Artiste conceptuelle, contemporaine de Barbara Kruger, Jenny Holzer travaille également autour du « message », de son écriture, et de sa transmission… Mais que se cache-t-il derrière ces panneaux lumineux ?
Jenny Holzer est née en 1950 dans l’Ohio, elle commence à étudier la peinture, le dessin et l’imprimerie à la Duke University, à l’université de Chicago, à l’université de l’Ohio… Et passe sept ans à la Rhode Island School of Design. Dès 1977, son attention se porte sur l’écriture et l’importance du langage.
Elle a obtenu le Lion d’Or du meilleur pavillon lors de la Biennale de Venise de 1990, c’était d’ailleurs la première femme à représenter seule, l’Amérique, à la Biennale de Venise, et aussi la première femme à remporter le Lion d’Or.
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« Truisms » 1977-1979
Panneaux Lumineux, Times Square, New York, 1982
Texte : « Truisms »
Jenny Holzer commence à travailler dans l’espace public, tout d’abord en apposant des affichettes sur les murs de Manhattan (en 1978/79, avec sa série Truisms). Ses premiers travaux s’axent sur les stéréotypes, plus précisément sur les truismes : des bribes de phrases toutes faites : « C’est héroïque que d’essayer d’arrêter le temps », « Exprimer la colère est nécessaire », « il est important de garder les mains propres », « le bonheur est plus important qu’autre chose »… Elle part du principe que ces phrases, considérées comme « faisant partie du bon sens », sont surtout le résultat d’une pensée totalement formatée.
A première vue, le slogan est donc ambigu, puisqu’il pourrait tout à fait s’accorder aux messages publicitaires qui l’entourent, et déstabilise donc celui qui le croise au détour d’une rue, entre deux panneaux d’affichage publicitaire : en mettant ces truismes dans l’espace urbain, Jenny Holzer entend mettre en valeur le type de message présent dans l’espace publique : ordres, sentences, prescriptions, conseils…
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« Truisms » 1977-1979
Panneau Lumineux. Times Square, New York, 1986
Texte : « Survival » (1983-85)
Ses textes ont des thèmes différents : la maternité (Mother and Child , 1990), la mort (Laments, 1987/89, avec des textes écrits via des LED sur des sarcophages, au même moment où l’épidémie de Sida fait des ravages. ), le sexe, la guerre (War en 1992/93 et Lustmord en 1993/95) ), la vie quotidienne (Living, en 1980/82, dont les supports reprennent la communication commerciale, civique :plaques de bronze d’aluminium…). Tous prennent la forme de proverbe ou de récits.
Les Inflammatory Essays (1979-1982) reprennent des stéréotypes de la contestation et de la subversion : une fois juxtaposés, les textes mettent en valeur des contradictions, mais invitent aussi à réfléchir sur la condition humaine. Pour écrire ces textes elle utilise ses lectures de Rosa Luxembourg, Lénine, Mao Tsé-Toung, Trotsky…
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« Inflammatory Essays » 1979-1982
Affiches Offset. Installation à Barcelone.
Textes : « Inflammatory Essays » (1979-1982)
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Projet pour « Süddeutsche Zeitung Magazin », Edition No.46- 1993
Texte : « Lustmord » (1993-1995)
C’est avec Survival (1983/85) qu’elle commence à utiliser les panneaux lumineux aux messages déroulants, qu’elle utilisera ensuite comme support pour la plupart de ses textes, et c’est avec Under a Rock (1985/86) que ses textes sont gravés dans des bancs en marbre.
Ces deux dernières décennies, Jenny Holzer a aussi travaillé sur des projections monumentales de ses textes, dans les villes de Berlin, Venise, Oslo, Londres, Rio de Janeiro…
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« Xenon for Berlin » – 2001
Projectio. Berlin, Allemagne
Textes : « Laments » (1989) et « Erlauf » (1995)
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« Xenon for Rio de Janeiro » – 1999
Projection. Rio de Janeiro, Bresil.
Textes : « Truisms » (1977-79), « Survival » (1983-85), et « Arno » (1996)
« I hope that my work is usefull »
C’est une artiste influencée par l’art minimal et l’art conceptuel, par les constructivistes comme Tatlin et Rodtchenko, qui pensaient que l’art devait avoir une fonction « utile » ; pour elle, l’Art doit être dans l’espace publique, mais aussi utiliser les moyens de communications les plus « visibles », pour être reçu par le plus grand nombre : elle est aussi influencée par le pop art et Andy Warhol.
Ses influences peuvent aussi se trouver du côté littéraire : Le dictionnaire des idées reçues, de Flaubert, l’écriture féminine, les textes maoïstes, la littérature de John Birch, les livres d’Emma Goldman…
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« Benches » – 1989
Installation
« Il n’y a pas de raison de dormir recroquevillé et penché, ce n’est pas confortable. Ce n’est pas bon pour vous et ça ne vous protège pas du danger.
Si vous avez peur d’être attaqué, vous devez rester éveillé ou dormir légèrement avec les membres déployés prêts à l’action. »
(Eating Through Living, 1981, réalisé avec Peter Nadin)
En 1998, Jenny Holzer laisse l’espace public pour celui de la galerie, avec une installation nommée Blue, qui demande une attention lente, presque de l’ordre du recueillement, à la différence de ses précédents travaux, qui s’inscrivaient dans l’espace urbain : déambulation rapide, attention partielle, surplus d’images, de messages… Avec Blue, le spectateur « se pose » : la pièce est composée de bancs en marbre sur lesquels sont gravés les textes Living (textes plus axés sur la vie quotidienne.), le tout baigne dans la pénombre, seuls quelques halos de lumière viennent éclairer ponctuellement les textes gravés. A cela s’ajoute trois colonnes de diodes bleutées (Arno, Erlauf et Blue) où défilent des textes. A côté, on retrouve des textes manuscrits, encadrés au mur.
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Erlauf (1995) et Blue (1998)
Pour aller plus loin…
– Il y a quelques mois, une exposition a eu lieu dans les rues de Los Angeles : « Women In The City » regroupait les travaux de Barbara Kruger, Jenny Holzer, Louise Lawler et Cindy Sherman (dont nous parlerons prochainement, promis.)
– En 2005, le livre Jenny Holzer, The Power of Words est paru. Les textes sont en en Anglais, et le livre est accompagné d’un DVD.
– L’intégralité des textes Truisms et Survival est disponible en cliquant ici.
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Les Commentaires
Pour ce type d'art, il faut, à mon avis, changer notre vision de chose pour pouvoir appréhender le travail. On a tendance à le trouver simple l'on "pourrait faire la même chose", cependant, "on pourrait faire la même chose" (ou pas.) parce que "l'idée" nous a déjà été prémâchée par l'artiste.
Et c'est justement dans cette "idée" qu'il faut chercher la réflexion, le travail, l'intelligence... Un travail aussi en phase avec son contexte a pu être réalisé grâce au fait que l'artiste a réalisé une fine étude de la société qui l'entoure, des comportements des gens qui l'entourent... Je ne sais pas vraiment comment expliquer, mais dans ces travaux, je trouve que l'artiste endosse aussi le rôle de "sociologue" / "d'ethnologue", ce qui sous entend un long travail d'observation, d'étude, de comparaisons, bref essayer de comprendre "comment le monde tourne" (je simplifie à fond là :redface.
Et dans le cas présent, l'artiste est aussi "écrivain". ça fait déjà beaucoup de rôles pour une seule personne
Et puis, pour les textes "empruntés" au quotidien, je trouve que c'est déjà un sacré travail de savoir faire des "arrêts sur image" pour apercevoir ces bribes de phrases et les extraire de notre quotidien, il faut beaucoup d'attentions pour déceler tout ça dans la vie "de tous les jours". Ensuite tu as tout un travail d'archive, de classement, d'agencement... Le poids de ses installations tient aussi au fait qu'elle a su agencer ses textes de telle manière à ce que la somme de tous ces petits textes rendent quelque chose d'encore plus touchant...
Et ça, c'est un sacré boulot qui est loin d'être simple... Cela fait deux ans que je travaille autour de ça : il m'a fallu deux ans pour réaliser 14 affiches. Et encore, certaines ne sont pas à leurs formes "définitives". Au début je pensais que ce travail me prendrait quelques semaines tout au plus, mais on se rend vite compte que c'est loin d'être aussi simple que de juxtaposer quelques trucs au hasard...
Bon et puis il y a aussi toute la réflexion autour de l'installation qui est là... Les néons, comme les bancs sont loin d'être des formes anodines et sont aussi le fruit d'une réflexion autour de l'espace urbain
... ahah, c'est malin, la bibliothèque de mon école me manque maintenant