Pour que ses lectrices n’aient pas à aller le voir si elles ne le souhaitent pas, Madmoizelle a vu Jeanne du Barry de Maïwenn, en se donnant pour mission d’être le plus objective possible – tout en ayant conscience à chaque instant d’être face à un film dont la réalisatrice se moque des féministes et des victimes de violence sexistes et sexuelles.
Malgré toute la bonne volonté déployée pour voir et analyser le long-métrage avec la même méthode et exigence que n’importe quel film, le constat est sans appel : le film de Maiwenn est médiocre. On vous explique pourquoi.
Un personnage censé être anticonformiste, mais un film incroyablement classique et fade
Avec Jeanne du Barry, l’ambition affichée par Maïwenn pourrait être résumée en deux phrases : choquer, sans jamais être subversif. Essayer de provoquer, et toujours tomber à côté de la plaque.
Sur le papier, le film tente de développer un personnage censé être profondément émancipé, qui brise les codes présentés comme futiles de la bienséance et des conventions au XVIIIᵉ siècle. Mais, dans les faits, le film consiste surtout en une succession de scènes qui n’apparaissent que comme des prétextes pour filmer Maïwenn. Maïwenn court et rit les cheveux lâchés parce que Maïwenn est fougueuse et libre. Maïwenn lit un livre parce qu’elle préfère la curiosité aux commérages malveillants de la cour… À tel point que l’on a plus souvent l’impression d’être devant une publicité de parfum que devant un film sur une femme questionnant les normes d’un milieu social et d’une époque.
Le problème de ce choix est aussi que tout le reste du film apparait comme un décor en papier mâché à l’importance négligeable. Le scénario est prévisible et transforme le fait de ne pas bâiller ou piquer du nez en un véritable défi. Les autres personnages – y compris le roi, dont on nous a tant rebattu les oreilles pour qu’on le trouve hypnotique et scandaleux – sont souvent relégués dans le hors-champ et peinent à exister. À ce titre, les pires personnages du film sont sans doute ses trois filles. Présentées comme laides, médisantes et stupides par rapport à une Jeanne du Barry censée être solaire, elles donnent l’impression que devant le film, on est moins devant un Marie-Antoinette de Sofia Coppola que devant un sous-Cendrillon et son lot de belles-sœurs vilaines.
Malgré tous les efforts de la production pour investir le château de Versailles comme lieu de tournage, de faire porter de très belles robes à Maïwenn et de ponctuer chaque séquence d’une musique baroque qui ne s’arrête jamais, impossible de croire à l’ensemble. On a toujours l’impression d’être face à une reconstitution de l’époque complètement désincarnée.
Le film échoue en voulant s’élever au rang des plus grands, Marie-Antoinette ou Barry Lyndon
Le manque d’intérêt pour l’époque représentée ou pour le scénario se double de la volonté affichée de s’élever au rang des plus grands cinéastes de films historiques. On pense, de nouveau, à Sofia Coppola avec Marie-Antoinette ou encore à Stanley Kubrick avec Barry Lyndon. Dans les deux cas, l’échec est aussi cuisant que la tentative de se présenter comme l’héritage de ces films est explicite.
Jeanne du Barry compte de nombreuses scènes qui semblent être éclairées à la bougie, pour reprendre le concept qui a fait du film de Kubrick le chef-d’œuvre que l’on connait. Malheureusement, le dispositif est un fiasco et l’on ne compte plus le nombre de scènes dans lesquelles on ne voit strictement rien. L’image est spectaculairement terne, grise, mal éclairée.
Choisir un acteur scandaleux pour s’ériger en réalisatrice subversive ne rend pas un film intéressant
À ce titre, le moment où Jeanne et le roi se rencontrent seule à seul pour la première fois est particulièrement lourd de sens. Alors que la séquence est l’une des plus lourdes d’enjeux au sein du film, qu’elle est censée marquer le moment où se noue une relation spéciale et complice entre eux, c’est à peine si l’on distingue le visage de Johnny Depp. L’acteur est cloué sur son fauteuil, baragouine des mots français qu’il semble avoir appris phonétiquement, tandis que, de nouveau, l’essentiel des plans se concentrent sur Jeanne, qui marche, détache ses cheveux, touche une statue avec sensualité.
La réalisation comme le jeu de l’actrice semblent finalement se désintéresser complètement de Johnny Depp ou de la relation entre Jeanne et Louis XV : ce qui compte, c’est que Maiwenn est en train de réaliser « un film et une performance qui marqueront l’histoire du cinéma ».
En définitive, Jeanne du Barry est si faible, sans éclat et désincarné que tout porte à croire que la réalisatrice a dû fouiller dans l’actualité polémique brûlante pour lui donner une identité.
Sans le « scandale » Depp/Heard, il est plus que probable que le film aurait été oublié au bout d’une semaine.
Comme Jeanne à la cour, Maïwenn cherche à faire scandale.
Or, il y a une différence entre un personnage qui bouscule une société bourgeoise du XVIIIᵉ siècle, et une réalisatrice qui crache au visage des victimes de violences sexistes et sexuelles en 2023.
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Pour le jeune Louis