Depuis le mois d’avril, le débat sur les OGM s’est réouvert en France. Le procès de faucheurs d’OGM à Toulouse et le passage cahotique de la loi régulant la production de plants transgéniques ont réactualisé et renforcé les positions de chacun.
De quoi est-il question, et pourquoi y a-t-il tant de remue-ménage au sein du gouvernement ? Penchons-nous sur le sujet pour comprendre les tenants et les aboutissants du débat.
Historique et définitions
OGM est l’acronyme d’Organisme Génétiquement Modifié, c’est-à-dire d’organisme dont les gènes ont été modifiés par l’intervention humaine. Le but de cette manipulation est de les rendre plus performants et plus résistants.
C’est dans les années 70 que fut élaboré le premier OGM. D’abord cantonnées aux laboratoires, les plantes transgéniques ont vite dépassé le cadre de la recherche scientifique pour s’inscrire dans notre quotidien. Dès les années 90, les Etats-Unis et le Canada ont autorisé leur commercialisation.
En France, la culture d’OGM est autorisée depuis 1996 dans certaines conditions très strictes. C’est surtout le maïs qui est concerné.
Les arguments pour…
Pour les défenseurs, le recours aux modifications génétiques est un moyen de lutter contre la faim dans le monde. Selon les dirigeants de la firme américaine Monsanto (entreprise qui commercialise 90% des plants OGM dans le monde), le recours aux OGM permet d’augmenter la productivité et ainsi de régler en partie le problème de sous-nutrition des pays en voie de développement.
Par ailleurs, pour les pro-OGM, procéder à l’amélioration des plantes cultivées n’est au final que la suite logique des améliorations techniques que les paysans font depuis que l’agriculture existe.
… et les arguments contre
Mais pour les anti OGM ces arguments sont insuffisants.
D’une part, les OGM font craindre la dépendance de l’agriculture à des industriels possédant les brevets d’exploitation pour les semences génétiquement modifiées (comme l’a mis en avant le récent film intitulé Le Monde selon Monsanto).
D’autre part, c’est la biodiversité (c’est-à-dire l’ensemble du monde vivant) qui serait mise en danger par le recours aux OGM.
Par exemple, certains plants, comme le maïs roudup ready, contiendraient des désherbants dans leurs gènes. L’utilisation de ces plants engendre donc la disparition des mauvaises herbes. Si les mauvaises herbes ne présentent aucun intérêt pour les cultivateurs, elles sont importantes pour l’équilibre écologique. Certains insectes se trouvent menacés de disparition, telles les abeilles qui se nourrissent essentiellement avec ces herbes. Et si l’on pousse la logique plus loin, les oiseaux qui mangent ces insectes sont eux aussi potentiellement menacés. A terme, c’est tout l’équilibre biologique qui se trouve mis en danger.
Aussi, la dissémination des graines génétiquement modifiées vers des cultures traditionnelles biaiserait les labels « garantis sans OGM ».
Enfin, en ce qui concerne l’être humain, les conséquences ne sont pas très claires. La consommation de produits modifiés pourrait engendrer une résistance aux antibiotiques, ou créer des allergies dans la mesure où ils modifieraient le programme génétique de l’organisme.
Finalement, si les OGM posent tant problème, c’est surtout parce qu’on en sait encore trop peu sur leurs éventuels effets nocifs.
La législation française dans tout ça
En France, jusqu’alors, c’est le principe de précaution qui a prévalu en matière d’OGM dans la législation. Le principe de précaution est une disposition philosophique qui veut que « des mesures doivent être prises lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire qu’une activité ou un produit risque de causer des dommages graves et irréversibles à la santé ou à l’environnement ». En matière d’OGM, les connaissances étant encore très floues, les autorités avaient décidé de limiter sa culture.
Ainsi, en mars 2007, le gouvernement Villepin pose enfin les conditions de l’agriculture OGM, en encadrant par décret le contrôle des cultures commerciales et la création d’un registre national recensant et localisant les parcelles semées en OGM. Cette logique est confirmée lors du Grenelle de l’environnement réunissant les anti-OGM et le ministère de l’écologie. Jean-Louis Borloo annonce le gel de l’utilisation en France du maïs transgénique Mon 810. Les anti-OGM remportent leur première victoire.
Ce qui se passe en ce moment
Mais la loi qui est passée au début du mois de mai 2008 remet considérablement en cause cette tradition de recours au principe de précaution dans la législation française. En effet, pour la première fois, toute contrainte de culture est levée, et un délit spécifique a été instauré contre les faucheurs d’OGM.
L’adoption de la loi n’indique pour autant pas une libéralisation totale de l’utilisation des OGM en France. De nombreux garde-fous ont été prévus par le législateur, comme la mise en place d’un Haut Conseil des Biotechnologies censé veiller sur la culture des plants transgéniques.
Par ailleurs, l’impact de la loi est limité par le fait que le seul plant transgénique autorisé à la culture en Europe est le maïs Bt Mon810 de Monsanto, pour lequel la clause de sauvegarde (qui permet d’interdire provisoirement la culture ou la vente d’un organisme génétiquement modifié, en invoquant un risque pour la santé et l’environnement) a été activée en France.
La confusion qui a régné au sein du gouvernement et de la majorité parlementaire lors de l’adoption de la loi illustre bien les tensions qui règne en France concernant les OGM. D’après un sondage menée par l’organisation Green Peace, 72% des français jugent important de pouvoir consommer les produits sans OGM. Et toi, que penses-tu des OGM ? Es-tu favorable à la commercialisation de produits modifiés ? Es-tu prête à consommer des produits avec des OGM ?
Les Commentaires
Je reprends tes idées une par une.
- Concernant les ogm qui empêchent d'utiliser des pesticides, comme les BT. Ok on ne pulvérise plus de pesticides, mais c'est la plante qui en produit.... donc moralité il y a toujours des pesticides dans la plante, et donc l'homme ou l'animal qui consommera cette plante en mangera aussi. Sauf que le pesticide ne sera plus présent en surface mais directement dans la plante....
- Les OGM a but thérapeutiques n'ont pas encore fait la preuve de leur inocuité, si on prend le riz doré par exemple. On l'a manipulé pour qu'il produise de la carotène, mais à cause de cela il ne fabrique plus assez d'autres vitamines (notamment de la E) ! De plus, dans la mesure où il est impossible de garantir que les OGM ne contamineront pas les autres plantations autour, pour moi, il ne faut pas autorisé les essais en plein champ.
- Il ne s'agit pas d'interdire la recherche sur les OGM (elle existe en France depuis 30 ans), mais d'appliquer des principes de précautions plus importants, pour justement contrer Monsanto et ne pas l'imiter.
- Nous n'avons aucun recul concernant la consommation d'OGM, donc nous ne savons pas si c'est mauvais pour l'organisme. Et les scientifiques non plus. Modifier un seul gène peut provoquer des réactions en chaine dont on ne maitrise pas les tenants et les aboutissants. Je prends l'exemple des saumons géants, qui vont bientôt être élevés au Canada, dont on a modifié le gène de croissance. Ils ont la tête déformée ! Pourtant ça ne devrait avoir aucun rapport, mais il y a un lien entre le gène modifié et la forme de la tête. Qui sait quels autres effets à long terme il y aura ? Et ce sans parler du risque de reproduction sauvage dans les rivières qui détruirai les éco-systèmes.
- Je suis bien d'accord quand tu dis que les scientifiques ne sont pas là pour nuire à l'humanité mais que ce sont les compagnies (et notamment l'agroalimentaire) qui pose problème...
- Les OGM font déjà partie de l'industrie médicale. Ce sont des bactéries OGM qui fabriquent de l'insuline pour les diabétiques notamment. Mais ces OGM ne font que fabriquer le médicament, on ne les consomme pas tel que. Et, en tant que médicament, ils subissent des tests bien plus drastiques que l'alimentation. Là encore l'idée n'est pas de stopper toute recherche sur les OGM, mais de prendre son temps pour tester les produits, et rechercher des alternatives à la création d'OGM. Par exemple : au lieu de produire des saumons géants (5 à 6 fois supérieurs à la taille normale), ne vaudrait-il pas mieux que les agences alimentaires des pays industrialisés arrêtent de conseiller à la population de manger du poisson 3 fois par semaine, et de se limiter à 1 fois par semaine ?
- Pour Monsanto, j'ai déjà donné mon opinion sur la question.
Edit : pour celles que ça intérresse, une vidéo d'explication de Christian Vélot, chercheur français spécialisé dans les OGM, que l'on ne peut accuser de partialité donc.