Jim Morrison et moi, ça va bientôt faire 25 ans que ça dure. Je suis ce qu’on appelle une groupie posthume.
Tout ça, c’est à cause de mon père. Jim était comme un animal totem pour lui (pas gourou, pas idole, mon père ne pouvant éprouver d’admiration que pour lui-même, il fallait qu’il se définisse comme égal, et non “inférieur” à lui). Forcément, il a fallu me transmettre les enseignements du Roi Lézard – et ça a commencé dès ma naissance, quand il m’a chanté Celebration of the Lizard King alors que je venais d’effectuer ma sortie extravéhiculaire.
http://www.youtube.com/watch?v=ef4841Gt2I0
J’ai commencé par “subir” les Doors. Je les écoutait parce que mon père les écoutait. Puis quand nos rapports se sont dégradés, j’ai tout rejeté en bloc. Je ne voulais plus les entendre parce que je les avais associés à lui. Une fois la hache de guerre enterrée, j’en ai profité pour déterrer mes albums et retenter le coup. Je sais pas si c’est le fait d’avoir pris du recul ou de l’âge, mais je me suis pris une des plus violentes claques de ma vie. Au lieu de me contenter de les entendre, je les ai écoutés, encore et encore. Je me suis explosé les tympans pour me délecter de la moindre syllabe, du moindre cri émis par Jim Morrison. J’ai détaché chaque mot pour l’analyser, j’ai retourné les livrets des CD dans tous les sens pour digérer les paroles de chaque chanson.
J’ai lu chaque poème de lui, phrase par phrase, mot par mot, son par son. Je me suis enfermée dans un monde qui n’avait qu’un langage : celui de Jim Morrison. Mon père a levé les yeux au ciel jusqu’à les faire rouler dans leurs orbites en me voyant déterrer de vieux t-shirts des Doors, en acheter des nouveaux, et des stickers, et des magnets, un zippo, un étui à cigarettes, des cartes postales… Il fallait que j’affiche partout, tout le temps, cet amour retrouvé. Cette baffe monstrueuse. Cette évidence.
Aujourd’hui, il n’y a rien de plus naturel pour moi que d’écouter les Doors. Rien de plus primaire, instinctif, profondément inné. C’est mécanique, ça fait plus partie de moi que n’importe quoi. C’est par là que tout a commencé, c’est la bande-originale de ces 24-presque-25 dernières années.
Plus je grandis (viellis ? à partir de quel âge ça change ?), plus je me dis que Jim Morrison devait probablement être un sacré connard, invivable, destructeur et toxique. Le rêve se fait gentiment écraser par la réalité. Enfin, ce que je suppose être la réalité. Mais après tout, qu’est-ce qu’on en sait, et surtout, qu’est-ce qu’on s’en fout.
Je suis une groupie. Je manque de m’évanouir dès que je tombe sur une photo de Jim Morrison, il est partout – de mon avatar sur madmoiZelle à mon fond d’écran Twitter, en passant par les murs de mon appartement, ou ma garde-robe mais surtout, tout ce qui me sert à écouter de la musique. Je suis incapable de fonctionner plus d’une semaine sans avoir ma dose. Je lis tout ce qui se dit sur lui, je regarde tous les biopics et documentaires qui passent – sans oublier de râler constamment parce qu’ils oublient ceci, ou se trompent sur cela, sinon c’est pas drôle.
Je me braque quand on dit du mal de lui, quand on se moque ou qu’on refuse de s’y intéresser. Je m’offusque quand on affirme ne pas aimer une seule chanson des Doors, mais aussi quand on cite comme chanson préférée une qui n’a pas été écrite par Morrison. Je manque totalement d’objectivité, ça n’a rien de rationnel, mais concrètement, j’en ai rien à battre. Y a des trucs avec lesquels vaut mieux pas essayer de raisonner.
Coup de bol, je suis née et j’ai grandi à Paris, jamais bien loin du Père Lachaise où Jim est enterré. À une époque, j’allais écrire derrière sa tombe, sur les marches d’un mausolée en me moquant des touristes alors que, niveau cliché, j’étais sur la première place du podium.
Il n’y a rien de plus efficace pour me calmer, m’inspirer, ou m’exciter qu’une chanson des Doors. Rien d’autre au monde n’a le pouvoir de me plonger dans un tel état de transe, de m’aider à lâcher prise, de me vider le cerveau et de le remplir de choses agréables (et parfois un peu bizarres, mais c’est le but aussi).
Pour m’enfoncer encore plus loin dans le cliché : quand j’étais au plus profond de ma dépression (ça me paraît si loin, quel délicieux constat), il n’y avait plus que les Doors dans ma vie pour me procurer un peu de plaisir. C’était ma seule et unique consolation, il n’y avait plus que la voix de Jim Morrison pour me sortir de ma léthargie
. C’était aussi ce qui me permettait de couvrir mes hurlements de douleur, de frustration, de colère, mes cris, mes gémissements et mes sanglots d’enfant perdue au fond des bois.
Heureusement, les Doors m’ont également accompagnée dans des périodes plus cool. En 24-presque-25 ans, vous vous doutez bien qu’il y a eu quelques hauts et quelques bas – et à chaque fois, ils étaient là. Je vais pas me lancer dans une tirade “R.I.P. Jim mon bo loulou” ou “je te remercie où que tu sois”, mais l’intention est là. Peu importe où il est, il a été là, il a laissé deux-trois trucs derrière lui, et moi ça me suffit.
Une petite playlist pour finir en beauté
People Are Strange ? j’ai du mal avec le concept de “préférence”, mais si je devais choisir parmi celles qui me touchent le plus, je crois que ce serait celle-ci
Bird of Prey ? ma berceuse
http://www.youtube.com/watch?v=ctrFbneYPmg
Spanish Caravan ? pour l’instru qui me fait chavirer à tous les coups
http://www.youtube.com/watch?v=AibBR-Jwg4g
When the Music’s Over ? pour Jim qui hurle “We want the world and we want it now”
Runnin’ Blue ? pour l’intro qui fait vibrer ma cage thoracique comme un petit papillon
The Spy ? coucou la chanson sexuelle
http://www.youtube.com/watch?v=GHEna-MrpI0
The End ? parce que comme par hasard, Apocalypse Now est un de mes films préférés et que cette chanson fait partie de la BO. Les Doors + Apocalypse Now = explosion des sens. Et puis la chanson défonce, surtout.
http://www.youtube.com/watch?v=1b26BD5KjH0
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Les Commentaires
Haha, je connais ça... Sauf que pour moi, ce ne sera ni John, ni Jim, mais bel et bien Paul !
Mais merci pour ce magnifique article. Que se soit Paul, Jim, Kurt, Mick... Les mots changent, mais les sensations sont les mêmes. A chacun son Jim !