J’ai eu une enfance plutôt tranquille. Bon, je vivais en décalage par rapport aux modes de la cour de récré et j’écoutais Brassens quand la folie du moment, c’était les Spice Girls, d’accord. Mais mon perpétuel retard ne m’a jamais vraiment porté préjudice, et malgré toutes les pâtes à prout que j’ai pu essayer de manger, et toutes les gamelles que j’ai pu me prendre en ne sachant pas descendre normalement d’un toboggan, mon enfance fut un long fleuve pépère.
OUI, MAIS. Tu comprends bien, lectorat, que si, effectivement, les seules bulles qui auraient pu troubler le fleuve tranquille de mon enfance, étaient celles que je faisais en pétant dans mon bain, je n’aurais pas eu d’histoire à raconter. Et donc, pas d’article à écrire.
OUI, MAIS, disais-je donc. De petits éléments perturbateurs ont su troubler les eaux de ma jeunesse par la fourberie qui les caractérisait. Je veux bien entendu parler des plus grandes sources de frustration de l’enfant : les jouets chiants. Petit palmarès de ceux qui m’ont bien cassé les ovaires.
Le Tamagotchi : le plus oppressant
Je sais que certain-e-s sont encore attaché-e-s au Tamagotchi de leur enfance, pour peu que celui-ci soit un guerrier ayant survécu à des années de mauvais traitements. Mais je n’ai jamais pu me faire à la bestiole. Jamais.
Il n’y a eu qu’un Tamagotchi dans ma vie, et c’était déjà bien assez. Pourquoi l’avais-je demandé, comment s’était-il retrouvé en ma possession, je l’ignore. Ou plutôt, je ne m’en souviens plus, ma mémoire s’étant focalisée sur les gargouillements nocturnes d’une bestiole qui voulait que je lui ramasse son popo avant d’aller manger un gâteau. Un cadeau de Noël, sans doute, une idée née de l’effet de mode dont il bénéficiait alors…
Encore aujourd’hui, la perplexité m’envahit devant un tel concept : on est tranquillement en train de vaquer à ses occupations (lire, manger des bonbons ou se gratter le dos), et soudain, une petite machine se met à bipper frénétiquement. Il faut alors tout lâcher séance tenante pour aller s’enquérir du bien-être d’une chose pixellisée et exigeante.
Et qu’est-ce qu’elle voulait, la chose ? Te dire qu’elle a fait caca et que c’est ta faute parce que tu as mis plus de deux secondes à répondre et p’têt même qu’à cause de toi elle va se tuer, VOILÀ. (« Coucou, je suis un ange, je suis mort, parce que tu m’as tuééé… »)
Je ne suis pas certaine de l’impact que le fait de laisser crever mon Tamagotchi dans sa matière fécale a pu avoir sur l’adulte que je suis devenue, mais la ligature des trompes est quelque chose que j’envisage sérieusement.
Le bilboquet et le yo-yo : les plus dangereux
Là, c’est le désespoir. Comment deux jouets aussi basiques, aussi simples, ont-ils pu me laisser autant de bleus sur le corps et de blessures à l’amour propre ? Quand je vois les gamins d’aujourd’hui, avec leurs téléphones et leur désintérêt pour la simplicité naïve des jouets en bois de nos parents… je me dis qu’enfin, la jeunesse est sauve, et l’humanité a une chance.
Non mais, sérieusement : qui, un jour, a eu l’idée de prendre une grosse boule bien lourde avec un trou, et de la donner, accrochée à un bâton avec une ficelle, à un gamin aussi habile avec ses mains qu’une otarie sous calmants, en lui disant de mettre le bâton dans le trou ? Éducation sexuelle maladroite ou plan machiavélique pour se débarrasser de la génération suivante, je ne saurais dire.
Bon, après, je me demande si c’est bien normal de se prendre le yo-yo dans l’oeil en essayant de le faire remonter…
Le slinky : le plus décevant
J’ai découvert aujourd’hui que le ressort énervant que mon cousin m’avait offert pour s’en débarrasser s’appelait un slinky. Moi j’appelais juste ça « qui a encore mis mon ressort énervant tout en haut de l’étagère pour pas que je puisse l’attraper ? ». Un peu long, mais tout le monde voyait de quoi je voulais parler
.
J’aurais pu avoir un tambour, ou un xylophone, et ainsi éprouver l’amour de mes parents VS la résistance de leurs nerfs. Mais non, les jouets qui faisaient du bruit me prenaient la tête avant de se saisir de celles de mes parents, alors j’avais un slinky. Un ressort relou, quoi.
En soi, je n’avais pas vraiment de problème avec ce jouet. C’était marrant. Je ne dirais pas que c’était la fête au village à chaque fois que je mettais la main dessus, mais je pouvais passer des heures à le faire passer d’une main à l’autre en fixant les couleurs qui bougeaient jusqu’à m’exploser les rétines, et c’était cool. C’est juste qu’apparemment, au bout de dix minutes du petit « frrr frrr » distinctif que faisait le ressort qui bouge, la patience de mon entourage s’ébranlait.
Et alors je ne parle même pas des fois où j’essayais de le faire descendre les escaliers, comme on m’avait promis qu’il pouvait le faire, et que c’était ça qui était génial avec cet objet si simple et pourtant si complexe et bla bla bla.
Je ne devais pas être une enfant tout à fait au point. Le mien s’écrasait toujours comme une merde.
L’ardoise magique : le plus frustrant
Il y a peut-être parmi vous des fans de ressorts, des amoureux inconditionnels des Tamagotchis et des gens qui ne voient pas le problème avec le bilboquet. Mais je pense que nous pouvons, dans une grosse majorité, nous entendre sur un point : les ardoises magiques constituent l’arnaque du siècle. Et du siècle dernier aussi.
Faire un dessin en tournant des boutons, sans avoir droit à l’erreur ni même pouvoir couper le trait ? Ah ! Ben voyons ! Et puis après on ira cueillir des fleurs en slip sur l’Himalaya ! Allez, tous ensemble !
Vous et moi, qui nous comprenons, rêvons encore du « tchak tchak » de l’objet du diable que l’on secoue frénétiquement pour effacer son dessin nul pour la 2638ème fois en dix minutes. Mais va dessiner une maison, quand tu ne peux même pas lever le crayon inexistant pour aller faire la fenêtre !
Et d’abord, pourquoi je dessine une maison ? Je ne dessine même plus des maisons sur le papier, alors pourquoi je dessine une maison tremblotante sur une ardoise nulle ?! Qu’est donc ma vie devenue, et à quel diable mon âme s’est-elle vouée ? Ô RAGE, Ô JEUNESSE ENNEMIE, n’ai-je donc tant vécu que pour… que pour être infoutue de comprendre dans quel sens tourner ces fichus boutons ?
Et puis, alors qu’on commençait à être assez nombreux pour aller protester contre les spots publicitaires qui nous mentent et nous spolient en nous montrant des Jocondes réalisées sur ardoise magique… Les gens doués arrivèrent.
Le poupon qui pleure : le plus mortel
Le poupon, cette invention du démon, ne va guère péter plus haut que « la petite machine à laver comme ta maman ». Je dirais même qu’il va encore plus loin dans le sadisme et la perversité : non contents de filer les petites voitures aux petits garçons et de donner un faux bébé aux petites filles pour leur permettre d’exercer leur instinct maternel en attendant d’avoir les ovaires en état de procréer, les gens absurdes du marketing ont décidé de passer au niveau deux.
Hinhin.
Faire pleurer le poupon. « Comme un vrai bébé ! Ouiii ! » : mais absolument, parce qu’on s’éclate la rate, à huit ans, à jouer à changer les couches et faire faire son rototo à un faux bébé aux yeux vitreux. Il est bien connu que les gens ne font des bébés QUE pour le plaisir de le bercer toute la nuit. Alors quoi de mieux que de se préparer avec un bébé en plastique qui conjure les forces du Mal par la seule puissance du disque rayé qui tourne dans sa poitrine morte ?
Le Furby : le bonus venu de l’Enfer
SOLEIL LEVÉ ! Papapaa papapaaa prrlaa papapa !
L’étendue du traumatisme est-elle assez claire, ou je vous fais le bruit du Furby que l’on nourrit avec son doigt ? Je peux aussi venir chez vous et me mettre à rire comme une psychopathe en pleine nuit parce que j’ai cru qu’on me chatouillait le ventre. En souvenir du bon vieux temps.
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Les Commentaires
Par contre l ardoise magique c etait vraiment top !!