Le cerveau est un bien bel objet. Grâce à lui, on peut faire plein de trucs, de l’activité primaire et indispensable à sa propre survie (du genre, respirer) jusqu’à faire des trucs un peu plus « niches » (résoudre une équation de père inconnu, par exemple).
Mais le cerveau est parfois un bon gros troll. Surtout pendant notre sommeil. Il décide alors de prendre quelques éléments qui ont marqué la journée – des éléments qu’on n’avait pourtant parfois pas perçu – et de les compiler dans des rêves plus ou moins incongrus.
Certains sont drôles à vivre et à raconter, d’autres font flipper comme jamais et provoquent un soulagement énorme au moment du réveil. Certains rendent profondément tristes quand on se réveille parce qu’ils étaient vachement mieux que la vraie vie. Les derniers font mouiller la culotte avec plus ou moins d’enthousiasme : ce sont les rêves érotiques.
Quand j’étais pré-adolescente, j’avais une angoisse terrible à l’idée de faire des songes à caractère sexuel. Chaque fois que je commençais à m’endormir, je serrais très fort mes petits poings en essayant de me concentrer suffisamment pour éviter d’en faire.
Car, les hormones aidant, j’en faisais tout le temps, avec en personnages principaux des profs du collège ou des personnes trop vieilles ou mes copines d’école. Jamais des gens que je « désirais vraiment ».
Je sais pas si t’es faite pareil, mais même aujourd’hui, ce ne sont jamais des gens avec qui j’ai vraiment envie de pratiquer le coït. C’est comme si mon inconscient, subconscient et tout ce qui va avec se mettaient d’accord pour dire que me faire partager l’intimité en songe de mon mec, mon plan cul ou mon fantasme du moment était trop simple.
Alors il va piocher dans les ex que j’essaie d’oublier, ou les gens que je « choisis » de ne pas envisager comme sexuées. Ou pire : parfois (une fois, une seule. Celle que je m’apprête à te conter), il choisit de m’associer corporellement avec une personne qui me répugne physiquement. Comme Gérard Depardieu, par exemple.
Car oui, Gérard Depardieu et moi avons partagé un moment d’intimité fictif. Dans ma tête et uniquement dans ma tête, je le précise : s’agirait pas de se faire attaquer en justice pour diffamation.
Que je te dise tout de suite : ce n’était pas Gérard jeune, avec son charisme incroyable dans Les Valseuses. C’était Gérard Depardieu à l’époque contemporaine au rêve, c’est à dire en 2004.
Lui.
C’était un soir, j’avais quinze ans et les hormones bouillantes depuis des mois déjà. Je n’avais pas encore pratiqué le coït et je savais que je n’allais pas le pratiquer avant plusieurs mois parce que je ne plaisais pas des masses
. Forcément, ça me travaillait un peu.
Je ne voudrais pas faire de jeunisme, mais autant l’avouer : à 15 ans, ce n’est pas forcément la première personne avec qui tu as envie de niquer. Quoiqu’il en soit, ce rêve m’a tellement marquée que je m’en souviens encore dix ans plus tard.
Ça a commencé quand je me suis réveillée dans un lit, nue, lovée dans des draps blancs. Ils étaient placés de façon à faire un drapé comme dans les films. Je me sentais belle, je me sentais bonne et mes cheveux tombaient en cascade le long de mon dos et de mes bras. J’étais bien, relevée sur un bras pour regarder où j’étais.
J’étais dans un immense chapiteau bondé de monde. Il y avait des clowns qui faisaient du monocycle, des éléphants, et une scène sur laquelle une dame se faisait couper en deux, à la cool. Il y avait des badauds aussi, qui se baladaient là, et des garçons et des filles drôlement beaux, tout nus. J’aimerais te dire que les mecs s’amusaient à faire du hula hoop avec leur pénis et que les femmes sortaient des accessoires de leur vagin façon Mary Poppins, mais je t’avouerais que ce détail, s’il m’est venu en tête, ne m’a pas marqué. J’en suis fort déçue.
Concrètement, à ce moment-là, j’aurais pu choisir d’avoir une relation sexuelle avec n’importe qui. J’aurais franchement préféré être en plein rêve lucide mais mon cerveau a fait le con. Il a VRAIMENT fait le con. Car soudain, un homme nu s’est approché de moi, avec le corps, le visage et la démarche qu’on lui connaît. Cet homme nu c’était donc Gérard.
Je l’ai à ma grande surprise regardé avec beaucoup trop d’enthousiasme et sous toutes les coutures. Avec l’absence d’expérience que j’avais à l’époque mais – apparemment – l’overdose d’imagination, nous avons fictivement pratiqué la chose à base de saucisse dans la bouche et de levrette fouettée. Je sais pas trop ce qu’il se passait dans ma tête, mais physiquement, je kiffais. Est-ce que ça te fait ça, à toi aussi ? L’orgasme par voie des rêves ? Moi, c’était mon premier. C’est peut-être pour ça que je m’en souviens encore aujourd’hui.
Du coup, on peut dire que mode manuel mis à part, j’ai eu mon tout premier orgasme avec Gérard Depardieu, version 2004. Maintenant que j’y pense, je crois que je ne m’en remettrais jamais.
Après, donc, mon premier orgasme avec Gérard (Gérard. Depardieu. Dans un chapiteau), j’ai dû me sentir pousser des ailes, me sentir puissante comme une déesse de la guerre. Parce qu’après ce moment, mon rêve est encore plus partie en vrille.
Un avion fonçait droit sur notre chapiteau de l’orgie et pour qu’il ne tombe pas sur nous, faire encore plus de victimes que celles déjà présentes dans l’avion, je sortais une kalachnikov de sous ma couette pour lui tirer dessus.
Maintenant, si ça peut te rassurer, faisons une petite précision : je n’ai envie de tuer personne (même pas pour rendre service) après chacun de mes orgasmes.
Il y a peut-être bien quelques explications à tout ça : le soir, j’avais regardé un reportage sur un cirque, après avoir regardé le journal télévisé qui parlait du crash de Charm el-Cheikh. Je me suis endormie en me demandant si un jour, je serai capable de reprendre l’avion sans angoisse.
L’avenir m’a répondu par la positive : oui, j’ai pu reprendre l’avion sans angoisse. En revanche, j’ai mis un moment avant de ne plus avoir peur de dormir pour ne plus revivre un rêve pareil.
Au sujet de la présence de Gérard au générique de mon imagination lubrique, le mystère reste entier. Dès le lendemain, au réveil, j’ai cherché à comprendre pourquoi j’avais eu « envie » de le voir nu. Pour le coup, je reste une énigme à mes yeux. Ça me donne un petit côté intriguant avec moi-même dont je me passerai bien.
Au moins, voyons le bon côté des choses : ok, ce rêve est le plus traumatisant que j’ai fait, je crois bien. Mais ça m’a au moins permis, avant même de commencer ma vie sexuelle, de comprendre que c’était pas parce que je rêvais que je me faisais claquer le cul par quelqu’un que je désirais cette personne.
Pour éviter tout risque de reproduire un tel rêve, il va s’en dire que je ne regarderai jamais Welcome to New York.
Et ce savoir-là m’est précieux : il a sauvé bon nombre de mes relations sociales qui auraient pu être troublées par un rêve salace.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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