Aujourd’hui, vendredi 4 mai, la loi sur le harcèlement sexuel vient d’être abrogée par le Conseil Constitutionnel. Pourquoi et quelles sont les conséquences d’une telle décision ?
Que disait cette loi ?
La notion de harcèlement sexuel est définie, depuis 2002 et dans l’article 222-33 du Code pénal, comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». La loi prévoit une punition d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Pourquoi a t-elle été contestée ?
Si les Sages se sont réunis pour abroger la loi aujourd’hui, c’est parce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée par Gérard Ducray, conseiller municipal de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Cet élu a été condamné en mars 2011 à trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour le harcèlement sexuel de trois employées de la mairie. Il s’était élevé contre cette décision et pourvu en cassation.
Interrogée par Le Parisien en avril dernier, l’avocate de Gérard Ducray, Claire Waquet, jugeait que « ce texte n’[était] pas suffisamment précis. Le citoyen n’est pas en mesure, avec cette définition, de savoir ce qu’il peut ou ne peut pas faire, ce qui est pourtant un des fondements de la Constitution ».
Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel a donc tranché et s’est rangé à cet avis. « En l’espèce, l’article 222-33 du Code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis. Par suite, ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines », affirme-t-il vendredi.
Qu’en pensent les associations de victimes ?
Concrètement, elles s’étaient également prononcées contre cette loi telle qu’on la connaissait. Ainsi, pour Marilyn Baldeck, la déléguée générale de
l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)-Libres et égales, en l’état la loi « fait que de nombreuses affaires se retrouvent classées sans suite ».
Là où l’opinion diverge, c’est que les associations ne souhaitaient pas que la loi soit directement abrogée, comme les Sages l’ont décidé, mais que le Parlement rédige un texte plus clair. L’abrogation d’aujourd’hui donne lieu à un vide juridique.
« Jusqu’au vote, le cas échéant, d’une nouvelle loi, les victimes sont abandonnées par la justice. Le message d’impunité ainsi adressé aux harceleurs est révoltant », a réagi un collectif d’associations féministes.
Contactée par madmoiZelle.com, Maître Boukhris, avocate au barreau de Paris, commente :
« Il est certain que l’abrogation de la loi créé instantanément un vide juridique. Le temps qu’un texte plus clair soit écrit, ça prendra de 3 à 6 mois, peut-être même 1 an. Mais si cette loi était effectivement floue, il relève du devoir professionnel de la ré-écrire. En attendant, les faits peuvent éventuellement être requalifiés en harcèlement moral si le délai de prescription par rapport aux faits (trois ans) n’est pas dépassé. »
Conséquences de l’abrogation
Abroger une loi est un acte assez « rare et radical », selon les mots de l’avocat pénaliste Aurélien Chardeau contacté par FTVi. Pour le moment, le harcèlement sexuel reste puni par le code du Travail à condition que les faits aient été commis dans un cadre professionnel.
Toujours selon Aurélien Chardeau, « par précaution, les victimes devraient engager de nouvelles poursuites avant la prescription des faits en visant l’un de ces deux textes (harcèlement moral ou harcèlement sexuel dans le cadre du Code du travail). »
Et France TV de préciser : quant au vote d’une nouvelle loi pénale sur le harcèlement sexuel, il dépendra de l’issue des élections et ne pourrait pas intervenir avant la reprise de la session parlementaire, après les législatives. Roselyne Bachelot, ministre en charge des Droits des femmes, a prévenu : « La nouvelle Assemblée nationale » devra « se saisir en urgence de ce dossier afin de garantir les droits des salariés et, plus particulièrement, ceux des femmes ».
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Et là, UN mec, qui a déjà été condamné, qui est a nouveau poursuivi, qui utilise l'imprécision de la loi (qui EST anti-constitutionnelle, j'entends bien) pour pouvoir justifier ses actes genre "oh pardon, je savais pas que c'était pas bien de mater ses seins / lui faire des blagues douteuses / des propositions dégueulasses "pour déconner" , etc. etc. arrive à faire ANNULER la loi purement et simplement.
Alors que des dizaines de plaintes vont être également annulées, laissant aux victimes le choix d'être abandonnées ou de tout reprendre à zéro en reformulant leur plaintes (c'est vrai que la justice est connue pour être déjà tellement rapide).
La présomption d'innocence, la constitution, tout ça je suis ok, et je suis pour qu'on précise les lois, mais là, de toute évidence c'est au détriment des victimes, et pour protéger les bourreaux.
Alors quand on me sort de tels arguments, pardon mais je n'y crois plus du tout, c'est de la pure hypocrisie.
Il y a une loi qui oblige encore les femmes à avoir une autorisation de la police ou d'un homme pour pouvoir porter un pantalon. Quand les associations féministes ont demandé que cette loi soit retirée, on leur a répondu que c'était "une perte de temps".
Par contre, là, pour protéger ce récidiviste, annuler une loi (au lieu de la compléter etc.), alors que c'est un acte rare, et laisser un vide juridique, annuler des plaintes déposées par des victimes c'est NO PROBLEMO!
Ya quand même un LEGER SOUCIS dans notre société.