Fut un temps, j’ai été heureuse, en couple, avec un José. Notre vie n’était que coups de téléphone joyeux, messages parfois énamourés, parfois drôles, souvent les deux, et les retrouvailles quotidiennes avaient toujours la saveur de la joie et des semences épanouies. On s’envoyait nos idées de blague en premier, on s’envoyait les vidéos de gros chiens les plus mignonnes qu’on trouvait, on se soutenait dans nos projets respectifs… Ça a été une belle histoire, avec une complicité comme lui et moi n’avions jamais connu.
Et puis comme le monde des choses de l’amour s’apparente souvent plutôt à un petit chemin boueux* qu’à une autoroute parsemée de jolies fleurs, les choses se sont gâtées du jour au lendemain. Mon José de l’époque a été confronté à une longue période de stress et n’a pas su m’en éviter les répercussions. Comme plein d’autres couples dans le monde, cette difficulté a suffi à mettre de la friture sur la ligne : là où il n’y avait qu’amour, communication et respect de l’autre auparavant, il n’y a eu que quiproquos, jalousie et frustration.
*Merci de n’y voir aucune référence à la sodomie
Je vous passe les détails du temps qui passe, des sacrifices pour essayer de sauver la relation et de l’impression de s’enfoncer, jour après jour, dans un sable mouvant fait à partir de sécrétions nasales récoltées dans mes nombreux mouchoirs en papier… Ce n’est pas le propos et le but n’est pas de vous faire chouiner.
Un décor fait à base de restes de Kleenex.
José et moi ne nous sommes pas vus pendant deux mois, pour prendre de la distance et mieux nous retrouver. Quand on a décidé de faire cette pause, il y croyait encore, mais deux mois, c’est long. Ça éloigne les gens de ne pas rire ensemble, de ne pas faire l’amour ensemble, de ne pas raconter nos journées, même sur Skype… Étant trop fidèle à la monogamie pour aller voir si l’herbe est plus verte les partenaires sont plus présents ailleurs, j’ai franchement cru que mon cerveau allait se mettre à faire des bulles de bave, de manque physique, bien sûr, mais de nostalgie des jours heureux, surtout.
Mais j’ai tenu le coup. Je pensais que ça en valait la peine, que c’était juste une mauvaise passe à traverser. J’étais là pour le soutenir quand il m’en montrait le besoin et pour le laisser gérer quand il avait envie d’être seul.
Nous nous sommes retrouvés, moi avec l’espoir de revoir enfin celui dont j’étais tombée amoureuse, lui… plus détaché que jamais. J’étais stressée, déçue de voir que la situation ne s’était pas améliorée, j’avais le coeur qui commençait déjà à devenir friable et j’avais bu du vin — en comparaison avec le peu de nourriture que j’avais avalé pendant plusieurs semaines à cause de la tristesse, beaucoup trop de vin. C’est là qu’il a rompu avec la fille fatiguée que j’étais, la fille affaiblie par deux mois à attendre que le garçon qu’elle aime redevienne le garçon qu’elle aime.
C’est vrai que j’ai pas été très réglo : j’étais tellement triste, tellement en colère qu’il ait pris le temps de digérer tout seul dans son coin la rupture qu’il n’avait pas encore officialisée tandis que je travaillais toute seule de mon côté à sauver notre couple, que je l’ai insulté. Copieusement. Sans penser ce que je disais, je prenais juste les premières insultes qui me venaient à l’esprit et je les criais, très fort. Ça aurait pu être « tarte aux poils », ça a plutôt été « gros enculé je te souhaite de ne coucher qu’avec des connes ».
Ça se fait pas, d’insulter la personne que t’aimes, et j’essaierais certainement aujourd’hui de faire les choses autrement, mais tant pis : j’avais une boule de souffrance de la taille de la plus grosse boulette de viande du monde dans le corps et c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour l’extérioriser. Peut-être que sur Terre, il y a des gens qui extériorisent en faisant des pets d’aisselle tonitruants ou en mangeant leurs pellicules. Moi j’ai crié, et j’ai pas crié des choses polies.
Peut-être que je ferai mieux la prochaine fois qu’on m’arrachera un organe pour l’écraser méthodiquement, peut-être pas, j’sais pas. Quoiqu’il en soit ça se fait pas d’insulter mais je méritais pas pour autant ce que José allait me faire.
N’ayant aucun moyen de rentrer chez moi en pleine nuit, j’ai dormi chez lui et je me suis endormie en sanglotant, à l’extrême-extrémité du lit, pour me réveiller dans le même état. Dans le même état, mais pas dans le même contexte : la différence, c’est qu’il avait mis son bras autour de moi.
Pas parce qu’il était encore endormi et qu’il a fait le mouvement par réflexe : il était sorti du sommeil, et il me prenait dans ses bras. Moi, j’osais pas bouger, de peur qu’en fait il fasse ça parce qu’il savait plus qui j’étais et qu’un seul mouvement de moi ne brise le charme. Mais au fond de moi, je sentais poindre le meilleur sentiment du monde : la joie, teintée de soulagement.
Moi à cet instant précis.
Alors petit à petit, je me suis rapprochée de lui, en continuant à lui tourner le dos. Je m’étirais lascivement, comme quand on se réveillait dans la même position, quelques semaines plus tôt, quand le bonheur était de mise.
J’y allais tout doucement parce que je voulais pas brusquer les choses. Après tout, on s’était dit des choses blessantes la veille. Je voulais faire revenir les sentiments et l’affection tout doucement, qu’on s’apaise tous les deux. Je faisais un pas (enfin, un roulement de fesse), il en faisait deux (une étreinte de plus en plus forte).
Il m’embrassait le dos et le cou comme avant, et on a commencé à faire l’amour comme ça, en cuillère, moi toujours de dos. J’étais heureuse, putain, je sais pas si vous pouvez vous imaginer à quel point… J’avais retrouvé mon mec, j’en étais sûre ! On allait pouvoir s’expliquer calmement, s’excuser et repartir sur de bonnes bases, parce qu’on s’était relevés ensemble d’une impasse ! Parce que l’avant (avant la crise personnelle du José) valait le coup qu’on se batte !
Et puis il m’a retournée pour changer de position, et j’ai croisé son regard. Il était froid et distant. Rien à voir avec ses yeux amoureux de moi (DE MOI), mais concentrés, qui m’avaient retourné le bide à chaque relation sexuelle les premiers mois de notre couple. Là, j’ai compris : il ne faisait pas l’amour avec moi pour qu’on se remette ensemble, parce qu’il réalisait qu’il ne pouvait pas se passer de moi. Il me baisait comme il aurait pu le faire avec n’importe quelle fille de passage, sans lendemain, dont il avait même pas vraiment envie.
Toute paumée mais volontaire, j’ai commencé à descendre le long de son torse pour lui faire une fellation. Je me suis souvenue que la dernière fois que je lui en avais fait une, tout semblait aller bien entre nous. Alors je me suis redressée, j’ai roulé sur le côté et j’ai pleuré à nouveau. Silencieusement, comme pour pas déranger, en attendant d’être physiquement capable de me lever pour partir. Jusqu’à ce que, deux ou trois minutes plus tard, il rompe le silence, un peu gêné :
« C’est pas pour te mettre à la porte, mais faudrait que tu partes. La situation est gênante. »
BIM : une bifle en plein coeur.
Wow, c’est tellement gênant. Je veux vraiment que tu t’en ailles, mais je ne sais pas comment te le dire sans avoir l’air d’un gros enfoiré.
Jamais, dans ma vie, JAMAIS je ne m’étais sentie aussi mal considérée. J’avais l’impression qu’il me traitait comme si j’étais la pire des merdes, genre la toute petite merde nulle d’un chihuahua sous un gros tas de fumier. Comme si j’étais une moule qui s’accroche à son rocher. Un chien un peu chiant qui s’excite tout seul sur une jambe et dont on n’arrive pas à se débarrasser.
Alors j’ai lancé mon regard le plus noir, j’ai pris une douche en pleurant, j’ai avalé le thé qu’il m’avait préparé et je suis partie. J’ai tellement pleuré dans le bus pour aller à la gare que le siège s’en souvient.
Y avait tout, tout était réuni pour que je me sente de la sorte : mon attente, mes sacrifices, mes espoirs, mes désillusions, la rupture, sa nonchalance, le fait qu’il soit très calme pendant mes pleurs et mes cris (je pouvais presque l’entendre penser « demain, tout sera fini, elle sera partie, je serai peinard »), son envie de niquer. Tout.
C’est comme si les planètes avaient discuté entre elles pour faire de cette séparation la pire de l’année. Le faux espoir que ce coït m’a donné a été la goutte d’eau sur la cerise du gâteau dans le vase. Et bordel, quelle goutte d’eau ! Avec le recul, j’ai envie de revenir quelques mois en arrière pour retrouver cette fille que j’étais, cachée derrière ses lunettes de soleil, chouinant des litres, et de lui faire un câlin.
Quelques jours plus tard, alors que je ramassais encore les miettes de mon coeur comme je ramasse des cacahuètes sur mon parquet après une soirée (à peu près), j’ai fini par oser lui envoyer un message pour lui demander pourquoi. POURQUOI il avait couché avec moi si, dans sa tête, ça faisait pas un pli qu’on n’était plus ensemble. Est-ce que j’avais été l’égale de n’importe quelle fille qu’il ramenait chez lui ? Est-ce que c’était pour me dire adieu ? La réponse a été douloureuse : j’étais là, il en avait envie.
Le but de cet article n’est pas de crier ma haine envers lui, et d’appeler à la vôtre dans les commentaires, ça me serait même particulièrement désagréable parce que celui que j’ai rencontré, à la base, aurait été incapable de faire ça : c’était la personne avec laquelle j’avais le plus confiance en l’avenir, et ce souvenir, je le respecte.
En plus, bon, j’ai fait mon deuil, je suis apaisée, je n’ai clairement pas arrêté de vivre et j’ai même presque arrêté d’espérer au fond de moi qu’il ne revienne sous sa forme initiale, avant son évolution ratée de Pokémon.
Le but de ce Josée pas très très rigolo, c’est de vous dire que si un jour, vous vous retrouvez dans cette situation, par pitié, pensez-y à deux fois avant de vous dire « j’sais pas, elle/il est là, et j’en ai envie ». Vous pourriez rendre la rupture encore plus difficile, faire profondément mal à la personne que vous avez aimée… et j’imagine que vous ne voulez pas faire ça.
Et si vous vous retrouvez dans le rôle de celle qui est là et qui vient de se faire quitter, ne faites pas comme moi : posez la question, avant toute chose. Demandez-lui, puis demandez-vous si vous en avez vraiment envie.
J’aurais aimé avoir ce réflexe, au lieu de prendre une érection matinale pour un regain de sentiments. Ça m’aurait évité d’avoir un gros travail de remise sur pied de l’ego à faire, en plus de me réparer.
Mais au final, c’est pas bien grave : y a toujours une chanson des 90’s pour parler à ma place.
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