« Rien d’inattendu ne s’est produit. Chacun comprenait que Poutine s’organiserait une victoire au premier tour et se déclarerait président ». Ce sont les paroles d’Alexeï Navalny, un des leaders de la coalition d’opposition. À l’antenne de la radio Echo de Moscou, il a prédit la poursuite de la protestation : « la protestation pacifique va se poursuivre […], je suis sûr qu’elle aboutira dans un avenir plus ou moins proche à la chute du régime de Poutine tel que nous le connaissons ».
Revenons sur ce premier tour des élections présidentielles russes à l’heure où, à Moscou, la contestation s’organise déjà.
Les faits
Les résultats sont presque définitifs ce matin : après dépouillement de 98,47% des bureaux de vote, l’ex-agent du KGB déjà président de 2000 à 2008, regagne son siège avec 63,9% des voix.
Le communiste Guennadi Ziouganov obtient 17,18% des voix, le libéral Mikhaïl Prokhorov 7,7%, le populiste Vladimir Jirinovski 6,24% et le centriste Sergueï Mironov 3,84%, selon ces chiffres, avec une participation de 64%.
Poutine revendique sa victoire
Dimanche, devant plus de 100.000 personnes réunies au pied du Kremlin, Vladimir Poutine a félicité ses concitoyens d’avoir fait le choix de « la grande Russie ».
« Nous avons gagné dans une lutte ouverte et honnête », a-t-il lancé, la larme à l’oeil. Cette dernière était-elle due à l’émotion ou au vent qui soufflait alors sur Moscou ? « C’était une vraie larme, mais due au vent », affirme M. Poutine interrogé un peu plus tard à ce sujet. Et cette anecdote de faire sourire les militants, tandis que d’autres avouent avoir été forcés à participer à la manifestation.
« On ne soutient pas (Poutine). On a été forcés à venir ici par nos chefs (au travail), on a notre travail et on ne veut pas le perdre », explique un groupe de quatre ou cinq hommes d’une trentaine d’années, écharpes ou bandeaux noirs sur le visage pour ne pas être reconnus, rapporte La Dépêche.
La contestation
Pendant ce temps-là, l’opposition communiste et libérale a dénoncé un scrutin faussé. De multiples fraudes ont été commises, en témoigne notamment cet enregistrement webcam d’un bourrage d’urnes dans un bureau de vote au Daguestan (Caucase russe).
Si la commission électorale centrale a promis d’annuler le résultat dans ce bureau, reste que selon l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), un tiers des bureaux de vote sont concernés par les fraudes. Après avoir déployé plus de 200 observateurs hier dans toute la Russie, l’OSCE a qualifié ce matin l’élection russe d’ « insincère » : « Les candidats n’étaient pas traités sur un pied d’égalité ».
Partout sur le web russe, les vidéos de fraude font leur petit bonhomme de chemin.
Selon l’AFP, le site control2012.ru, mis en place pour comptabiliser les infractions, avait recensé dans la nuit de dimanche 5 758 cas. Ce site recensait notamment 131 cas de bourrage d’urnes et 327 cas de «transport massif d’électeurs
», une technique qui permet à un groupe de voter plusieurs fois dans différents bureaux grâce à des autorisations frauduleuses.
Vladimir Poutine avait affirmé régler le problème en ordonnant l’installation de 180.000 webcams (deux par bureau de vote) pour que chacun puisse suivre le déroulement de l’élection en direct sur internet. Mais le système était loin de permettre de réellement surveiller le scrutin, selon les observations faites dimanche, toujours par l’AFP.
Contexte électoral
Porté au pouvoir en 2000, Poutine s’était donné pour objectif de rétablir le fonctionnement de l’État et de l’économie par le biais d’un régime présidentiel fort. L’homme devient alors très populaire dans le pays en tentant de redonner à la Russie un rôle de premier plan sur la scène internationale.
Son successeur, Dmitri Medvedev élu en mars 2008, est connu pour être plus libéral, bien que se situant dans la continuité de la politique générale de Poutine, qu’il a d’ailleurs élu président du gouvernement.
En décembre dernier, au lendemain d’une manifestation sans précédent depuis 12 ans, Gorbatchev, le dernier dirigeant soviétique, avait conseillé à Poutine de tirer sa révérence :
« Je conseillerais à Vladimir Vladimirovitch (Poutine) de partir maintenant. Il a déjà fait trois mandats : deux en tant que président (2000-2008), un en tant que Premier ministre – trois mandats, ça suffit » a déclaré le père de la perestroïka à la radio Echo de Moscou.
http://www.youtube.com/watch?v=xMuQPf6_yNg
Réactions de la presse nationale
« Vladimir Poutine a remporté la présidentielle avec un bon écart », mais le pouvoir « n’a pas réussi à augmenter sa légitimité » mise à mal par le mouvement de contestation de ces derniers mois, écrit le quotidien économique Vedomosti (article en russe).
Pour le journal d’opposition Novaïa Gazeta (article en russe), « la récréation est finie ». « On peut tenir les élections, mais on ne peut pas tromper le peuple », écrit aussi ce journal. « L’élection a été menée selon un procédé qui n’assure pas la légitimité du vainqueur », souligne le chroniqueur du journal, Kirill Rogov.
Le quotidien Novye Izvestia (article en russe) souligne pour sa part que la société civile, qui s’est en partie opposée au retour de Vladimir Poutine au Kremlin, peut aussi « fêter sa victoire », jugeant que l’ex-agent du KGB « devra désormais tenir compte de l’opinion de la minorité ».
« Nous nous sommes réveillés dans un autre pays (…). La société a pour la première fois depuis 2000 forcé le pouvoir à se faire entendre », ajoute le journal.
— Source : www.francetv.fr
Ce que dit l’Elysée
La France « prend note » de la « nette victoire » de Poutine mais promet d’étudier le texte de l’organisation européenne.
Le Quai d’Orsay a fait savoir que le ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé et le président de la République Nicolas Sarkozy s’exprimeront dans quelques heures.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires