Les Allemands votaient hier, accordant un nouveau mandat de quatre ans à Angela Merkel. Des élections importantes mais assez obscures du point de vue français, et dont les conséquences restent encore mystérieuses.
Comment ça marche ?
Le système électoral allemand est assez différent du nôtre. Tout d’abord il ne comprend qu’un seul tour, où les électeurs ne votent pas pour leur chancelier mais pour leurs députés. Le Bundestag (ou « Diète fédérale allemande », la chambre basse du parlement) élit ensuite le ou la chancelier-e, issu du parti majoritaire.
Là où ça se complique, c’est que les Allemands ont deux voix par bulletins de vote – on appelle ça un système mixte.
- La première (Erststimme) élit le représentant de la circonscription.
- La seconde (Zweitstimme) permet d’allouer à chaque parti des sièges au Bundestag selon une répartition proportionnelle.
Généralement la première voix va à la CDU (les chrétiens-démocrates, d’où est issue Angela Merkel) ou au SPD (les socio-démocrates). À l’inverse la seconde voix peut aller à un parti plus minoritaire. Des consignes de votes sont parfois mêmes données en ce sens par la CDU ou le SPD pour permettre des coalitions.
Cela n’a pas été le cas cette année, Angela Merkel craignant de perdre le pouvoir malgré son avance dans les sondages.
Le bulletin de vote : la colonne de gauche concerne le représentant de la circonscription, celle de droite la proportionnelle.
Mais que se passe-t-il lorsque le nombre de députés élus au suffrage direct ne correspond pas au nombre de sièges gagnés à la proportionnelle ? On ajoute des sièges pour ceux qui ont été élus, car aucun élu ne peut se voir privé de son rôle.
Depuis cette année, les autres partis gagnent également des sièges supplémentaires afin de respecter la proportion du second vote. C’est ainsi qu’au lieu des 598 sièges initialement prévus, le Bundestag en comptera 630 pour ce mandat (de quatre ans).
Que s’est-il passé ?
La CDU d’Angela Merkel a remporté hier 41,5 % des voix. À quatre sièges près (315 au lieu de 311), le parti avait la majorité absolue et pouvait gouverner seul. Comme ce n’est pas le cas, il va devoir former une coalition.
Or ses anciens partenaires, les libéraux du FDP, n’ont pas atteint les 5 % (ou trois mandats directs) nécessaires pour entrer au Bundestag. Après un pic en 2009 avec 14,5 % des voix, le plus haut score de leur histoire, c’est la désillusion pour les libéraux qui disparaissent de la chambre basse pour la première fois.
Angela Merkel et son ancien vice-chancelier, Guido Westerwelle du FDP (CC-BY Sebastian Zwez)
Le SPD est loin derrière la CDU avec 26 %, proche du 23,5 % de 2009 qui était le score le plus bas de leur histoire. Les autres formations de gauche ne sourient pas non plus puisque les Verts et la gauche radicale Die Linke font 8 % chacun, en baisse par rapport aux dernières législatives.
À eux trois, ces partis n’atteignent que 43 % contre 45,6 en 2009. En terme de sièges ils sont majoritaires, avec 319, puisqu’il faut retirer les partis n’ayant pas fait 5 %. Mathématiquement ils pourraient former un gouvernement ensemble, mais une alliance est assez improbable.
Plus de succès pour le petit nouveau, Alternative pour l’Allemagne (AfD). Le parti eurosceptique créé en février 2013, considéré comme conservateur voire populiste, recueille 4,9 % des voix et atteint presque le Bundestag.
Et maintenant ?
Angela Merkel va donc devoir négocier une nouvelle coalition. La plus probable serait avec le SPD ; ce serait la « grande coalition » (en Allemagne les coalitions sont si fréquentes que chaque combinaison a un nom).
La chancelière l’a déjà expérimentée de 2005 à 2009. Mais si l’alliance s’était bien passée de son côté, le SPD en a souffert électoralement et ses dirigeants ne sont pas sûrs d’accepter une nouvelle collaboration.
L’autre option serait une alliance CDU-Verts. Quoiqu’elle soit assez improbable, les deux partis ayant des vues diamétralement opposées sur beaucoup de points, elle n’est pas non plus impossible : depuis la catastrophe de Fukushima, Merkel a décidé de sortir du nucléaire, ce qui était son plus gros point de clivage avec les écologistes. En outre cette alliance, inédite au niveau fédéral, s’est déjà vue dans des grandes villes.
Dans tous les cas la coalition devrait donner lieu à de sévères négociations. Le résultat sera connu d’ici quelques semaines.
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Les Commentaires
J'aurais peut-être dû expliquer mon point de vue
Je parlais du titre honorifique. Le Roi signe les lois, il consulte les ministres, il désigne le formateur du gouvernement mais il ne gouverne pas.