La crise financière qui secoue le marché mondial est partie des Etats-Unis et a entraîné dans son sillon des déboires gigantesques dans toutes les régions du monde. D’où est partie cette crise ? Pour comprendre il faut se pencher sur les habitudes culturelles outre Atlantique. Aux Etats-Unis, un ménage épargne 0,5% de son revenu, alors qu’en France, c’est 16% (cotisations retraite non comprises) qui sont destinés à l’épargne. Prises de risques et consommation à outrance, deux particularités culturelles explosives qui ont mené à la situation actuelle ? Pour mieux comprendre la situation, nous avons demandé l’avis d’un banquier et d’un économiste…
D’où est partie cette crise financière ?
L’avis du banquier : Tout vient de la crise immobilière aux Etats-Unis (subprime). Les banques ont fait des prêts à taux variables à des gens pas forcément super solvables. Les taux ont augmenté, les gens ont eu des difficultés à rembourser leurs emprunts… En même temps, les biens ont perdu de leur valeur, alors qu’ils servaient de garantie aux banques. Du coup, les gens ne payent plus, les banques n’encaissent plus de cash… Ce qui provoque un problème de liquidités.
Ensuite, on a assisté à un ralentissement économique aux Etats-Unis : hausse du chômage, moins bons résultats des sociétés, problèmes de liquidités pour les banques qui détiennent finalement une quantité énorme de prêts subprime et qui doivent tout simplement les « write off » ou virer du bilan. Après, c’est l’engrenage…
Les Etats-Unis, c’est la culture du risque
L’avis de l’économiste : Pour comprendre, il faut comparer les systèmes américains et européens. En Europe, une banque fait plusieurs métiers, du dépôt, de l’assurance, de l’investissement, ce qui lui permet, en regroupant ses billes, d’avoir un capital commun important. Aux Etats-Unis, une banque fait soit du dépôt, soit de l’investissement. En cas de crise, les banques d’investissements n’ont donc aucun capital fixe ni de quoi « se retourner ». De plus, le modèle américain n’étant pas basé sur l’épargne des ménages, aucun dépôt sur qui compter en cas de coup dur…
Au début de la crise, pour faire face à la baisse du marché, les banques ont mis en bourse les hypothèques, qu’ont acheté des fonds d’investissement pensant faire une bonne affaire. Mais les créditeurs n’ont plus payé leurs dû, et les fonds se sont retrouvés avec du gruyère à la place de ce qu’ils pensaient être une bonne affaire…
Concrètement, que s’est-il passé aux Etats-Unis ces derniers jours ?
L’avis du banquier : Ces derniers jours, on a assisté à la fois à une crise de liquidités (les banques n’ont plus de cash) et surtout à une crise de confiance dans le système dans son ensemble… Les investisseurs craignaient que des banques fassent faillite, ils vident alors leurs comptes pour investir dans des US treasuries (bons du trésor US) et le prix des actions des banques chute, ce qui accentue la crise…
L’avis de l’économiste : Ces derniers jours s’est déroulée aux Etats-Unis une crise de confiance entre les établissements financiers. En effet, les banques et les assurances ne se faisaient plus confiance entre elles car elles savaient qu’elles étaient touchées de près ou de loin par la crise des subprimes. Concrètement, chaque jour les banques se prêtent de l’argent, et ces derniers jours une partie de la valeur de cet argent était incertaine.
Etait-ce prévisible ?
L’avis du banquier : C’était plus ou moins prévisible, mais pas de manière aussi dramatique. La semaine dernière, la FED a décidé de réinjecter des fonds dans le système et de reprendre aux banques leurs « worthless assets » (c’est-à-dire les actifs sans valeur), ce qui fait qu’après la dégringolade les actions des établissements financiers on repris 30 à 40% de valeur, redonnant un peu de tonus au Cac 40…
L’avis de l’économiste : Oui, dans la mesure où l’on connaît la tendance des banquiers américains à prendre de gros risques. Aux Etats-Unis, il n’est pas inconcevable d’autoriser un crédit à une personne déjà endettée à 50% de son salaire. Ainsi sont prêtées des sommes importantes à des clients qui auraient eu peu de chance d’être acceptés comme créditeurs, et pour se prémunir les banques octroient leurs prêts à des taux variables donc très supérieurs à ceux pratiqués pour un client lambda. Par exemple, un étudiant d’Harvard se verra facilement accepter un prêt important dans la mesure où sa banque jauge de son salaire au sortir de ses études.
« Les banques prêtent à des gens peu solvables en misant sur l’argent qu’ils gagneront dans l’avenir »
Peut-on parler d’un effet domino ?
L’avis du banquier : Effet domino oui, vu que tout le système est touché, quelque soit la région du monde…
L’avis de l’économiste : Oui, même si les résultats de cette crise n’arrivent pas tous sur le même front, ni en même temps.
Est-il encore possible d’enrayer la crise ?
L’avis du banquier : C’est une bonne question… Le fait que la FED et d’autre banques centrales injectent des milliards peut aider, mais la confiance ne reviendra pas de si tôt…
L’avis de l’économiste : Il est possible de tirer des leçons pour adapter les différents systèmes, notamment en freinant les prises de risques dans les investissements, en obligeant les établissements à une plus grande clarté quant aux liquidités qui circulent.
Quelles sont les répercussions au niveau mondial ?
L’avis du banquier : Toutes les régions du monde sont impactées, mais principalement les Etats-Unis et l’Europe. La France pour l’instant ne semble pas trop mal, mais les banques sont aujourd’hui plus tributaires de la BCE, qui a injecté 40 milliards pour que le marché européen retrouve sa stabilité. Ce sera donc une nouvelle relation de dépendance entre elles et la BCE qu’il faudra certainement prendre en compte !
Au niveau local, dans nos agences, l’argent va se faire rare donc précieux, et les prêts vont « coûter » plus cher aux particuliers.
L’avis de l’économiste : Tout d’abord, les premiers concernés – les Américains – vont devoir accepter de voir augmenter leurs impôts pour réparer les dégâts. Aussi, l’économie chinoise va pâtir de cette crise dans la mesure où elle est très dépendante des « commandes » américaines, car elle n’a pas encore des fondamentaux assez solides pour s’auto-réguler, comme ça a été plus ou moins le cas en Europe, grâce à l’argent injecté par la BCE.
Au niveau politique, à court terme cette crise sera sûrement bénéfique au candidat Barack Obama, dans la mesure où le principal responsable de cette crise est la mauvaise gestion du gouvernement Bush. Le candidat démocrate n’aura donc pas de peine à jeter l’opprobre sur sa gestion et à rallier les américains dépités à sa cause. D’autant que McCain déclarait récemment « ne rien y comprendre en économie », un message qui présente mal au vu de la situation actuelle ! Il y a quand même eu un effet bénéfique à cette catastrophe, il s’agit du prix des matières premières et du pétrole ayant baissé…
Que faire pour ne pas que cette situation se reproduise ?
Dès que la situation sera stabilisée, l’Etat va revendre les banques qu’elle a sauvé de la faillite. Il faudra alors faire attention au marché américain, et d’ailleurs ils devront eux-même sûrement repenser leur modèle. Ce n’est pas la première crise de ce type, même si celle ci a touché le marché financier à une échelle jamais atteinte jusqu’alors.
Quelques définitions :
Les transferts inter-bancaires, c’est l’argent que les banques se prêtent entre elles, a un taux (LIBOR) fixe chaque jour.
La FED, ou réserve fédérale américaine, est la banque centrale des Etats-Unis. C’est elle qui supervise la politique monétaire, elle a aussi l’obligation de faciliter la croissance économique.
La BCE est la banque centrale en charge de la monnaie unique européenne, l’euro. Sa mission principale consiste à maintenir la stabilité des prix au sein de la zone euro et, par conséquent, à préserver le pouvoir d’achat de l’euro. Elle a décidé d’injecter 40 milliards d’euros pour que les marchés financiers européens ne s’enrayent.
Les Commentaires