Notre vision occidentale de l’islam tend à faire du monde musulman un ensemble homogène et cohérent. Or, comme le christianisme divisé entre les Eglises catholique, orthodoxe et réformées, l’islam connaît très tôt des scissions liées à des problèmes de succession suite à la mort du prophète Mahomet. Ces divisions, dont l’origine est donc politique, se sont ensuite traduites par des divergences théologiques, qui ont aujourd’hui encore un fort impact sur les équilibres mondiaux et régionaux.
Les trois branches principales de l’islam sont le sunnisme, auquel appartiennent 85% des musulmans, le chiisme, qui représente 10 à 12% de la population islamique, et le kharidjisme (moins de 1%). Bien que les chiites ne constituent que 120 à 140 millions de croyants sur les 1,2 milliards de musulmans, ils représentent une force incontournable sur la scène internationale.
Ainsi que le souligne Alexandre Adler (« L’énigme chiite« , Le Figaro, 10 août 2006) : « Le chiisme est aujourd’hui un véritable casse-tête pour les analystes. Qu’on en juge plutôt : les chiites libanais sont le fer de lance d’une offensive tout à la fois intégriste et panarabe dirigée contre Israël et, expressis verbis, contre les États-Unis. Dans le même temps, les chiites irakiens demeurent la base populaire la plus importante de la présence américaine en Irak. Les chiites du Pakistan, de l’Inde, du golfe Persique et de Turquie (les Alevis) sont au contraire les artisans de la laïcisation de l’islam.«
Le chiisme est véritablement un élément décisif des relations internationales. En effet, 70% de la population de la zone stratégique du Golfe, où se situe les 3/4 des réserves mondiales de pétrole, sont d’obédience chiite. L’Iran, seul pays très majoritairement chiite (plus de 90%), mène une politique extérieure de prosélytisme et de déstabilisation. Enfin, les chiites, par leur statut de minorités dans de nombreux pays du Moyen-Orient, forment un foyer d’explosion toujours sensible. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre le chiisme pour comprendre bon nombre de crises actuelles.
En réalité, la situation du chiisme au sein de l’islam est assez comparable à celle de l’anglicanisme par rapport à la religion catholique : une rupture à l’origine politique a fait émerger une nouvelle religion, se distinguant du sunnisme par des oppositions théologiques fortes. Le chiisme naît en effet d’un conflit de succession.
En 632, lorsqu’il meurt, le Prophète Mahomet était le chef de la Communauté musulmane (l’Oumma), régnant sur un territoire devenu en un siècle un immense empire s’étendant sur toute la péninsule arabe. Mais bien qu’il ait eu neuf femmes légitimes, il ne laisse aucun fils survivant susceptible de lui succéder à la tête des croyants.
Les premiers califes (du terme khalîfa, "le successeur") sont désignés parmi les proches de Mahomet : Abou Bakr, Omar, Uthman puis Ali, cousin et gendre du Prophète. Quatrième calife, ce dernier règne de 656 à 661. Malgré sa forte légitimité, du fait de ses liens étroits avec Mahomet et de ses exploits militaires, son califat est contesté, notamment par la veuve de Mahomet, Aïcha, et par des gouverneurs régionaux souhaitant accéder au pouvoir. Déposé par une révolte, il est assassiné. La Chi’a, le "parti" (d’Ali), défend à partir de là les droits de ses descendants contre les califes officiels.
Le "parti d’Ali", qui constituera ensuite le chiisme, reconnaît Ali comme premier et seul successeur légitime de Mahomet, tandis que les sunnites ne le considère que comme le quatrième calife, ni plus ni moins légitime que les autres. À la mort de l’Imam Ali, les chiites ont reconnu ses fils Hasan puis Hussein comme successeur au Califat. La véritable rupture entre chiisme et sunnisme est marquée par la bataille de Kerbala en 680, où Hussein, le petit-fils de Mahomet et fils d’Ali, est assassiné.
La théologie chiite va développer à partir de cet événement dramatique, célébré chaque année durant l’Achoura, une martyrologie étrangère au sunnisme : auto-flagellation, souffrances auto-infligées,… Le destin tragique d’Hussein provoque une détermination à combattre jusqu’au bout pour un idéal de pouvoir juste et respectueux des principes fondamentaux de l’islam. Le cœur du chiisme est dans ce massacre, d’où le culte des martyrs, symboles de la lutte contre l’injustice.
Ainsi, la scission majeure au sein de l’Islam repose avant tout sur une question politique : une lutte pour le pouvoir, une allégeance à un chef ou à un imam particulier. Or depuis ce schisme, le chiisme reste tout au long de son histoire exclu et minoritaire (excepté sous la protection des Bouyides de 945 à 1055). Cette situation, vécue comme une humiliation politique, devient une caractéristique intériorisée du chiisme, qui est lui confère aujourd’hui encore une charge explosive.
La principale divergence entre les sunnites et les chiites est l’attente du prophète : tandis que les sunnites considèrent que le cycle de la prophétie est clos, le chiisme attend et prépare l’arrivée du Mahdi, celui qui « comblera la terre de justice et d’équité autant qu’elle est actuellement remplie d’injustice et de tyrannie« . Le Mahdi est le prophète « caché » ou « occulté ». Cela signifie que le dernier imam (le douzième, pour le courant chiite duodécimain ; le septième pour les Ismaéliens) a disparu, mais qu’il reste vivant pour guider la communauté. L’ère de la Grande Occultation prendra fin lorsque l’imam caché redescendra sur la terre pour y instaurer la justice et la paix. L’imam caché étant considéré comme le seul souverain légitime de la communauté, les chiites ont longtemps adopté des attitudes politiques passives ou d’opposition envers le pouvoir temporel. La préparation à l’arrivée du Mahdi implique donc un rejet de l’ordre actuel, constituant un facteur majeur de déstabilisation.
Outre cette opposition cruciale, la différence entre sunnisme et chiisme se traduit dans la pratique de la foi :
– les imams chiites préconisent des pèlerinages plus nombreux et spécifiques : outre la Macque, Koufa (tombeau d’Hussein, fils d’Ali), Kerbala (martyre d’Hussein), Nadjaf (mausolée d’Ali)…
– existence d’un clergé : pour le chiisme, la foi dépend de la présence d’un imam vivant, intercédant entre le monde spirituel et temporel, entre le Prophète et les croyants, et révélant aux croyants le sens caché du Coran. L’imam est doté, dans le cadre de l’exégèse (« tawil ») du Coran, de l’ilm (« connaissance ») et de l’isma (« infaillibilité »). Cette importance accordée à l’imam est sans équivalent dans le sunnisme et explique l’organisation, la hiérarchisation et l’autorité du clergé chiite. Ainsi, la Révolution islamique iranienne en 1979 est le fait du clergé, et l’Iran est aujourd’hui dirigé par un pouvoir temporel (le Président Mahmoud Ahmadinejad) et par un pouvoir spirituel (l’ayatollah Ali Khamenei et le Conseil des gardiens de la Constitution, formé de membres du clergé).
– le raisonnement déductif (méthode du « Kalam ») : les chiites voient le Coran comme un texte créé, qui doit toujours être ré-interprété, alors que le sunnisme considère qu’il a été révélé à Mahomet. Le terme sunnisme vient en effet de la « Sunna », c’est-à-dire la Tradition du Prophète qui comprend ses paroles, ses actes et ses pratiques. Être sunnite revient donc à perpétuer mimétiquement la Tradition du Prophète. Aussi le raisonnement individuel et le libre-arbitre ont-ils une place fondamentale dans l’exercice d’exégèse chiite, qu’ils n’ont pas pour les sunnites, puisque cela consisterait à remettre en cause cette Tradition.
– Les chiites profèrent des insultes rituelles à l’encontre d’Aïcha, veuve de Mahomet et des trois premiers califes non reconnus. C’est une relation frontale d’opposition qui régit les rapports entre chiisme et sunnisme, chaque branche revendiquant la vérité de l’Islam.
Depuis 1979 et la révolution islamique, le chiisme est religion d’Etat en Iran. Le clergé iranien reflète toute l’importance accordée par le dogme à l’imam. Au XIXème siècle, le clergé iranien s’organise, se hiérarchise et s’autonomise : il créé des écoles coraniques grâce aux impôts religieux et devient un réel pouvoir par son emprise sur les croyants. En 1979, l’ayatollah Khomeiny met fin au régime du Chah.
L’accession au pouvoir des religieux chiites bouleverse la donne géopolitique : la politique étrangère de l’Iran, empreinte de « pan-chiisme » (volonté de créer une grande union chiite dans la région du Proche et Moyen-Orient), va modifier les rapports de force régionaux par la création de mouvements radicaux bénéficiant de son soutien direct : Nasr, puis Wahdat en Afghanistan, les mouvements Amal et Hezbollah au Liban et le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak. Dans la mesure où tous les pays du Golfe comptent de fortes minorités chiites, souvent démunies et exclues, le prosélytisme iranien peut constituer un levier puissant de déstabilisation.
Durant plusieurs années, l’Iran a cependant normalisé ses relations avec les Etats sunnites voisins. Le soutien à l’Arménie contre l’Azerbaïdjan pourtant chiite, ou l’alliance avec la Russie et les Etats-Unis pour soutenir l’Alliance du Nord en Afghanistan, ont pu témoigner d’une prise en compte par les réformateurs des intérêts de l’Iran en tant qu’Etat et d’un délaissement du chiisme transnational.
Toutefois, le retour au pouvoir des ultra-conservateurs et la seconde Guerre du Golfe ont entraîné une nouvelle crispation de la politique extérieure de l’Iran, accusé par les Etats-Unis d’entretenir la guerre civile irakienne en soutenant matériellement les groupes chiites. Il faut cependant souligner que l’Iran est certes favorable à l’émergence d’un allié chiite dans son voisinage, mais que l’apparition d’un pôle chiite concurrent est loin d’être son objectif.
L’Irak, où se trouvent les principaux lieux saints du chiisme (Kerbala, Nadjaf), est l’un des rares pays à compter une majorité chiite, certes moins écrasante qu’en Iran, mais significative. Le pays est en effet composé de chiites à 62% et de sunnites à 15%. Pourtant, ceux-ci ont toujours été dominés politiquement et culturellement par la bourgeoisie sunnite, déjà sous l’Empire ottoman.
Lors de la Révolution islamique en Iran, les dirigeants irakiens craignent un soulèvement du Sud chiite du pays, et déportent 30 000 chiites avant de déclarer la guerre à l’Iran en 1980, officiellement au sujet de la frontière du Chatt-el-Arab, conflit qui durera jusqu’en 1988. Lors de la 1ère Guerre du Golfe, les Kurdes au Nord et les chiites au Sud se soulèvent contre le régime, largement incités à le faire par les alliés occidentaux. Saddam Hussein réprime violemment ces soulèvements. Afin d’asseoir son pouvoir après 1991, Saddam Hussein attaque le régime laïc qu’il avait mis en place et donne une place toujours plus grande à la religion sunnite dans la vie politique, oppressant encore plus les minorités.
L’attaque américaine de mars 2003 est accueillie par les chiites du pays comme le signe d’une libération proche. Ils parviennent en effet à obtenir des responsabilités à la mesure de leur poids démographique dans la nouvelle organisation constitutionnelle irakienne. Afin de répartir les rôles entre les trois principales communautés (sunnite, chiite et kurde), l’exécutif est partagé entre trois personnes : le président (titre largement honorifique, kurde), le Premier ministre (chiite), et le Président du Parlement (sunnite). Le gouvernement est actuellement dirigé par Nouri al-Maliki, à la tête d’une coalition chiite.
Cet égalitarisme apparent n’a pas permis d’éviter l’éclatement d’une guerre civile confessionnelles, marquée par de nombreux attentats extrêmement meurtriers. Depuis le 10 avril dernier, l’armée américaine érige un mur de plusieurs kilomètres en plein centre de Bagdad afin d’isoler les enclaves sunnites dans les quartiers chiites de la capitale, en vue de "sécuriser la ville" en empêchant autant les escadrons de la mort chiites de s’attaquer aux sunnites, que les sunnites de se servir de ces enclaves comme base pour commettre des attentats dans les quartiers chiites.
Les Alaouites de Syrie sont une minorité (ils représentent 13% de la population) mais sont parvenus à s’emparer du pouvoir dans un Etat majoritairement sunnite. Cette domination est évidente depuis l’avènement de la dictature baassiste en 1963 et surtout l’arrivée au pouvoir en 1970 du baassiste alaouite Hafez el-Assad. Depuis lors, les responsables politiques et militaires sont pour la plupart issus de cette minorité chiite.
Les décisions sont exclusivement prises dans le cercle baassisto-alaouite du Président (Bachar el-Assad depuis 2000, fils de Hafez el-Assad) et des services de sécurité ; la population a un pouvoir électoral très restreint. La Syrie est sous état d’urgence depuis 1963, justifié selon le gouvernement par l’état de guerre avec Israël et la menace de divers groupes armés. Le pouvoir baassisto-alaouite en place à Damas maintient une stabilité politique par deux moyens : des services de sécurité chiites qui ont carte blanche et opèrent en marge du cadre légal d’une part ; une représentation des minorités religieuses dans les instances politiques d’autre part.
En raison des liens étroits avec le parti Baas irakien (non-chiite, pourtant), la Syrie a violemment critiqué l’invasion américaine de 2003, se sentant directement menacée par cette présence. En retour, les États-Unis reprochent à la Syrie de laisser passer des combattants vers l’Irak pour organiser des attentats contre le régime pro-américain mis en place à Bagdad.
La part des chiites au Liban est difficile à estimer, étant donné qu’aucun recensement n’a eu lieu depuis 1932 afin de ne pas attiser les tensions politiques et religieuses. Les musulmans constitueraient 65% de la population, dont la moitié de chiites. Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte les quelques 400 000 réfugiés palestiniens, sunnites à 90%. La situation libanaise est en réalité explosive depuis l’indépendance : mosaïque ethnique, culturelle et religieuse, l’équilibre du pays semble toujours ne tenir qu’à un fil.
Les projets baasistes d’une grande nation arabe unie entre l’Irak, le Liban et la Syrie rencontrent le refus catégorique des communautés chrétiennes dès la fin des années 50, entraînant les premiers attentats et assassinats politiques. Après une brève période d’accalmie sous la présidence de Fouad Chehab, la vie politique libanaise est à nouveau agitée, notamment en raison de la montée du problème palestinien, qui déstabilise profondément les équilibres fragiles. Alors que ses voisins, moins démocratiques, peuvent appliquer des politiques radicales, le Liban est trop faible pour contrôler les camps de réfugiés, et devient involontairement une base arrière pour le terrorisme palestinien dans les années 60. Israël prend alors le pays pour cible. La violence, déjà commune, devient la norme avec le début de la guerre civile interconfessionnelle en 1975, qui oppose principalement les maronites (chrétiens) et les sunnites. Beyrouth accueille alors une force multinationale en 1982, afin de rétablir la paix. Les Américains et les Français sont pris pour cible par ce qui n’est encore qu’une petite organisation islamiste chiite, le Hezbollah, le "parti de Dieu".
Les chiites, largement évincés de la lutte sunnito-maronite pour le pouvoir et ignorés par le gouvernement, avaient toujours été les exclus économiques et sociaux du Liban. Concentrés au sud du pays, ils avaient directement subi les attaques durant les raids israéliens contre les Palestiniens, et avaient été transformés en réfugiés dans leur propre pays, concentrés dans la banlieue de Beyrouth. Sur ce terreau fertile, les Iraniens n’ont pas dû faire preuve de beaucoup de force de conviction pour entraîner les plus démunis à se sacrifier pour "lutter contre l’impérialisme occidental". Le Hezbollah se transforme à partir de là en une redoutable milice armée, prête au combat. La pratique systématique des enlèvements d’Occidentaux provoque l’exode de la plupart de étrangers dans les années 80.
Le Liban paie encore cette influence déterminante du Hezbollah : l’attaque israélienne du 12 juillet 2006 contre le Liban a été décidée suite à un accrochage entre le Hezbollah et l’armée israélienne à la frontière libano-israélienne, qui a abouti à la mort de huit soldats israéliens et à la capture de deux autres, en vue de les échanger avec des Libanais détenus en Israël. Ce conflit a causé des dégâts matériels extrêmement importants au Liban et a entraîné la mort de plus de 1 000 civils libanais et de 150 Israéliens. Soutenu par l’extérieur, le Hezbollah déstabilise ainsi le Liban de l’intérieur.
Enfin, le gouvernement alaouite syrien est accusé d’attiser les tensions au Liban, en particulier suite à l’attentat meurtrier qui a coûté la vie au Premier Ministre sunnite Rafik Hariri en en février 2005.
Yann Richard, L’Islam chi’ite
L’islam chi’ite a fait irruption dans notre culture lors de la Révolution iranienne de 1979. Il a suscité la fascination et l’enthousiasme de l’intelligentsia occidentale, puis la peur, la méfiance, l’indignation. Au Liban, où il représente un tiers de la population, il a été associé à de multiples effusions de sang pendant la guerre civile. En Irak, après la guerre du Koweit, un soulèvement désespéré de la majorité chi’ite a été durement réprimé. Aujourd’hui, chi’isme est devenu synonyme de violence: Hezbollah, Jehâd islamique, prise d’otages… Le chi’isme n’est pas que cela. Né à la mort du Prophète, d’une querelle de succession qui opposait l’Imam Ali, écarté du pouvoir, à la majorité sunnite, il a développé une philosophie spéculative, une mystique visionnaire, comme s’il compensait dans l’ordre spirituel les désillusions de l’ordre temporel. Les croyances du chi’isme sont fondamentalement celles de l’islam – unité de Dieu et prophétie de Mohammad – mais, à la différence des sunnites, les chi’ites attendent le Douzième Imam qui viendra à la Fin des temps inaugurer un règne de justice et de vérité. La théologie chi’ite parle du rapport de l’homme à Dieu, des rapports entre les hommes dans la cité d’ici-bas et aussi des rapports entre l’homme et la femme. Elle permet, voire encourage le mariage provisoire, que les ulémas nomment joliment le « mariage de plaisir ». Le renouveau du chi’isme a été source de graves conflits et d’innombrables malentendus. Comment cette religion de salut, jalousement indépendante du pouvoir politique, a-t-elle pu servir d’idéologie pour une révolution? Le discours révolutionnaire des âyatollâhs ne fait-il pas oublier la spiritualité qui est à sa source? A l’issue d’une vaste enquête, ce livre montre le péril qui guette les religions universelles lorsqu’elles sont secouées par les mirages révolutionnaires.
Mohammad-Ali Amir-Moezzi, La religion discrète – Croyances et pratiques spirituelles dans l’islam shi’ite
Les croyances et les pratiques shi’ites restent encore peu connues. D’abord, parce que les études scientifiques du shi’isme, dans leur grande majorité, sont très récentes ; de plus, les spécialistes occidentaux ne dépassent pas la trentaine, auxquels il faudrait ajouter quelques savants shi’ites qui ne publient que dans la langue de l’Islam. Ce qui est très peu par rapport aux centaines de spécialistes du sunnisme qui étudient les différentes disciplines des domaines arabes et islamiques depuis plus d’un siècle et demi. Il y a ensuite les aléas de l’Histoire – et les rivalités idéologiques qui en résultent – dont une des conséquences majeures a été, à l’intérieur même du shi’isme, l’ostracisme appliqué aux pensées » déviantes » et la censure des textes jugés problématiques. Enfin, la religion shi’ite elle-même, se définissant dans ses sources de base comme une doctrine fondamentalement ésotérique et initiatique, ne se révèle pas toujours facilement. Rien de plus normal dans ces conditions qu’une partie de l’enseignement religieux, sans doute celle jugée la plus essentielle, soit protégée par les règles qui régissent tout ésotérisme. Ces multiples raisons, extrinsèques aussi bien qu’intrinsèques au shi’isme, font de celui-ci une religion discrète et méconnue. Le présent ouvrage examine quelques aspects peu explorés de l’histoire et de la spiritualité shi’ite dans toute leur complexité. Dans la diversité de leurs manifestations, croyances et pratiques trouvent consistance et cohérence dans l’ambivalence de la figure de l’Imam, point de départ et aboutissement de la foi, dans le rôle déterminant de la connaissance et de l’initiation, dans le dualisme ontologique et anthropologique.
Mohammad-Ali Amir-Moezzi, Christian Jambert, Qu’est-ce que le shî’isme ?
Majoritaires dans une région où se joue aujourd’hui la stabilité du monde, bien qu’ils soient minoritaires si l’on considère la totalité du monde musulman, les shî’ites restent mal connus. Confondus le plus souvent avec les intégristes sunnites, ou même avec les tenants du wahhabisme militant, leurs adversaires, ils subissent logiquement les effets dévastateurs de certaines images venues d’Iran ou d’ailleurs, images de l’oppression des femmes, d’intolérance religieuse, d’obscurantisme et de totalitarisme. Écrit à l’intention du public cultivé, cet ouvrage rassemble et présente l’essentiel de ce qu’il faut connaître du shî’isme, non sans proposer une analyse des processus qui ont conduit une religion essentiellement ésotérique et mystique à se transmuer en théologie politique. En refermant ce livre, le lecteur n’ignorera plus rien des fondements doctrinaux du shî’isme, de la généalogie de ses maîtres (depuis Ali, le gendre de Mahomet), de ses sources (Coran et hadith), de son évolution historique (des grandes scissions qu’il a connues, donc), de sa philosophie, enfin. Le tout écrit d’une plume acérée, portée par une érudition vraie.
François Thual, Géopolitique du chiisme
Sur un milliard de musulman, environ cent quarante millions sont des chiites. Si les tensions qui aujourd’hui embrasent le monde ne sont pas liées directement à l’islam chiite, ce courant est une composant essentielle à l’intérieur de l’espace musulman, et dans les zones où il est en contact avec d’autres religions. En Irak, les chiites demeurent un facteur d’instabilité. Au Liban, le Hezbollah (chiite) continue de menacer Israël. En Syrie, après la mort du président Assad, la minorité alaouite (chiite) conserve son influence sui l’État. L’Iran est toujours dans les mains du clergé chiite. En Afghanistan, depuis leur prise du pouvoir, les talibans persécutent la minorité chiite. Au Pakistan, on assiste à de sanglants affrontements entre sunnites et chiites, notamment dans la région de Karachi. Enfin, il faut savoir qu’un chiite sur trois vit dans la région Inde-Pakistan-Bangladesh, qui, après l’attentat du 11 septembre à New York, est devenue la zone géopolitique la plus instable de la planète. Précis d’histoire religieuse et ouvrage d’initiation stratégique, ce livre apporte des réponses précises aux questions que la spécificité chiite pose au Moyen-Orient et dans les régions qui lui sont proches.
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