Ce n’est pas parce que je m’appelle Josée l’Obsédée qu’une touche de spleen n’envahit pas mon être de temps à autres. Je sais aussi être une personne sensible, qui aime retenir les moments touchants de sa vie passée.
Du coup, aujourd’hui je vais te parler de ma première fois.
Ma rencontre avec la bête s’est faite assez tranquillement. J’étais avec un jeune homme fort mal coiffé que j’avais rencontré sous l’abribus de la gare routière. Enfin… « rencontré » est un bien grand mot car nous avions simplement échangé un regard, à défaut de nos numéros de portable. Après une intense investigation au sein des archives documentaires de la vie humaine (Facebook, quoi), je suis arrivée à obtenir un nom et un prénom.
Trois semaines plus tard, nous mêlions nos baves pour la première fois.
Au lycée, les gens commençaient à changer. Je les voyais partir un soir après les cours et revenir le lendemain matin bordés d’une étrange aura. Ça puait l’allégresse et la jubilation. J’ai vite compris ce qui leur arrivait : au lieu de mettre le jambon dans le torchon, il finissait à la casserole.
Moi aussi, je voulais l’aura, qu’on me traite en adulte, goûter aux fruits et légumes défendus, cinq fois par jour s’il le fallait. Je rêvais de rencontrer enfin le grand méchant loup. Au final, je n’ai pas eu besoin d’allumer un cierge, car mon bel Apollon était plutôt du genre à passer par la case couette sans prendre de pincettes.
Ce n’était pas plus mal. Je n’ai pas eu le temps de me poser mille et une questions sur le sens de la vie. Je ne me suis pas demandé pourquoi l’être humain trouvait une telle finalité dans l’action de se frotter contre un corps dégoulinant de sécrétions. Je me suis tue et j’ai ouvert bien grand mes deux yeux, histoire de ne rien perdre de ces merveilleux instants.
Il vivait encore chez ses parents, notre niveau d’intimité était donc proche de la température de Iakoutsk — qui est, pour ta gouverne, la ville habitée la plus froide du monde.
J’arrivais chez lui en début d’après-midi, je repartais au coucher du soleil (mes parents avaient sans doute peur que je lui dévoile mon vrai visage un peu trop tôt : ils n’auraient peut être pas dû regarder Shrek autant de fois). On décidait régulièrement de fermer tous les volets de sa chambre histoire de faire croire à une soirée romantique. À la faible lueur des bougies de la lampe de chevet, nous allions franchir la limite, ne former plus qu’un seul et même corps. Enfin.
Je l’attrape par la queue, je la montre à ces messieurs
Ma première fois a été loin d’enflammer les draps. Il n’y a pas eu d’étincelle, de rayon de lumière descendant directement des cieux, pas de décharge d’électricité ni de combustion spontanée.
À vrai dire c’était plutôt nul.
J’associe cette conclusion post-coïtale au fait que le monsieur possédait une énorme bûche
entre les cuisses d’une part. D’autre part, l’ambiance n’était pas franchement là pour m’aider à pousser les portes de la volupté. Je t’explique.
C’est peut-être un peu cliché, mais j’imaginais ma première fois comme un moment hyper travaillé. Je voyais le lit saupoudré de pétales de rose et de paillettes, la brise du soir sifflant par la fenêtre entrouverte et une coupe de champagne rosé délicatement déposée sur la tête de lit. La chambre où s’est déroulée ma première fois n’avait rien de tout ça, hormis la boisson : une bonne rasade de Coca éventé dans un verre (ex-pot de Nutella).
Dès que j’ai posé mon premier pied en chaussette dans la pièce, j’ai su que ça allait enfin arriver : mon Adonis m’embrassait langoureusement tout en tirant sur tout ce qui dépassait de mes vêtements. Après plusieurs tentatives à la recherche d’une prise directe, il finit par me demander de me dénuder tandis qu’il mettait en place un climat idéal dans la chambre.
J’étais nue comme un ver, recroquevillée et un peu gênée quand il vint me rejoindre. C’est ainsi qu’un peu plus tard, ma paume enlaçait son premier cobra. J’entendais en fond sonore le générique d’un film, idéal pour me faire dédramatiser et me détendre un peu. Quelle bonne idée il avait eu là ! Je me réjouissais.
Quand il se mit enfin sur moi, j’eus simplement le temps de souffler et d’imaginer une dernière fois à quel point ça aller piquer. Et ce fut l’impact.
L’impact auditif et visuel, ouais !
Mon partenaire avait eu la plus magnifique des idées. En fond, pour nos ébats, son téléviseur était en train de diffuser Souris City.
Souris.
City.
Vraiment.
Inutile de préciser que mon esprit est tout de suite parti vers l’infini, vers l’au-delà, mais vraiment pas du côté du septième ciel. Je suis passée par plusieurs stades : j’ai eu envie de rire, de me faire pipi dessus, de pleurer, de m’enfuir. Et puis je me suis rendue compte que j’avais un phallus en train de visiter mon intérieur.
Il était là, vraiment, et je ne l’avais même pas senti défoncer la porte avec son gros bélier. Il avait été aussi furtif qu’un orvet à la recherche d’un tunnel, qu’un cochon d’Inde devant une pousse de radis. En plus, il était aussi motivé qu’un caniche sur une jambe.
Film d’animation ou pas, mon éphèbe était déjà très loin. Il ne semblait vraiment pas se rendre compte qu’on était en train de baiser tandis que de faux Bernard et Bianca sauvaient le monde avec des limaces. Je l’admire, encore aujourd’hui, pour ça.
En gros, ma première fois a été aussi drôle que catastrophique. Je me rappelle d’un Kamoulox total entre la sensation d’être embrochée comme une chipolata, un homme sur moi en train de pousser des grognements, les lattes du clic-clac qui me faisaient mal au dos et ça :
Le plus important est sûrement que je n’ai retenu que dalle de ce film d’animation. Je devrais peut-être le revoir avec (un peu) plus d’attention, en hommage à ce moment d’anthologie. Par contre, mon tout premier rapport sexuel, lui, sera gravé à tout jamais dans mon corps et mon âme. Et sur madmoiZelle, maintenant, du coup.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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Du coup j'ai eu l'impression que Cauet était avec nous