L’autre jour, j’étais de sortie dans un bar où la bière n’est vraiment pas assez chère pour le bien-être de mon foie. J’étais de sortie, à la cool, pas du tout dans l’optique de rentrer accompagnée, pas du tout dans l’optique de forniquer. J’étais un peu fatiguée du vagin, je ne suis pas une machine, que voulez-vous.
Depuis le temps que je suis active sexuellement, j’aurais dû le savoir : parfois, c’est quand on s’y attend le moins qu’on rentre avec quelqu’un. J’aurais dû m’en souvenir, ça rime, ça sonne comme un dicton !
Preuve de l’innocence de mes projets pour la soirée, je suis arrivée au bar avec mon t-shirt troué du dimanche et j’avais préféré faire une sieste avant plutôt que me laver les cheveux. Alors certes, j’avais la braguette du jean ouverte. Mais c’est parce qu’elle était cassée. Pas parce que je voulais gagner du temps niveau accès génital.
La soirée passe, les verres aussi. J’étais suffisamment saoule pour m’essuyer avec un bout de poster aux toilettes parce qu’il y avait plus de papier et pour oublier de remonter mon top, mais je n’avais toujours aucun signe d’envie de niquer. Le seul garçon de notre assemblée était tout à fait mignon et drôle, mais je n’avais pas appuyé sur l’interrupteur de la parade sexuelle. À tel point que, quand on a décidé de partir, que je me suis exclamée que je voulais manger un kebab et qu’il m’a dit que lui aussi avait envie d’en manger un, mais qu’il fallait que je l’héberge ensuite, je ne faisais toujours pas le rapprochement. Et pourtant je vis dans un studio.
Ce soir là, je me sentais pas vraiment comme Shakira dansant dans son propre vagin.
Tu trouves peut-être ça un peu étrange qu’une envie de kebab mène à une relation sexuelle ? Moi, je vois pas ce qu’il y a de surprenant à ça. Ma plus grande fierté, c’est quand même d’avoir déjà attiré un José dans ma couche grâce à la blague du « Tire sur mon doigt » (cela dit, c’est vrai que j’avais revêtu mon sourire en coin et mon regard de chagasse). Les règles de la séduction sont parfois troublantes.
Quoiqu’il en soit, nous sommes allés chercher notre kebab (ceci n’était pas un prétexte : on en avait vraiment très envie) et l’avons mangé ensemble, chez moi. D’un coup j’ai réalisé le potentiel de la situation : j’avais un garçon pas dégueulasse chez moi, des préservatifs dans mon sac et on était seuls. Mais là, angoisse : ayant un petit appartement, je dors sur un canapé-lit tout neuf, que mes parents avaient apporté et installé le matin même. Un canapé-lit blanc, histoire que tu te représentes bien la situation.
Alors tandis que je m’apprêtais à, disons, réchauffer mon regard, j’ai percuté : si je voulais faire du sexe, il fallait que j’attende de trouver une occasion pour le déplier et faire passer ça pour quelque chose de très naturel. S’agirait pas qu’en installant les draps j’ai l’air de dire « Alors je fais ça parce qu’on va niquer hihi ». Déjà qu’avec ma tête embuée j’arrivais pas à avoir une once de sexyness en moi, je ne voulais pas en rajouter.
Un petit côté Gérard Pichon dans ce geste.
Il était hors de question pour moi de pratiquer l’acte sexuel sur le parquet, trop inconfortable, et
je suis finalement très traditionnelle avec les coups d’un soir : on ne connaît absolument pas le corps de l’autre, qui ne connaît pas plus le nôtre, alors je préfère avoir les fesses, les genoux ou d’autres parties de mon corps sur un endroit moelleux. Et ça tombe bien, parce que le José d’un soir a eu besoin d’aller aux toilettes. Ce qui m’a laissé le temps de déplier mon nid.
Sitôt qu’il est sorti de ma salle de bain, les hostilités ont commencé sans même qu’on fasse semblant de pas vouloir faire ça rapidement. Oui, « rapidement ». Probablement pour éviter de trop se secouer le kebab avec les dramatiques circonstances qu’a déjà connu ta Josée). Je te fais pas de dessin : pendant quelques minutes, on a travaillé à se mettre nus et à se stimuler l’un et l’autre.
À un moment, j’ai vraiment commencé à me lâcher. L’alcool a enfin décidé de quitter mon corps, je me suis pris la réalité en pleine face et cette réalité était plutôt cool. C’est comme si la « moi-sobre » disait à la « moi-saoule » : « mais si tu sais, tu fais du sexe, ce truc que tu kiffes ! Alors maintenant arrête de te focaliser sur ton envie de roter ta bière, secoue la tête, reprends tes esprits et profite ».
Alors oui, je me lâchais et je profitais. Jusqu’à ce que je sente ses doigts sortir de moi et que je l’entende dire deux petits mots qui m’ont refroidi :
« Par contre… »
Je me suis retournée et je n’ai pas tout de suite compris ce que je voyais. Il était là, il s’était rassis sur ses deux fesses, et il regardait la main qui, quelques secondes auparavant, jouait avec l’intérieur de mon vagin. Une main qui. Oh, j’ai du mal à le dire. Une main qui était. Bon
Une main qui était pleine de sang. Du genre, dégoulinante. Du genre les griffes de Freddy Krueger quand il est de mauvais poil. Comme si la mer rouge était passée par là et avait laissé de l’écume. Comme dans les films quand quelqu’un se réveille avec aucun souvenir de la veille et réalise qu’il a du sang sur les mains, et qu’il y a des chances pour qu’il ait tué quelqu’un.
OH MON DIEU JOSÉ MAIS QU’AS-TU FAIT AS-TU TUÉ QUELQU’UN DANS MA SCHNEK ?
J’ai eu plusieurs stades de réaction. Au début, j’ai pensé qu’il s’était coupé sur un truc. Sur quoi ? Aucune idée. Je pense qu’à ce moment précis, je surestimais quelque peu la puissance de ma repousse légère du poil.
Puis j’ai pensé à sauver mon canapé, qui était, rappelons-le, TOUT BLANC et aussi TOUT NEUF. Et c’est avec la voix qui tremblait un peu de peur pour mon nouvel amour de meuble que j’ai dit à ma conquête, d’un air que je ne connaissais que dans la bouche de ma mère quand je mangeais du chocolat petite : « Va vite te laver les mains maintenant ».
J’ai ensuite eu peur qu’il pense que je l’avais pris en traître. Alors je lui ai précisé tout de suite que j’étais sortie de mon cycle depuis quatre ou cinq jours, que ça n’était pas prévu. Que si j’avais été au courant de ce qui allait arriver dans mon antre, je l’aurais prévenu. Je suis polie.
Mais surtout, j’ai eu honte d’avoir honte. Parce que pendant dix petites minutes, j’ai traversé un moment de panique, je me suis sentie dégueulasse. Je suis pourtant la première à insister sur le fait qu’aucun fluide corporel n’est plus sale qu’un autre, que les règles sont quelque chose de naturel et qu’il faut continuer à s’aimer même pendant son cycle !
Cependant, quand ça m’est finalement arrivé d’avoir un écoulement de sang imprévu pendant le coït, je me suis trouvée sale. Alors que le seul truc qui l’était vraiment ce soir-là, c’était mes cheveux. Leur état était tout de même beaucoup plus honteux que mon vagin saignant comme ma cuisson préférée de l’entrecôte.
Je vous le promets : ce rejet de moi-même n’arrivera plus jamais. Parole de Josée. Et j’aimerais qu’on se le promette ensemble, parce qu’on est trop des zouz bien dans leur pompe et dans leur slip, pas vrai ?
Pour vous donner le dénouement de l’histoire, non, on n’a pas remis le couvert après ça. Parce que je l’avais trouvé un peu gêné, parce que je m’étais trouvée un peu gênée, et parce que je n’avais pas les réflexes communicationnels que j’ai quand je suis ne serait-ce qu’un tout petit peu moins saoule. Il aurait suffit, comme l’une d’entre vous l’a fait remarquer, que je l’invite avec moi dans la douche, par exemple, pour qu’on reprenne les festivités, mais je n’ai pas su redémarrer ma libido après ce tout petit «« incident »» (qui n’en était pas vraiment un, et mérite donc un couple de guillemets de chaque côté).
À la place, j’ai préféré rompre le malaise en regardant ce José droit dans les yeux pour lui dire en plaisantant « En fait, c’était mon hymen. J’étais vierge ». Et c’est en riant qu’on a fini par décider de s’endormir l’un à côté de l’autre, sans complexe, loin d’un quelconque sentiment d’humiliation qui n’avait de toute façon pas lieu d’être.
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