En partenariat avec stories.ubisoft.com, le webzine d’Ubisoft (notre Manifeste)
Tu le sais aussi bien que moi, chère lectrice : pour s’évader, rien ne vaut un bon jeu vidéo.
Mais si j’aime déboîter du dragon dans Skyrim ou m’improviser Templière dans Assassin’s Creed, les univers vidéoludiques que je préfère sont bien plus proches de ma réalité…
Ou en tout cas, ils comportent moins de draugr bagarreur, et plus de lignes de métro à raccorder ou de rangs d’oignons à arroser.
Pourquoi est-ce que ça me procure autant de plaisir de planter des citrouilles dans Stardew Valley, alors que l’entretien d’un vrai basilic me lasse en 2 jours ?
Pourquoi est-ce que j’adore construire des villes ultra-efficaces dans Sim City, alors que je râle dès que je décide de remettre mes oreillers bien droits ?
Les jeux vidéo de gestion vus par la psychologie
J’ai demandé à Justine Maitre, psychologue qui écrit régulièrement pour madmoiZelle, de m’aider à comprendre l’effet apaisant des jeux vidéo de gestion sur ma psyché.
Un effet qui me semble d’autant plus surprenant que je suis plutôt du côté « bordélique » de la Force !
La spécialiste m’explique :
Nos vies sont compliquées, nos têtes pleines de pensées et nos quotidiens bien remplis.
Chaque jour, nous avons une multitude de choix à faire, plus ou moins importants, et le poids de ces décisions peut être lourd à porter.
Face à ce stress de la vie quotidienne, nous adoptons ce que les psychologues appellent des « stratégies de coping » : nos stratégies cognitives et comportementales pour faire face et/ou s’adapter.
Pour certains chercheurs, nos stratégies seraient de deux ordres :
- Les stratégies centrées sur le problème (qui comprennent tous les efforts pour gérer ou diminuer le problème qui cause le stress)
- Ou les stratégies centrées sur l’émotion (qui impliquent la régulation de notre réponse émotionnelle causée par le stress : se relaxer, méditer, appréhender différemment la situation…).
M’immerger dans un jeu vidéo me permet donc d’échapper, pour un temps, aux petits problèmes du quotidien, pour me plonger dans un univers bien moins complexe.
Justine développe :
Les jeux vidéo, a fortiori les jeux de gestion, nous projettent dans des mondes « simples ».
En jouant, nous savons exactement ce qui est attendu de nous, quel est notre objectif et comment l’atteindre.
De plus, en remplissant les missions nous guidant vers cet objectif, nous pouvons mesurer nos résultats et apprécier nos réussites.
Dans le jeu, les règles sont énoncées clairement : que je manage un hôpital, un parc d’attraction ou que je construise une ville virtuelle, je sais ce que j’ai à faire et je peux cocher toutes les tâches les unes après les autres.
QUEL ÉNORME KIF.
C’est une évidence ! Là où chaque choix « réel » ouvre la porte à des conséquences potentiellement inattendues, négatives, stressante, dans un jeu vidéo, les choses sont plus prévisibles.
Si je plante bien mes citrouilles, elles pousseront de façon optimale, et je sais exactement quel jour je pourrai les récolter afin d’avancer dans le jeu.
L’objectif est visible, la marche à suivre limpide. La vie virtuelle est, pour dire les choses clairement, plus simple… et c’est ça qui m’apaise.
Pourquoi les jeux vidéo de gestion sont hypnotisants
Là où les bagarres de Prince of Persia finissent par me lasser, générant le besoin de faire une pause, les jeux de gestion semblent me happer.
Je lance une partie, et me voilà 4h plus tard à me rendre compte que j’ai une nouvelle passion… optimiser le placement de ma salle de chirurgie dans Two Point Hospital !
Justine a également une explication, car je ne suis pas seule, eh non :
L’analyse de plusieurs recherches scientifiques suggère que jouer à des jeux vidéo permet de faire l’expérience d’émotions très positives :
- De la fierté (lorsque nous achevons les objectifs demandés)
- De l’engagement
- Et… du « flow », parfois traduit « expérience optimale »
Le flow est un concept issu des recherches en psychologie positive – et plus particulièrement du travail du chercheur Mihaly Csikszentmihályi.
Le TED Talk de Csikszentmihályi au sujet du flow
L’ouvrage Traité de psychologie positive définit l’état de flow comme un sentiment de forte concentration, d’engagement, de contrôle de la situation et de clarté des objectifs, associé à un état affectif positif.
Plusieurs composantes, détaillées sur Psychomédia, pourraient caractériser le « flow » :
- Une concentration intense et focalisée sur le moment présent (je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne, quand je joue, on y est)
- Une fusion de l’action et de la conscience
- Une perte de la conscience de soi réflexive (ciao les angoisses existentielles)
- Un sentiment de contrôle personnel sur l’activité (BINGO)
- Une distorsion de l’expérience temporelle (d’où le « j’ai oublié de dîner »)
- Une expérience « autotélique » (l’activité n’a pas d’autre but qu’elle-même) (et est gratifiante).
Dans la « vraie » vie, faire l’expérience du flow crée des répercussions très positives : un meilleur engagement, une meilleure estime de soi, une diminution de l’anxiété…
Ces conséquences positives peuvent-elles également exister lorsque l’on fait l’expérience du « flow » via un jeu vidéo ? Pour le moment, des recherches doivent encore être menées sur le sujet.
Ce qui est sûr, c’est que parfois, ranger virtuellement des items, gérer une fausse ville, bref, jouer aux jeux de gestion permet de s’immerger dans une autre réalité et de prendre un peu de recul vis-à-vis de nos vraies inquiétudes !
Voilà qui est très clair !
Si tu souhaites creuser le sujet, Justine te conseille Les jeux vidéo sont-ils bons pour le cerveau ? chez Sciences Humaines, ainsi que The Benefits of Playing Video Games paru dans la revue de l’American Psychological Association.
J’ai l’impression d’avoir levé le voile sur le fonctionnement de mon propre cerveau. Passionnant !
Je vais bientôt retourner à mes citrouilles, mais avant ça, dis-moi… quels jeux de gestion me conseilles-tu pour expérimenter le meilleur flow ?
Si ce papier t’a plu, je t’encourage à retrouver de passionnants articles autour du jeu vidéo, de nos habitudes et de la société sur Stories, l’excellent webzine d’Ubisoft !
À lire aussi : C’est quoi, au fait, un « vrai » jeu vidéo ?
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