Jean-Frédéric Poisson est le président du parti Chrétien-Démocrate depuis 2013, à la tête duquel il a succédé à Christine Boutin. Ce parti, pour mémoire, tient des positions très conservatrices sur les sujets sociétaux, notamment : opposition au mariage pour tous, soutien à la « famille traditionnelle » (ou comment dire autrement sa désapprobation des familles homoparentales…)
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Il est aussi le candidat de son parti à la primaire de la droite et du centre, les dimanche 20 et 27 novembre, en lice contre les 6 autres candidat•es. Mais mercredi 16 novembre, Jean Frédéric Poisson était colère sur France 3.
Le candidat s’est rendu sur un plateau télé, pour reprocher aux médias en général de ne pas lui donner suffisamment la parole par rapport à ses concurrent•es. Il a donc refusé de répondre aux questions, puis a quitté le plateau pour dénoncer cet état de fait — ce que l’on peut trouver un peu paradoxal, mais admettons. C’est vrai qu’il a peut-être été moins invité que les autres.
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Écoutons un peu Jean-Frédéric Poisson…
Alors puisque c’est important pour la démocratie, laissons-le s’exprimer, engageons le débat. Jean-Frédéric Poisson veut la parole, et lorsqu’il l’a, voici entre autre ce qu’il en fait.
Ce n’est pas sa seule proposition puisqu’il en fait d‘autres concernant l’immigration, le rétablissement du service militaire, etc. Mais celle-ci retient particulièrement mon attention. Jean-Frédéric Poisson propose de faire de la réduction du nombre d’avortements un objectif de santé publique.
On n’avorte pas par plaisir
Dans cet extrait pourtant très court, plusieurs éléments m’interpellent. À commencer par sa façon de considérer un embryon comme une personne à part entière, mais je vais plutôt me concentrer sur son comportement, et sur sa proposition.
D’une part, sa position au sujet du droit à l’avortement est clair, mais son discours beaucoup moins. Oui, il est opposé « à cette idée, de voir supprimer une vie humaine ». Il souhaite visiblement mettre fin à cette pratique, mais semble hésiter à affirmer vouloir revenir sur ce droit, conscient peut-être qu’une telle proposition susciterait l’ire des Françaises, comme en Pologne.
Son avis sur la question ne laissait que très peu de part au doute, puisqu’il faisait déjà partie des députés ayant défendu une position anti-choix en 2014.
Venons-en cependant au fond de sa proposition, et à ce qui est annoncé dans son programme :
« La baisse du nombre d’avortements devient un objectif de santé publique. L’aide aux centres d’accompagnement à la grossesse est renforcée. »
Culpabiliser les femmes qui ont recours à l’avortement est improductif.
Première chose à préciser : est-il vraiment pertinent de diaboliser l’IVG ? C’est un acte médical, pas des plus agréables si on se fie aux témoignages de celles qui sont passées par là. On ne va pas subir un avortement, comme on ne va pas subir une coloscopie, par caprice ou plaisir. On y va par nécessité. La culpabilisation des femmes qui y ont recours est malsaine et improductive — si ce n’est à créer chez elles un sentiment de remord, lui même parfois utilisé comme un argument par les anti-choix contre l’avortement. C’est contradictoire, et cela crée un vrai cercle vicieux.
Une (vraie) solution : l’éducation sexuelle ?
Ensuite, si vraiment on veut en faire un objectif de santé publique, quels leviers pourraient être activés ? Le programme cite uniquement l’augmentation de moyens aux centres d’accompagnement à la grossesse. Mais cela revient à prendre le problème à l’envers, et à ignorer la source : si on veut réduire le nombres d’IVG, il serait plus pertinent de chercher à réduire le nombre de grossesses non désirées, plutôt que d’inciter les femmes à les poursuivre.
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Si l’on veut réduire le nombre d’avortement, il faut se pencher sur la source du problème : l’éducation sexuelle.
Si on veut éviter les avortements, la meilleure solution ne serait-elle donc pas d’éduquer et de sensibiliser à la contraception, et ce dès le plus jeune âge ? Or, cette proposition est-elle présente dans le projet présidentiel de Poisson ? Non.
D’ailleurs, je cherche encore dans les programmes des candidats à cette primaire en général un pan sur l’éducation sexuelle — d’autant plus important quand je constate que les moyens attribués au planning familial, dont c’est l’une des missions, sont réduits dans certaines régions à l’image de celle de M. Wauquiez.
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Rappelons aussi de Jean-François Copé qui, parmi d’autres, avait été scandalisé par un livre pour enfant traitant de la nudité : symptomatique du malaise de certains candidats de droite avec l’éducation sexuelle ?
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Peut-être serait-il intéressant donc, avant de vouloir priver les femmes d’un droit fondamental, de se pencher sur les manières de leur éviter d’avoir recours à ce droit — S’il fallait vraiment se pencher sur cette question en particulier…
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