Vous êtes sensibles ? Alors arrêtez d’aller au théâtre et au cinéma.
Voilà ce que vous propose la comédienne britannique Judi Dench, que vous avez déjà vue dans les films James Bond (Skyfall, Spectre), Pirates des Caraïbes ou encore Orgueils et préjugés. Dans une interview récente pour The Guardian, cette icône des planches de théâtre et des plateaux de tournage a pris part aux débats qui animent l’industrie du divertissement autour des mentions de « trigger warning » qui figurent au début de certains programmes déconseillés au public sensible.
Pour Dench, ces avertissements, destinés à prévenir le public des contenus évoquant des sujets difficiles pourraient compromettre ce qui constitue selon elle l’essence même du cinéma et du théâtre : la surprise.
Les trigger warning, des spoilers ?
Dans les colonnes du magazine anglais, l’actrice de 89 ans a ainsi expliqué qu’un avertissement revenait à dire « Attention, vous allez être étonné et ému ». Elle a ensuite poursuivi : « Je comprends pourquoi ils existent, mais si vous êtes si sensible, n’allez plus au théâtre, car vous pourriez être très choqué. » Elle a expliqué :
« Certes, je comprends l’intention derrière ces avertissements. Mais si nous éliminons toute forme de choc ou de perturbation de l’art, que nous reste-t-il ? Le théâtre est un miroir de la vie, parfois brut et impitoyable. Et si nous éliminons ces aspects, nous perdons une partie de sa capacité à transformer la société. »
Judi Dench n’est pas la première à prendre position contre ces messages d’avertissements. Ralph Fiennes, acteur britannique connu pour avoir joué Voldemort dans Harry Potter a déjà confié qu’il trouvait que le public était « devenu trop mou » : « Le théâtre doit être vivant et présent. C’est le choc, l’inattendu, qui rendent le théâtre si excitant », avait-il affirmé, comme le rappelle The Guardian.
Merci aux trigger warning
Réduire les trigger warning à des sortes de spoilers, qui gâchent la surprise d’une œuvre revient à passer complètement à côté des enjeux de représentations que cache cette révolution à l’écran. En évoquant avec nostalgie le temps où les trigger warning n’existaient pas, ces deux comédiens ignorent le fait que, grâce au travail des artistes, des thèmes qui n’avaient pas leur place au théâtre ou au cinéma se sont imposés sur les planches et les écrans. Des metteurs en scènes, des cinéastes et des showrunners souhaitant rendre visibles des récits, des paroles et des points de vue invisibilisés ont fait de ces expériences douloureuses des films, des séries, des pièces de théâtre.
On pense par exemple à la série I may destroy you. La showrunneuse britannique Michael Coel permet de faire voir et entendre l’expérience une femme noire qui raconte l’expérience traumatique d’un viol, sans toutefois faire de mal aux spectateurs non avertis, qui auraient eux-mêmes du mal à supporter ce sujet. Le but est de dénoncer une violence niée et d’aider les victimes, pas les traumatiser davantage ou faire de leur souffrance un divertissement. Du côté du théâtre français, on pense aussi à la pièce féministe et décoloniale Une carte noire nommée désir de Rebecca Chaillon.
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Les Commentaires
Le but des TW pour moi c'est d'éviter de trigger des flashbacks pour celles et ceux qui ont un trouble du stress post traumatique.
Alors excusez moi mais TW arachnophobie, bon... Les TW sont utilisés à outrance aussi et perdent de leur sens.
@Le Poireau Tu rigoles mais je trouve que c'est une super bonne idée! Les gens qui ne veulent pas être spoilés passent et les gens comme moi qui en ont besoin sont au courant, comme ça tout le monde est content.