Dans l’imaginaire français, le travailleur nippon se tue à la tâche chaque jour de chaque année de sa vie, de très tôt le matin à trop tard le soir, sans faillir, sans discontinuer, jusqu’à la fin. En vrac, il effectue des heures supplémentaires hallucinantes, ne se plaint jamais de sa charge de travail et se fait hara-kiri lorsqu’il est acculé au désespoir…
Cette imagerie date de l’époque où les journaux titraient « Le Japon achète le monde », une vision dictée par la peur du nouveau géant économique. Il n’y a pas que du faux là-dedans : les salariés japonais sont connus pour la longueur démesurée de leurs semaines, due à une pratique très peu encadrée des heures supplémentaires (en échange desquelles on ferme les yeux sur un petit somme au bureau).
Travailler dur, ok, mais laissez-moi mes jours fériés
La valeur travail est très présente dans la société, et même si elle s’affaiblit avec les nouvelles générations, les besoins de l’entreprise passent souvent avant ceux de la famille. Il est mal vu de prendre beaucoup de jours de congés d’un coup, de s’absenter du bureau fréquemment, de sembler trop heureux de voir le vendredi arriver… Bien des salariés abandonnent à leur patron leur solde de jours de vacances ou de récupération. D’autant qu’en leur absence, ce sont les collègues qui se répartissent la surcharge de boulot – de quoi faire culpabiliser un tantinet !
En revanche, il y a un avantage à laquelle la population tient comme un cégétiste aux acquis sociaux : les jours fériés. Petites respirations offertes par le pays à ses salariés, ils sont obligatoires et en profiter ne fait pas de soi un tire-au-flanc. Ils sont donc accueillis avec plaisir, et constituent l’occasion de nombreux voyages intérieurs ou à l’étranger.
Le concept des fériés imperdables
Quand Noël et le jour de l’An tombent un dimanche (idem pour le 1er et le 8 mai), chaque Français se sent personnellement persécuté. On perd le férié et on n’a personne à qui s’en plaindre (à part le voisin, le collègue, la boulangère et le caissier) car personne n’est responsable : c’est le calendrier, ma bonne dame ! Tristesse et frustration, va falloir trimer deux jours de plus.
Au Japon, ce genre de situation n’arrive pas. Si le jour férié est un dimanche, le lundi devient automatiquement et systématiquement férié
. Une autre règle stipule qu’un férié ne peut pas isoler un jour de travail ; autrement dit, lorsque dans la même semaine, le mercredi et le vendredi sont chômés, on reste aussi chez soi le jeudi. Simple et brillant, non ? Pont pour tout le monde, sans attaquer son stock de congés payés !
C’est ce système de fériés à rattraper et de jours chômés consécutifs qui est à l’origine de la Golden Week, fin avril/début mai. Lorsque le calendrier est avec eux, les Japonais disposent d’une semaine complète – qui coïncide souvent avec la floraison des cerisiers. Une aubaine pour le tourisme (les hôtels doublent leurs tarifs, peut-être pour se venger de ne pas être en congés) et une vraie coupure pour les salariés.
Du Jour du passage à l’âge adulte au Jour du sport
Les fêtes nationales japonaises mettent plus souvent à l’honneur des valeurs que des victoires ou des accords suite à des conflits militaires, dont l’histoire du Japon ne manque pourtant pas.
Le calendrier des fériés évolue avec les empereurs, dont on célèbre le jour de naissance, et non celui de l’accès au pouvoir. L’anniversaire de l’empereur actuel, Akihito, rend le 23 décembre chômé. Cette date n’est pas vouée à perdurer, et s’effacera après son décès. Cependant, l’attachement du peuple à l’empereur Shôwa, qui précédait (et peut-être le fait qu’il n’y avait pas encore de férié en avril) a conduit à conserver également le jour férié lié à son anniversaire.
Un peu de la même manière, le Japon s’arrête de travailler le deuxième lundi du mois d’octobre, pour commémorer l’ouverture des Jeux Olympiques de 1964, organisés à Tokyo. Cette date est devenue le Jour des sports.
La nature a également une place importante au sein des célébrations nationales : on fête l’équinoxe d’hiver comme celui de printemps, il y a un Jour vert consacré à la nature et un Jour de la mer.
C’est aussi bien que l’histoire du pays, portée par quatre jours fériés : l’anniversaire des deux derniers empereurs donc, auxquels s’ajoutent le Jour de la fondation du pays (accès au trône du tout premier dirigeant) et la Commémoration de l’introduction de la constitution japonaise.
Avec le Jour des enfants, le jour de l’hommage aux personnes âgées, le jour de la culture (anciennement, l’anniversaire de l’empereur Meiji), le jour du travail, le Nouvel An, et l’étonnant Jour du passage à l’âge adulte (qui concerne ceux qui auront 20 ans dans l’année), cela monte le total à 14 jours fériés. Le Japon est plutôt généreux en la matière – sachant qu’ils ne disparaissent pas dans les plis du week-end et qu’avec un peu de chance, ils se multiplient. Le jour devenu férié le plus récemment est le Jour de la mer, désigné comme tel en 1996.
En attendant l’éventuel numéro 15, les Japonais sillonnent le pays à toute berzingue (80km/h sur l’autoroute) dès que le week-end se rallonge. Toutefois ils évitent de prendre un jour supplémentaire pour disposer de plus de temps… ça donnerait l’impression qu’ils préfèrent les vacances au travail !
Et toi, es-tu prête à déposer une pétition pour que les fériés français puissent se reporter du dimanche au lundi ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Tu peux être japonais mais d'origine chinoise, non?
Après, ayant des amis adoptés d'origine du Vietnam, et des amis Chinois, ils me disent qu'il y a des différences et je sais qu'il y en a.
Mais je me répète : ce n'est pas parce que mon amie par exemple, est originaire du Vietnam et qu'elle a un physique typique de là-bas, que c'est un vietnamienne. Et j'imagine que ça va dans les deux sens?