En salles ce 9 octobre 2019, Joker avec Joaquin Phoenix a fait polémique avant même sa sortie officielle (en plus de recevoir le prestigieux Lion d’Or du festival de Venise).
Cette nouvelle origin story du super-méchant de Gotham glorifie-t-elle la violence ? Risque-t-elle de pousser à l’acte des incels ou autres terroristes ?
Je te propose ici ma critique du film, sans spoilers, puis une analyse plus approfondie de son message. Ne t’inquiète pas, une balise te préviendra quand je commencerai à révéler des points-clefs de l’intrigue !
Joker, avec Joaquin Phoenix : le résumé
Le Joker a ici une identité : il s’agit d’Arthur Fleck, un homme fragile qui souffre d’une maladie mentale le menant à éclater de rire lorsqu’il est sujet à du stress ou à des émotions fortes.
Il vit seul avec sa vieille mère dépendante de ses soins, et gagne une misère grâce à son métier : clown pour les enfants malades, ou pour attirer les passants dans des magasins.
À Gotham, la situation se dégrade. La ville sombre dans la violence et une forme d’hystérie collective.
Entraîné dans cette spirale, Arthur Fleck va lui aussi commencer à vriller…
Joker avec Joaquin Phoenix : critique sans spoilers
J’ai vu Joker dans une petite salle feutrée, sans trop savoir à quoi m’attendre.
Déjà hypée par le film, et phobique des spoilers, je n’avais pas regardé le moindre teaser, tant je voulais arriver vierge de toute idée préconçue.
Alors, qu’ai-je pensé de Joker, après quelques jours à mûrir mon opinion ?
Joaquin Phoenix, magistral dans Joker
En premier lieu, tu ne seras pas surprise de l’apprendre : j’ai été totalement bluffée par le jeu de Joaquin Phoenix, que je considère comme l’un des plus grands acteurs de sa génération.
Il porte totalement le film dans la peau d’Arthur Fleck, omniprésent à l’écran. Un comédien moins talentueux aurait sabordé le projet, mais Phoenix le sublime.
Le rire brisé de cet anti-héros, mâtiné de larmes ; la démarche de clown triste d’Arthur ; sa sensibilité à fleur de peau qui finit par tordre son corps, à la limite de la rupture…
Il fallait un acteur de la trempe de Joaquin Phoenix pour devenir le Joker sans être ridicule. C’est réussi.
Joker, la fable tragique d’un clown triste
Au-delà du rôle principal, Joker est plutôt réussi !
Le film s’inspire très clairement d’œuvres cultes comme Taxi Driver, jusqu’à cette version de Gotham calquée sur le New York mal famé et grisâtre des années 70-80.
J’ai trouvé que l’intrigue mettait un poil de temps à se mettre en place, mais les 2h ne m’ont pas pour autant semblé longues, et j’ai passé les 30 dernières minutes en tension, les yeux rivés sur l’écran.
Joker est une réécriture intéressante d’un personnage culte, qui parvient à surprendre, à émouvoir et à proposer un film « de super-héros » différent de ce qu’on voit d’habitude.
On est plus proche d’un Logan que d’un Batman vs Superman, et c’est probablement pour le meilleur !
Joker, un film violent ?
Si la polémique t’a fait peur parce que tu supportes mal la violence au cinéma, sache que Joker est loin d’être si hardcore que certains l’ont fait croire
.
La violence se matérialise principalement par des coups de feu, sans gros plan arbitraire sur des blessures ou des plaies.
Il y a une ou deux scènes plus physiques et sanglantes, mais qui ne durent pas longtemps et ne sont pas plus dures que les « tours de magie » du Joker de The Dark Knight par exemple.
J’ai limite trouvé la détresse du personnage d’Arthur Fleck, avec son rire douloureux, plus difficile à regarder que les moments de tuerie.
Joker, un film qui glorifie la violence ?
Dans une Amérique ensanglantée par des tueries de masse perpétrées par des hommes blancs rejetés par la société, souffrant parfois de troubles mentaux non diagnostiqués ou non traités, Joker fait peur.
Mais est-ce que ce film porte vraiment un message politique glorifiant la violence ? Est-ce qu’il légitime les actes de son héros ?
Je t’en parle tout de suite, après un avertissement…
À partir de maintenant, je spoile toute l’intrigue de Joker !
Joker et le mouvement incels
Beaucoup ont rapproché Joker des incels, ces hommes qui subissent leur manque de succès auprès des femmes et deviennent parfois violents, comme le terroriste Alek Minassian.
Alors écoute, pour avoir beaucoup bossé sur les incels, j’estime que c’est un peu n’importe quoi, cette comparaison.
Arthur Fleck n’a rien d’un incel : il ne parle jamais de séduction, ne semble pas entretenir de haine spécifique envers les femmes… à vrai dire, l’amour, ça a l’air de le laisser plutôt indifférent.
Certes, il s’invente une romance avec sa voisine et le film reste ambigu sur le destin de cette dernière… mais ce Joker tue en grande majorité des hommes blancs en position de pouvoir. Pas des femmes !
S’il y a une violence sociétale mise en avant dans Joker, c’est celle qui pèse sur les populations précaires et les personnes souffrant de troubles mentaux — bien plus que le sexisme.
Joker, un film qui stigmatise les maladies mentales ?
Un autre sujet qui a été mentionné jusque sur le forum de madmoiZelle, c’est la peur que ce film, comme beaucoup d’autres, ne stigmatise les personnes souffrant de troubles mentaux.
En gros, qu’il renforce le stéréotype « fou = tueur ».
À mon sens, ce n’est pas ce que raconte Joker.
Arthur Fleck n’est pas le produit de sa maladie, mais d’une société hostile. Une société qui n’a pas su aider sa mère, elle aussi malade. Une société qui n’a pas su le protéger, enfant, lorsqu’elle laissait un homme le violenter.
Une société qui a fini par l’abandonner, en coupant les financements de sa thérapie et des médicaments qui lui permettaient de réguler les symptômes de son trouble mental.
Joker excuse-t-il la violence de son héros ?
C’est la grande question, finalement.
La souffrance d’Arthur Fleck, et la violence d’une société qui le rejette, qui l’écrase à cause de sa différence et de sa précarité, excusent-elles les actes dont il se rend coupable ?
À mon sens, ce n’est pas le message du film. Film qui fait clairement dire à son héros « Je ne fais pas de politique » — juste avant qu’il ne commette un meurtre en direct à la télévision.
Ironie quand tu nous tiens…
Todd Phillips, le réalisateur, n’a pas voulu faire un appel à l’action mais « un appel à la réflexion, un miroir tendu à la société » (source). Son intention me semble claire.
Les hommes qui glorifient le Joker à la fin du film (avant la conclusion en hôpital psychiatrique) ne sont ni excusés, ni valorisés. Ils sont montrés, contemplés, et la dangerosité de leurs actes n’est pas passée sous silence.
Dans cet univers, Bruce Wayne grandira-t-il pour devenir le Chevalier Noir, ou usera-t-il de sa fortune à meilleur escient, par exemple pour compenser les inégalités sociales de Gotham et éviter à d’autres Joker de faire surface ?
L’avenir nous le dira peut-être. Car si Joker a été pensé comme un film unique, son succès colossal pourrait bien donner lieu à des suites !
En tout cas, j’ai hâte que tu le voies et que tu viennes me donner ton avis dans les commentaires, j’adore débattre de cinéma !
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ce film pour moi montre que ce Arthur Fleck aurait pu devenir/être si la société et les gens s'étaient comportés de façon correcte avec lui : un gentil clown qui prend soin de sa maman et fait rire les enfants dans les hôpitaux.
Sa maladie est une souffrance, mais recevoir un peu de compassion et de respect aurait pu tout changer
du coup, je reprends toujours les gens quand ils disent que leur situation est schizophrénique "non, la schizophrénie ce n'est pas cela, c'est abus de langage!" ou bien "si on arrêtait de mettre cette maladie partout, ce ne sont pas des fous dangereux"