« Sous le Pont Alexandre III, baigné par la lumière de la première pleine lune de l’année, le directeur créatif John Galliano capture un instant : une promenade dans les entrailles de Paris, déconnecté. » C’est ainsi que se conclut la note d’intention du défilé Masion Margiela Artisanal 2024 qui a eu lieu le 25 janvier 2024 dans le cadre de la Paris Fashion Week haute couture.
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Défilé Maison Margiela Artisanal Collection 2024 par John Galliano
Cela faisait près d’un an que ce spectacle de mode se tramait. Et il a dépassé les attentes, puisque les 250 invité·e·s, ainsi que les fans de la maison qui l’ont regardé en live sur les réseaux ne s’en sont toujours pas remis·e·s. On clame même que ce défilé vaudrait bien ceux des années chez Dior de Galliano. C’est dans une mise en scène de bistrot Belle Époque, laissé à l’abandon depuis trop longtemps, bien lugubre comme il faut, que l’artiste unibrassiste Lucky Love est d’abord venu pousser la chansonnette, « Now I don’t need your love », accompagné d’une chorale gospel. « Maintenant, je n’ai plus besoin de votre amour » : faut-il y entendre un message de la part de John Galliano ?
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Poupée de cire, poupée de son
Un court-métrage présente ensuite un Paris nocturne et pluvieux qui met en abyme la réalité, avant que le premier mannequin ne franchisse ce quatrième mur qu’est l’écran pour donner vie à la fiction. C’est Leon Dame, muse de John Galliano, qui déambule torse-nu, la taille ultra-marquée par un corset très serré, et un pantalon noir, confirmant le ton macabre de la mise en scène. Celle-ci ne serait pas la même sans les mises en beauté de poupées de porcelaine, cireuses et épouvantables, signées Dame Pat McGrath.
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Les vêtements s’enchaînent, tous plus difficiles à décrire les uns que les autres, tant ils mélangent les matières et les techniques, pour déformer le corps plus que le sublimer, jouant à former des excroissances ou des étrécissements de l’anatomie. Notamment grâce à des corsages qui ont l’air d’être en porcelaine mais sont en fait du cuir. Beaucoup de pièces s’amusent même à révéler la nudité plutôt que de la masquer, par des jeux de transparence déroutants. Jusqu’au passage final, incarné magistralement par Gwendoline Christie (Brienne de Torth dans la série Game of Thrones), façon mariée désarticulée.
Ne pas séparer l’homme du grand couturier
C’est un défilé de poupées monstrueuses, pas du tout pour les enfants, marchant clopin-clopant bientôt au rythme d’« Hometown Glory » d’Adele qui a pris le relai de Lucky Love côté bande-son.
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« I ain’t lost, just wandering » (« je ne suis pas perdu, je ne fais qu’errer ») scande la diva britannique, décrivant parfaitement l’allure des mannequins, et peut-être aussi la carrière même de John Galliano, depuis ses scandaleux propos raciste et antisémites de 2011, qui lui ont coûté la tête de Dior. C’est en 2014 qu’il accède à celle de Maison Margiela. Cela fait donc dix ans qu’il dirige le plus discrètement possible cet empire de l’anonymat, alors que l’antisémitisme explose en France (les actes antisémites se sont multipliés par quatre entre 2022 et 2023, et ont connu un pic de +1000% entre octobre et novembre). Si le pardon est impossible, qu’on ne peut séparer l’homme du grand couturier, ce dernier continue de tenter de s’expliquer, et le fera une nouvelle fois à travers la sortie d’un nouveau documentaire en mars 2024 : High & Low : John Galliano.
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