Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects… féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière (en couple ou solo) et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Jeanne qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Jeanne
- Âge : 45 ans
- Métier : Fonctionnaire titulaire dans une université depuis 8 ans
- Revenu mensuel : 2606€ entre son salaire, les allocations familiales et la pension alimentaire que lui verse son ex-conjoint
- Famille : Elle et ses deux enfants de 11 et 7 ans, qui vivent principalement avec elle
- Lieu de vie : Une maison dans une ville moyenne, dont elle est propriétaire
Les revenus de Jeanne
Fonctionnaire depuis 8 ans, Jeanne touche un salaire mensuel de 2174€ net par mois. Cette documentaliste de formation a vu son poste évoluer vers l’administration des sites Web et le graphisme. Elle change d’échelon tous les deux ans, pour voir son salaire évoluer d’une cinquantaine d’euros nets par mois.
Avec ce salaire, elle s’estime plutôt privilégiée. Elle explique :
« Je pense que je gagne correctement ma vie puisque j’ai pu acquérir une maison, que je ne suis jamais dans le rouge, que mes enfants ne manquent de rien et qu’on est heureux.
Par contre, si je me compare (ce qui est très mauvais, il vaut mieux ne jamais se comparer) à d’autres personnes exerçant les mêmes fonctions que moi dans le privé… là, je me rends compte que je ne suis pas si bien payée que ça ! »
En plus de ce salaire, elle touche 132€ par mois d’allocations familiales pour ses deux enfants, ainsi qu’une pension alimentaire que lui verse son ex-conjoint à hauteur de 300€ par mois.
Le rapport à l’argent de Jeanne
Quand on l’interroge sur son rapport à l’argent, Jeanne explique être plutôt du genre fourmi. En effet, elle n’est jamais à découvert et surtout, elle essaie de ne jamais contracter de crédit :
« Je préfère économiser et acheter ce qui me fait envie une fois que j’ai la somme. Mis à part le crédit de ma maison, les seules dettes que j’ai contractées dans ma vie sont un crédit 0% pour acheter une voiture et un crédit 0% pour acheter un beau canapé : ce ne sont pas vraiment des crédits, plutôt des paiements mensualisés.
Je fais aussi en sorte d’avoir toujours un peu d’argent de côté disponible en cas de panne d’un appareil électroménager, par exemple ou pour des dépenses d’entretien de ma maison. »
Une gestion financière qu’elle tient de sa mère, qui lui a enseigné à ne jamais dépenser plus que ce qu’elle gagnait, ainsi qu’un système de prévision de ses dépenses fixes à l’année :
« Je provisionne tout ce qu’il faut pour couvrir les dépenses annualisées ou même bimensuelles (mutuelle, assurance, impôt foncier, eau, gaz…). J’additionne tous ces postes de dépenses, les divise par douze et chaque mois, je vire la somme sur mon livret A.
Dès qu’une facture tombe, cela me permet de pouvoir la payer quoi qu’il arrive. Et puis, en bonne fourmi, j’évalue toujours une somme un peu plus élevée pour chaque poste pour prévoir d’éventuelles augmentations… et à la fin de l’année, je vois le petit bonus que j’ai ! »
« Le rapport à l’argent a joué dans notre séparation »
Si ce n’en est pas la raison principale, cette conception de l’argent a joué un rôle dans séparation de Jeanne et de son ex-conjoint. En effet, il a un rapport à l’argent très éloigné de celui de sa compagne d’alors. Elle explique.
« Mon ex avait de grosses dépenses de loisir et ne me consultait pas avant de les faire. Quand je l’ai rencontré, il possédait une carte Aurore alors que moi j’avais mis de côté quasiment l’intégralité de mes étrennes depuis mon plus jeune âge !
Il a réussi à comprendre l’intérêt d’en finir avec ce crédit onéreux et de mettre de l’argent de côté, mais en fait, c’était surtout moi qui essayais d’économiser. Il n’hésitait pas à changer de voiture régulièrement, par exemple, alors que ma priorité était de mettre de côté pour l’entretien de notre maison. »
Les dépenses de Jeanne et sa famille
Le poste de dépenses le plus élevé de Jeanne est le remboursement de son prêt immobilier, pour une maison jumelée de 100 mètres carrés achetée en commun avec son ex-conjoint ; elle y vit aujourd’hui seule avec ses enfants, et rembourse donc les deux parts du crédit. Pour cela, elle dépense 765€ par mois.
Viennent ensuite ses courses alimentaires, pour la somme de 171€ par mois. Un montant relativement peu élevé pour une famille de trois personnes, qui vient du fait que Jeanne prépare la plupart de ses produits elle-même ! Ses courses principales se font dans un drive zéro déchet bio et local.
« Je fais mes yaourts et yaourts à boire, des pains au lait pour le petit déjeuner, et des goûters pour les enfants. Je cuisine principalement pour les repas du soir, et j’emmène une gamelle au travail pour mon déjeuner.
Une fois par semaine, je fais du batchcooking : je cuisine tous les repas des sept jours à venir. Cela me permet de n’acheter que ce dont j’ai besoin pour les plats de la semaine, et m’évite de jeter des aliments qui seraient périmés. En plus, j’ai du temps le soir pour les enfants et leurs devoirs, notamment. »
Le sens des économies
Le troisième poste fixe de dépenses de Jeanne se trouve dans les factures courantes : 155€ par mois
pour l’eau, le gaz et l’électricité. Pour avoir une offre d’électricité et de gaz au meilleur prix, elle participe à une opération intéressante : Énergie moins chère ensemble d’UFC Que Choisir.
« Je participe tous les deux ans à l’opération Énergie moins chère ensemble de l’UFC Que Choisir. C’est un principe de groupement d’achats : nous sommes très nombreux et l’UFC négocie pour nous une offre intéressante. Depuis l’année dernière, ils proposent même le choix entre un fournisseur classique et un fournisseur local. »
Un concept avantageux, d’autant plus qu’elle confie avoir envie de réduire ses factures de chauffage… Mais qu’en grande frileuse, il lui est difficile de ne pas dépasser 19 degrés l’hiver !
Elle dépense aussi 126€ dans les frais de cantine et de périscolaire pour ses deux enfants, et 128€ d’impôts. À cela s’ajoutent 25€ d’essence mensuels pour sa voiture, qu’elle utilise en rationalisant ses trajets : elle alterne avec le vélo, quand sa forme et le temps sont au beau fixe, ou la marche.
Les loisirs de Jeanne et ses enfants
Côté loisirs, Jeanne dépense 50€ mensuels pour les cours d’escalade de ses enfants, et 20€ pour des abonnements à des magazines pour toute la famille. Ils ont aussi tendance à privilégier les loisirs peu coûteux :
« Nous faisons pas mal de promenades en nature, de visites dans les musées qui sont gratuits dans notre ville… Et nous sommes abonnés à la médiathèque-ludothèque de notre commune (18€ par an pour nous trois : imbattable !) — nous lisons beaucoup, empruntons quelques DVD pour des soirées-ciné et des jeux de société qu’on n’achèterait pas autrement. »
Pour les vêtements, le budget qu’elle prévoit est relativement faible et elle a du mal à l’évaluer :
« Je n’achète plus de vêtements neufs depuis un moment : Vinted et Le Bon Coin sont mes amis ! Et je n’achète pas tous les mois, loin de là. À titre d’exemple, entre le mois dernier et ce mois-ci, j’ai racheté une garde-robe pour ma fille qui change de taille, des chaussures d’été pour mon fils et quelques vêtements pour moi. J’en ai eu pour 101,79€. »
Une épargne rigoureuse
Une fois ces dépenses fixes effectuées, Jeanne économise ce qu’elle n’a pas dépensé de son salaire sur un livret développement durable. Cette somme s’élève au minimum à 100€, et a même atteint 400€ pendant le confinement.
Elle place aussi 45€ sur un plan d’épargne au logement, et 30€ sur un plan d’épargne retraite. Pour ses enfants, elle a ouvert un livret A et un PEL, sur lesquels elle place en tout 100€ par mois.
Au minimum, ses économies mensuelles s’élèvent donc à environ 275€, et varient selon les périodes.
Et les « craquages » ?
En relisant ses réponses, Jeanne confie :
« Je crois que je donne l’impression d’une nonne qui ne prend pas de plaisirs dans la vie, alors que pas du tout ! Par exemple, ne pas m’acheter de vêtements chaque mois n’est en rien une privation pour moi. Et acheter de seconde main ne signe pas pour moi le fait que je sois “pauvre” mais plutôt que je souhaite éviter le gaspillage et la fabrication à outrance de biens de consommation. »
Elle n’hésite pourtant pas à se faire plaisir sur certains objets, en prenant toujours soin de réfléchir ses achats.
« J’ai un petit “défaut” : j’ai des goûts de luxe. Montrez-moi deux paires de chaussures sans leur prix, ma préférence ira toujours vers la plus chère ! J’aime ce qui est beau et de bonne qualité : je préfère avoir un seul sac à main, mais durable.
J’essaie aussi le plus possible d’éviter que mes achats aient fait trois fois le tour de la planète, et du coup c’est plus cher. Je viens d’acheter un salon de jardin de fabrication française, et forcément, ce n’est pas le même coût que du made in China… »
Merci à Jeanne d’avoir accepté de répondre à nos questions !
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