Je suis retournée vivre chez mes parents il y a quelques semaines. Ça faisait cinq ans que je n’y vivais plus.
J’ai retrouvé ma chambre d’ado. Peu de choses ont changé : les murs sont toujours peints d’un orange un peu étrange, il y a encore mes vieux jeux de société, des vieux tickets de ciné, mes sept tomes de Harry Potter et des souvenirs en pagaille.
Et puis, au milieu de tout ça, j’ai retrouvé mes vieux journaux intimes. Et, au milieu d’eux, cette petite page arrachée datant du 25 mars 2010.
À l’époque, j’avais 16 ans, et clairement je ne m’aimais pas. Alors j’ai décidé d’y répondre.
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« Je pue, et tel est mon problème », le message que j’écrivais à 16 ans
« Cher journal,
Je pue, et tel est mon problème. J’ai beau m’épiler les aisselles, me mettre trois tonnes de déo et me promener en débardeur sous la neige, je pue et je puerai toujours.
Déjà, il y a ça.
Tout le monde me déteste, se fout de ma gueule. Je ne sers à rien. J’aimerais bien me barrer loin de la civilisation un temps, arrêter de me sentir sous pression pour rien.
Hier, une fille de mon atelier d’écriture s’est posée plus loin pour écrire. C’est parce que je pue.
De toute manière, même quand ce n’est pas mon physique qui me fait puer, c’est mon mental qui s’en charge.
Je repousse les gens car je pue : je pue la connerie, l’idiotie. Je pue l’asocialité, la bizarrerie. Je pue. C’est pas vraiment de ma faute, même si ça l’est. Je pue. (…)
Je ne sers à rien. Je foire tout ce que je touche. Je mange, puis je grossis. Comme si ça me rendrait plus heureuse. (…)
Je vois bien les regards de mes proches, de ma famille. Personne n’ose me le dire clairement, on me dit que j’ai changé. Mais moi je comprends. Je vois bien le dégoût dans le regard des autres : le dégoût de ma graisse, celui de mon physique.
Je ne me trouve déjà pas très belle, mais ce n’est que pire que de le voir dans le regard des autres. »
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Ma réponse à la jeune femme malheureuse que j’ai été
Sept ans ont passé depuis ce texte à l’écriture ronde et maladroite. J’ai aujourd’hui 23 ans et ma vie n’a plus rien à voir. À l’époque, je lisais madmoiZelle, maintenant j’écris pour ce site.
Alors si je pouvais faire passer un message à la jeune fille que j’étais, c’est que ça va aller.
Oui, tu vas apprendre à t’aimer. Car s’aimer, c’est un véritable
apprentissage, pas quelque chose qui te tombe dessus par magie.
Je sais que tu en es encore au stade où tu attends que ça vienne, en vain. Tu imagines que fuir soignera tes blessures de l’âme. Mais que tu sois dans ta chambre ou à l’autre bout du monde, le miroir te montrera la même chose.
Alors regarde tes qualités. Tu es vive, maligne et rigolote. Répète-toi ça. Ça ne viendra pas du jour au lendemain, mais tu finiras par trouver tes forces plus importantes que tes défauts.
Tu ne te rends pas encore compte de ta chance, mais ton entourage t’aime profondément.
Il ne te juge pas, il te regarde avec bienveillance. Écoute leurs compliments et fuis les personnes qui préfèrent te descendre. En fait, aie confiance en tes rêves. Tu te planteras une fois ou deux, mais au moins t’auras essayé.
Dans quelques années, tu sentiras bon la joie de vivre et la bonnassitude. Tu te trouveras super charmante et tu t’en battras un peu le steak du regard des autres. Tout ira bien.
PS : et pour cette histoire de transpiration, essaye la pierre d’alun.
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