parlant, donc je n’ai pas de rendez-vous.
Comment décririez-vous votre rapport aux rencontres ?
C’est très intimidant, j’ai l’impression que si l’on souhaite dès le départ une rencontre amoureuse, cela met beaucoup de pression. Étant asexuelle, cela complique beaucoup les choses, je fais face à des discriminations énormes et les gens s’imaginent que je n’attends que de l’amitié, car ils n’envisagent pas des relations de couple sans sexe (ou peu de relations, tout ce qui diffère de la « norme »).
Ressentez-vous une forme de pression à chercher « activement » un ou une partenaire amoureux·se ?
Oui, très souvent. Les gens cherchent toujours à ce que l’on justifie notre célibat, et malgré nos raisons, n’acceptent d’entendre que ce qui les arrangent.
Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ?
Non, aucun. Au contraire, étant célibataire, cela m’a permis de me découvrir différemment que si j’avais été en couple, par exemple avec des « jouets » que certain·es partenaires n’auraient pas forcément accepté ou m’auraient laissée utiliser. (Spoiler : Ce n’est pas normal d’interdire ça à un·e partenaire). Je ne cherche pas non plus de sexfriends.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Oui, mais l’injonction s’applique plutôt au couple hétéro, « bien dans la norme ». En famille, aux éternels repas de fêtes, la question revient systématiquement. On me cherche des traumatismes à soigner qui expliqueraient mon célibat, qu’il soit choisi ou non. Cela vient évidemment du patriarcat.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur vos finances ?
Oui, négativement, car évidemment je paye tout toute seule, avec l’aide ponctuelle de mes parents. Je ne vois pas, en revanche, le couple comme étant une solution miraculeuse, loin de là, mais j’ai entendu plusieurs fois des personnes me conseiller d’être en couple pour aider financièrement parlant, notamment l’accès aux logements. Mais bon, cela ne s’applique que si les personnes ne sont pas mutuellement précaires, sont en couple hétéro, etc.
Quels sont vos projets pour le futur ? Le célibat a-t-il un impact sur ces envies et ces projections ?
Difficile de répondre… Je ne dis pas non à la vie de couple, mais ne la recherche pas non plus. J’ai peur de grandir et vieillir seule, en revanche, car la société projette le couple comme étant l’idéal à atteindre, avec le mariage, etc, pour se protéger et se mettre à l’abri. Si je trouve un·e partenaire tant mieux, si je n’en ai pas, cela m’est égal. Mais l’aspect financier est quelque chose d’inquiétant, pour lequel je n’ai pas de réponse actuellement. Je ne veux pas dépendre d’un couple pour vivre, du moins pas que cela soit montré comme étant la solution. Je vis de l’allocation adulte handicapé (AAH), et jusqu’à très récemment, l’allocation n’était pas donnée aux personnes en couple, cela m’a affectée car si j’avais été dans cette situation j’aurais dû mentir pour la percevoir. Je pense que mon handicap/maladies est, dans ce cas, le « problème » de base, et le célibat une conséquence éventuelle.
Avez-vous une anecdote sur le célibat à partager ?
Au collège, j’étais l’entremetteuse, je mettais mes ami·es en couple, tout en n’étant vraiment pas intéressée par la chose.
* Le prénom a été modifié.
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