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Féminisme

Serveuse et féministe, j’ai appris à m’affirmer pour mieux aimer mon métier

Il y a deux ans, Charlène témoignait sur la difficulté d’être serveuse et féministe. Elle revient aujourd’hui nous donner de ses nouvelles.

– La photo d’illustration est tirée de la série 2 Broke Girls.

Il y a deux ans, Charlène nous racontait les difficultés de son job étudiant de serveuse et le sexisme quotidien auquel elle était confrontée. Elle revient aujourd’hui nous donner de ses nouvelles, après deux années supplémentaires de service.

Voilà maintenant deux ans que j’ai témoigné sur mon travail de serveuse.

J’ai bientôt 24 ans, sûrement un peu plus de recul sur la vie, mais toujours une teinte nuancée de bleu dans les cheveux et je suis toujours fan de science-fiction.

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Je viens tout juste de finir mes études (bac+5 avec mention, youhou !), et pendant ces deux années j’ai continué mes jobs étudiants de serveuse.

Mon bar, ma famille

Le grand mercato des bars de ma ville fait que tu bouges facilement de lieu de travail : tu rencontres des collègues, des connaissances de serveurs/barmans/responsables, bref, une sorte de mafia sans les armes, où tout le monde se connaît plus ou moins. Malgré tout, cela fait maintenant un an que je suis dans le même établissement pour faire mon job de week-end.

Ce bar, c’est un peu comme ma famille ici, dans cette ville dans laquelle j’ai débarqué pour mes études. Un attachement peut-être un peu bizarre me lie à eux : ce sont mes collègues et patrons, mais je sais qu’il n’y a pas que de ça.

Ce sont aussi les premières personnes que j’ai rencontrées et qui ont fait partie d’une routine ; je n’ai plus de repas de famille le dimanche midi après la cuite du samedi, mais des petit-déjeuners quand les terrasses ouvrent à peine, le dimanche matin à 7h, après être sortie boire un verre en fin de service.

Pendant ces deux années, mes compétences ont évolué assez naturellement entre le travail en salle et le job de barmaid (à moi les mojitos !). Quant à mes attitudes face aux clients, elles ont aussi changé.

Dans mon premier témoignage, je racontais combien il était dur pour moi de malmener des clients en leur faisant comprendre que je n’étais pas disponible, que laisser faire c’était avoir un peu plus de pourboires et bien se faire voir par les patrons.

Mais après un an dans le même bar, il s’avère que les personnes me « connaissent » : tant mes patrons que mes clients ont appris à faire avec mon caractère et ma personnalité.

Être considérée comme un « bonhomme »

Je suis toujours souriante, serviable et je m’intéresse aux autres. Mais après tant de temps, tout le monde a intégré des règles simples que j’ai fait passer : non, même si je suis célibataire et serviable, je ne suis pas disponible ; non, me toucher de manière poussée n’est pas un comportement à avoir (que ce soit des mains ou autre), même si je laisse une grande ouverture pour qu’on me parle ou m’aborde sur un plan professionnel.

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Évidemment, je parle là des « habitué•es », ces personnes que je croise toutes les semaines, qui ont appris à vivre mes déboires à la fac, mes exams, mes pseudo-vacances en semaine et ma nouvelle quête de job de fin d’études.

Mes patrons sont des personnes adorables à qui je peux tout dire et qui ne contestent ni déforment mes paroles quand je dis qu’un client est gênant. En plus de ça, j’ai également appris à être plus affirmée, à avoir plus de répondant.

Assez bizarrement, et je n’arrive pas à déterminer si c’est dommage, on a arrêté de me voir « comme une femme » dans mon lieu de travail dans le sens où on considère que je sais me comporter « comme un homme ».

Cela vient du fait que je porte généralement mes charges (lourdes) seule, et je remets les gens en place s’il le faut. Surtout, on « s’étonne » de ne pas me voir choquée quand des gens parlent crûment entre eux. D’ailleurs, quand des hommes emploient des termes fleuris, ils s’arrêtent souvent en me voyant (en se disant sûrement que mes oreilles de femme vont être choquées).

C’est là que mon collègue barman leur dit à la volée « Non, mais vous inquiétez pas, Charlène c’est un bonhomme !

 », et que je saisis l’ampleur de ce phénomène.

Je suis passée dans une autre case pour beaucoup de personnes qui envisagent les genres binairement : pour eux, je ne suis plus « précieuse », « chiante », « râleuse » ; en somme, je ne suis plus une fille à leurs yeux (un terme qui leur semble hautement péjoratif).

Et j’avoue en jouer. J’aime qu’on ne m’accorde pas de chichis, j’aime qu’on puisse me considérer simplement comme moi, avec mes ambitions et mes envies — même si pour eux, c’est me considérer comme « un bonhomme ».

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Réflexions et agressions sexistes

Mais pour toutes les personnes autres que les habitué•es et mes collègues, je continue à être une « fille » approchable et décorative.

Ce serait mentir que de passer sous silence, dans un bar de nuit qui ferme aux alentours de 4h, les blagues sexistes et/ou graveleuses, les réflexions du genre « Moi si j’étais ton mec, je te laisserais pas bosser dans un bar comme ça, c’est pas un travail fait pour les femmes », les mains aux fesses, les accolades dont je ne peux me défaire, les intrusions dans mon décolleté et les baisers forcés.

Dit froidement, ça n’a rien de plaisant. Au jour le jour, je ne vis cependant pas si mal ces petites défaites avec des personnes alcoolisées : elles sont juste usantes. J’essaie tant bien que mal de m’en détacher.

J’ai appris à ne plus me trouver sale ensuite. J’ai appris à me dire que ça ne venait pas de moi, que ce n’était pas à moi de changer mon comportement. J’ai appris à dire non, et à réaffirmer mon non simplement « parce que c’est comme ça » quand on me regarde avec des yeux médusés en me demandant « mais pourquoi ? ».

Parfois je songe à mes patrons et me demande si ça leur cause plus de soucis de m’employer moi, une femme. Si le fait que je ne sache pas forcément me battre, que je puisse physiquement être plus atteignable et que je ne puisse séparer deux hommes qui s’échangent des poings avec un coup dans le nez puissent nuire à la rentabilité. Je ne pense pas que ce soit le cas, mais parfois j’y pense.

Être serveuse et ses grands enseignements

Pour conclure, mon regard sur la profession et sur moi-même a changé. En deux ans, il s’en passe des péripéties. Des histoires de cœur, de cul, de famille. Et la fatigue, beaucoup de fatigue. Il y a eu du stress, de l’angoisse, mais j’ai toujours dû avoir le moral au top pour le week-end.

J’ai mûri, j’ai appris à faire des concessions mais je ne me laisse plus marcher dessus. J’ai surtout une équipe en or à qui je dois beaucoup et je le sais, étant en plus la seule fille du staff.

J’ai énormément appris sur moi, et j’ai aussi réussi à développer mon relationnel. J’aime cet univers des bars, de la restauration. J’aime sa dynamique, ses rencontres incessantes et ses rituels décalés.

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Par la suite, je sais que c’est un milieu que je vais quitter à regret. Mais n’ayant pas encore trouvé de travail dans mon domaine, j’ai pour le moment gardé mon poste du week-end. Et avec lui, ma routine personnelle.

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Les Commentaires

4
Avatar de MelPop21
18 novembre 2016 à 16h11
MelPop21
J'ai bien aimé le témoignage sauf cette phrase "le fait que je ne sache pas forcément me battre" : c'est un argument purement sexiste. C'est pas parce que t'es un mec que tu sais te battre. C'est pas parce que tu mesures deux mètres et que tu pèses 120 kilos que tu sais te battre. C'est pas parce que t'es une fille que tu ne sais pas te battre surtout en 2016, les sports de combat ne sont pas réservés qu'aux mecs. Dommage pour cette phrase.
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Voir les 4 commentaires

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