Esther est partie recueillir les témoignages des jeunes femmes de plusieurs pays, à travers le monde, avec une attention particulière portée aux droits sexuels et reproductifs : liberté sexuelle, contraception, avortement.
Elle a déjà rendu compte de ses rencontres avec des Sénégalaises, puis avec des libanaises, et sa troisième étape l’a menée en Irlande du Nord (Royaume-Uni) et en Irlande ! Elle y a réalisé interviews, portraits, reportages, publiés sur madmoiZelle au fur et à mesure. Tu peux retrouver le sommaire ici !
Tu peux aussi suivre au jour le jour ses pérégrinations sur les comptes Instagram @madmoizelledotcom et @meunieresther, avant de les retrouver ici bientôt !
Jessica est engagée aux côtés de Rachel, dont je vous ai déjà parlé, au sein de l’organisation étudiante de la Queen’s University de Belfast.
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La jeune femme de 23 ans tient son poste de conseillère en affaires sociales depuis 2 ans, et elle dit y avoir « énormément appris ».
Il faut dire qu’à la base et de son propre aveu, tout ce qui traitait d’affaires publiques, de politique, lui passait un peu au dessus de la tête…
« J’ai décidé de me porter candidate parce qu’aider les gens est ce qui m’anime, mais je ne savais pas vraiment comment ça fonctionnait.
J’ai été confrontée d’un seul coup au gouvernement et à ce milieu, j’ai compris que l’on pouvait mettre des fonds dans des projets qui peuvent concrètement changer les choses ! »
(Le syndrome de) l’infirmière ?
« Aider les gens », c’est ce qui l’anime depuis son enfance. En fait, Jessica a pris conscience de ce pouvoir à l’âge de 10 ans, lorsque son père a fait une dépression.
« C’est arrivé à une vitesse folle, et je ne sais pas pourquoi mais j’ai été celle qui est restée à ses côtés, qui l’a aidé à avancer.
Je me souviens précisément d’un jour où on est allés acheter un DVD, juste pour le sortir de la maison. Et sur le chemin j’ai pris sa main, j’ai dit « t’inquiète pas, tout va bien se passer ».
Depuis j’ai toujours eu le bien-être des gens à coeur.
Au départ, je ne pensais pas en faire un métier parce que je me disais que c’était différent de le faire pour des proches, mais finalement ma mère m’a convaincue d’essayer et elle a eu raison ! Je ne me vois pas faire autre chose. »
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Avant de se lancer pleinement dans une carrière d’infirmière, Jessica a décidé de vivre cette expérience d’engagement auprès des étudiants.
Une enquête sur le consentement réalisée à la Queen’s University de Belfast
Son principal cheval de bataille, durant ses deux années au service des élèves, a été le consentement sexuel.
« Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai réalisé à quel point les relations sexuelles non consenties étaient répandues.
Je n’en avais pas conscience avant, mais là certaines personnes venaient se confier à moi, j’ai découvert que c’était un sujet sur lequel il fallait absolument travailler. »
Elle découvre que des enquêtes sur le consentement ont été menées en 2013 et 2014.
« Mais le panel de ce qui était censé être un sondage sur le Royaume-Uni avait interrogé très peu de personnes en Irlande du Nord.
Ce n’était pas représentatif de notre situation, on n’avait aucune donnée. Alors six étudiants et étudiantes formidables ont commencé à travailler sur le sujet, avec le Student Consent Research Collaboration.
Ils et elles ont créé une enquête qui visait les étudiant·es de la Queen’s University et même si ça a été long d’obtenir l’accord de l’administration, jusqu’à présent c’est la plus grosse et la plus complète sur ce thème : 3067 personnes y ont participé. »
« Consent is bae », une campagne importante
Presque 6% des personnes sondées ont affirmé avoir subi « au moins une agression sexuelle incluant une pénétration ». Parmi ces dernières, les ¾ disaient connaître leur agresseur.
Jessica n’a pas chômé et pour faire baisser ces chiffres, elle a lancé une grande campagne qu’elle a intitulée Consent is bae.
Un nom qui joue sur deux plans : « bae » est un acronyme pour « before anything else », c’est à dire « avant toute chose », mais c’est aussi une expression pour désigner un crush, copain, partenaire, sa moitié…
Dans l’université, on peut voir des affiches qui rappellent l’importance du consentement et indiquent des lignes téléphoniques dédiées.
« La campagne est très centrée sur les victimes ou victimes potentielles, pour leur fournir du soutien, une orientation, pour répondre aux questions… le tout sans culpabiliser.
L’idée est qu’elles puissent être appuyées par d’autres que par la police qui les interroge encore trop régulièrement de manière inadéquates sur leur tenue, leur état d’ébriété. »
Jessica se réjouit en particulier d’avoir pu travailler en collaboration avec de très nombreuses associations de soutien aux victimes.
Des ateliers autour du consentement
Cette campagne incluait aussi des ateliers autour du consentement, proposés à tous et toutes.
« On donne à chaque personne qui emménage dans une résidence sur le campus un rendez-vous pour une session.
J’ai fait en sorte que ce soit formulé de façon à ce que l’on comprenne qu’il est plus que recommandé d’y aller, comme si c’était obligatoire, même si ça ne l’est pas vraiment.
Beaucoup de gens sont venus, on a eu 400 personnes en tout. On réfléchit à l’imposer, mais ce serait un peu contradictoire avec le message lié au consentement donc on n’a pas encore décidé. »
Jessica a observé pendant ces séances que la plupart des gens étaient très conscients de ce qu’est le consentement :
« Lorsqu’ils arrivent, ils ont tendance à dire qu’ils ne savent rien du sujet.
Si on leur fait estimer la proportion de ceux et celles qui répondent « oui » à la question « est-ce que vous pensez que le consentement devrait être donné avant n’importe quelle activité de nature sexuelle ? » dans leur groupe, ils parient sur moins de 50%.
En réalité, en moyenne, c’est 89% ! Et ils sont une majorité à dire que le consentement doit être « verbal, enthousiaste, donné sans contrainte, manifeste… ».
L’idée est donc surtout de faire en sorte qu’ils soient plus confiants et plus à l’aise avec la notion car ça peut tout changer, mais les bases, la majorité des gens les ont. »
Un engagement pour la vie ?
Aujourd’hui Jessica s’apprête à quitter son poste, mais elle emmène avec elle tout ce qu’elle y a appris.
« L’air de rien, aujourd’hui en Irlande du Nord je suis en quelque sorte l’experte sur cette thématique.
Je veux recommencer à être une infirmière, une vraie.
Mais je pense que désormais, j’ai cette envie de travailler dans des pôles de santé dédiés aux victimes, ou même simplement de former d’autres infirmières et médecins à l’accueil de victimes.
Il y a encore beaucoup de travail à faire, si tant est qu’on débloque des fonds. »
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