– Mise à jour du 24 octobre 2018
La situation concernant l’avortement en Irlande du Nord demeure à ce jour critique : comme indiqué dans l’article ci-dessous, cet acte médical est toujours illégal sauf en cas de danger pour la vie ou la santé de la mère.
Les militantes nord-irlandaises ont peu de leviers pour faire évoluer la loi : depuis janvier 2017, il n’y a pas de gouvernement local en Irlande du Nord faute d’accord entre les partis. Elles ne peuvent pas faire pression sur l’administration locale pour faire évoluer la loi.
Elles ont donc porté leur attention sur le gouvernement fédéral du Royaume-Uni, mais celui-ci refuse de se prononcer en arguant qu’il s’agit… d’une question locale.
Theresa May, qui dirige le gouvernement, serait en effet bien en peine de faire évoluer la loi : elle perdrait le soutien du DUP, un parti nord-irlandais opposé à l’IVG qui lui a permis de former une coalition à la tête du pays.
Malgré cette difficulté, une parlementaire britannique ne baisse pas les bras et espère faire évoluer la situation. Elle a déposé hier un texte visant à faire abolir les dispositions du 1861 Offences Against the Person Act qui font de l’IVG un acte relevant du crime, plutôt que de la santé (voir ci-dessous).
Elle a présenté son texte lors d’un « 10 minute rule bill », un court discours, suite auquel la chambre des communes a pu voter son soutien ou non à sa proposition.
Elle a reçu 208 voix pour et 123 voix contre, ce qui dénote d’un soutien bien plus important que lors de sa dernière tentative où seuls 172 votes avaient été exprimés en sa faveur.
S’il y a peu de chances que le projet aboutisse réellement, un autre argument permet de penser que des progrès sont faits, petit à petit : en effet Penny Mordaunt, ministre de l’Égalité et des femmes a affiché son soutien à ce texte – ce qui dénote d’un désaccord au sein même du gouvernement.
La loi devrait passer en seconde lecture le 23 novembre et suscite quelques espoirs – quoi que faibles – du côté des militantes pro-choix. C’est, au moins, une occasion de réaffirmer leurs demandes.
– Article initialement publié le 15 mars 2017
Ces derniers temps, nous sentons en France que notre droit à l’avortement est remis en cause par certains groupes et que nous devons rester extrêmement vigilant•es pour le défendre.
Ces attaques viennent de sites militants anti-choix, de certains parlementaires réticents sur la question…
Mais si nous continuons de nous battre pour protéger le droit à l’avortement ici, d’autres se battent encore pour l’obtenir, aussi près que de l’autre côté de la Manche.
En Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, l’avortement est encore considéré comme un crime passible d’emprisonnement à vie.
Le Royaume Uni. L’Irlande du Nord. À 2 heures de Paris, donc.
Et si j’en parle aujourd’hui, c’est en raison d’événements survenus récemment.
Des perquisitions à la recherche de pilules abortives
En Irlande du Nord, lors de la journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars 2017, plusieurs perquisitions ont été menées chez des femmes se revendiquant pro-choix, rapporte The Guardian.
La police était à la recherche de pilules abortives, qui sont en effet interdites en Irlande du Nord. Helen Crickard, qui a été perquisitionnée, a accepté de répondre à mes questions :
« Mes locaux ont été perquisitionnés lors de la journée internationale des droits des femmes, au moment où l’on participait à un rassemblement pro-choix. […]
[La police] aurait confisqué mon téléphone, mon ordinateur, des documents bancaires, des pilules abortives et instruments qui peuvent être utilisés pour un avortement.
Mais comme ils n’ont rien trouvé et que je n’étais pas là, ils n’ont rien pris, c’est pourquoi je pense pouvoir m’exprimer. »
Ces perquisitions ont eu lieu alors que les femmes nord-irlandaises militent jour après jour pour étendre l’accès à l’avortement, qui n’est pas soumis aux mêmes lois en Irlande du Nord que dans le reste du Royaume-Uni.
L’avortement au Royaume Uni
Au Royaume Uni (excepté en Irlande du Nord), l’avortement est régi par le « 1967 Abortion Act », selon lequel la pratique d’une IVG est légale avant 24 semaines sous la condition que deux médecins aient donné un avis positif et si la grossesse présente un risque pour la santé mentale ou physique de la femme enceinte.
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Ce texte est lui-même aujourd’hui remis en cause : comme le rapportait Refinery 29, pas plus tard que le 13 mars dernier, une parlementaire a tenu un discours pour demander à ce que la loi évolue en faveur de la liberté des femmes à disposer de leur corps :
« [La loi] est aujourd’hui dépassée, comparée à l’avancement de la médecine et au comportement du public. »
Diana Johnson voulait entre autre réagir au phénomène de plus en plus courant de la commande de pilules abortives en ligne pour recourir à l’avortement.
Sous la loi actuelle, c’est effectivement encore un crime car l’avortement est alors effectué sans l’accord de deux médecins. Les femmes y ayant recours n’ont pourtant pas forcément conscience qu’elles enfreignent la loi.
L’Irlande du Nord, une exception au Royaume Uni
Mais cette loi, si elle est appliquée en Ecosse, en Angleterre et au Pays de Galle, ne l’est pas en Irlande du Nord. Helen Crickard, perquisitionnée le 8 mars, m’explique :
« Le « 1967 Act » n’est pas appliqué ici parce qu’il y avait trop d’opposition [à l’avortement] lorsque la loi est passée.
C’était probablement le seul sujet qui est parvenu à mobiliser tous les partis d’opposition à ce moment-là. Et j’ajoute que la vie politique était alors très ségréguée et dominée par les hommes. »
C’est donc encore le « 1861 Offences Against the Person Act » qui régit le droit à l’avortement et qui peut faire condamner une femme ayant recours à l’avortement à la prison à vie.
Si les médecins peuvent conseiller à leurs patientes les plus fortunées de se rendre en Angleterre – et bientôt en République d’Irlande au sud de la frontière, quand l’IVG y sera légale – cela place les plus pauvres dans des situations d’extrême vulnérabilité, selon le planning familial.
En effet, elles doivent dès lors payer le voyage, puis payer les frais relatifs à l’avortement qui ne sont pas couverts par l’assurance maladie — alors même qu’ils sont couverts pour les femmes vivant dans les régions où le « 1967 Act » est appliqué.
Les femmes nord-irlandaises peuvent donc devoir débourser jusqu’à 2 000£ pour recourir à un avortement. Cela conduit donc certaines d’entre elles à commander des pilules abortives sur Internet, alors que c’est illégal.
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La pilule abortive, solution de secours menacée
Helen Crickard était l’une des organisatrices du rassemblement pro-choix qui s’est tenu le 8 mars. Et elle est persuadée que c’est pour cela qu’elle a été visée par la police :
« Je pense que cette perquisition m’a visée en tant que militante pro-choix, comme un moyen pour me faire taire et intimider les femmes. »
Pour elle, le gouvernement nord-irlandais ne souhaite pas toucher à cette loi, et cela lui convient que les femmes doivent sortir du territoire pour avoir recours à l’avortement :
« Je pense aussi que cette perquisition et les autres n’étaient pas juste un exercice de routine pour la police nationale. Quelqu’un a autorisé l’allocation de ressources à la recherche de pilules abortives.
C’est un véritable harcèlement à l’encontre des femmes, une manière de les criminaliser alors qu’elles sont déjà en situation de détresse. »
Helen Crickard est inquiète de l’effet que ces manœuvres pourraient avoir :
« Ces perquisitions vont mettre ces femmes dans une situation de détresse et les empêcher de commander ces pilules par peur d’être arrêtées.
Ça risque d’avoir des effets dévastateurs en forçant les femmes à avoir recours à des avortements clandestins. »
Et l’Europe dans tout ça ?
Là où cette histoire me choque d’autant plus, c’est que l’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni, qui fait encore à ce jour partie de l’Union Européenne.
C’est aussi à ça que doit servir l’Europe : à protéger nos droits. Et précisément sur ce sujet, l’Union Européenne avait tenté de garantir le droit à l’avortement lors de l’adoption d’un texte sur l’égalité femme-homme il y a deux ans, en mars 2015.
Comme l’expliquait alors Les Inrocks, les parlementaires européens conservateurs avaient, à l’époque, voté contre l’amendement qui visait à garantir le droit à l’IVG dans l’Union Européenne.
Et parmi eux, figuraient les député•es issu•es des rangs du Front National. C’est notamment l’une des actions de Marine Le Pen qui lui valent le titre de pire candidate pour les droits des femmes, selon Les Glorieuses.
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