« Se connaître queer hors de la jeunesse et de la conso, des fêtes, est encore compliqué. Ça me manque pour penser à l’identité et l’amour sur le long terme », raconte à Madmoizelle Alex à propos de son célibat. À l’aube de la quarantaine, cette célibataire lesbienne évoque comment, durant sa trentaine, elle a enchaîné les relations fusionnelles, avec mise en ménage rapide, avant d’exploser et recommencer.
- Prénom : Alex.
- Âge : 39 ans.
- Lieu de vie : banlieue parisienne.
- Orientation sexuelle et/ou romantique : gouine.
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Depuis 6 mois, d’une personne que j’avais déjà fréquenté 4-5 mois par le passé.
Comment décririez-vous votre célibat ?
Calme et jouissivement égoïste, mais solitaire dans des pratiques quotidiennes de la vie.
Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?
L’ennui est toujours de craindre de juste redébarquer dans les vies d’ami·e·s parfois mis de côté sans le vouloir, une fois disponible car célibataire. Il y a une façon de relationner adulte je pense, qui ne passe pas par la fusion en autruche et en autarcie, ce qui a été ma vie lesbienne auparavant.
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Quel a été votre historique relationnel, et la manière dont il a fait évoluer votre rapport au couple ou au célibat aujourd’hui ?
Toute ma trentaine, je suis sortie avec des filles avec qui j’ai cherché à emmenager sous trois semaines (very gay), avec qui j’ai totalement fusionné, au point de n’avoir qu’un seul très grand placard de fringues noires pour deux, de partager même les produits de beauté, lire les mêmes livres, faire du sport ensemble, puis exploser et recommencer.
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Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ?
Gay ou straight [hétéro, ndlr], il y a une partie du gaze amoureux internalisé et recherché que l’on perd. Pour qui je me fais belle ? Quelles sont les attentes de cette Autre idéalisée ? La suivante aimera-t-elle pareil ? Le « moi » semble parfois vacillant si le regard en miroir n’est plus là. J’adorerais dire qu’être queer, c’est se connaitre comme sujet et non objet, mais la quête d’un regard qui aime, valide, désire, forme aussi son regard sur soi.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Oui, comme dormir comme je le souhaite : en pyjama avec des chaussettes, un masque pour les yeux, des bouchons d’oreilles, deux plaids, trois oreillers, des mouchoirs, du labello, de la ventoline et des Strepsils [pastilles pour la gorge, ndlr] à portée de main toute la nuit. Sexy n’est-ce pas ? Je me rends compte doucement de tout ce que je surveillais inconsciemment en couple aussi.
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À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
La boum à deux! Les diners à deux chez soi, le home-cinéma popcorn, plein de mini-dates absurdes jusque chez Castorama qui sont ma passion. Partager des petites joies, des sketchs autant que des légumes bizarres par exemples.
Le lieu géographique où vous vivez a-t-il un impact sur votre rapport aux relations amoureuses ?
Je dirais juste en termes de sécurité dans la rue, taxis, transports en public.
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Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
C’est un paradoxe, car je fais des passages réguliers sur OkCupid [application de rencontre préférée des personnes du côté gauche du spectre politique, ndlr], mais je réalise que deux personnes ne peuvent pas « décider » d’avoir une interaction complice et excitante avec quelqu’un·e qui répond pourtant à nos critères et goûts. Donc c’est toujours le grand mystère en réalité.
Discutez-vous régulièrement avec des gens sur les applications de rencontres ? Avez-vous des rendez-vous réguliers ?
Là, je déprime sur les applis de rencontres mais espère rencontrer plein d’âmes sorores dans les soirées poisseuses parisiennes dès mai.
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Comment décririez-vous votre rapport aux rencontres ?
Je suis sobre et ai donc zero détente, je suis crispée, nerveuse, me remaquille, attache et détache mes cheveux comme si la différence se jouait précisément là (rires). Mais en fait, je pense que les vraies bonnes ententes sont fluides et faciles et que c’est surtout le début d’une bonne conversation.
Quel temps la recherche d’un ou d’une partenaire occupe-t-il en moyenne dans vos semaines ?
Mmm… Ce n’est pas conscient, mais environ 10 % dans le fond de ma tête quand je scrolle et vois un drapeau LGBT, une bague de pouce, ou encore un chat nommé Simone (rires).
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Ressentez-vous une forme de pression à chercher « activement » un·e partenaire amoureux·se ?
Clairement, à 39 ans, je me demande ce que je suis « censée » faire de moi, de ma vie. En revanche, 40 ans célibataire, c’est plus exactement pareil. Ce qui me fait flipper, c’est qu’à cause, entre autres, des années SIDA, j’ai très peu de référent de personnes queers plus agé·e·s. Se connaitre queer hors de la jeunesse et de la conso, des fêtes, est encore compliqué. Ça me manque pour penser à l’identité et l’amour sur le long terme.
Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ?
J’investis juste dans des sex-toys plus cher (rires).
Cherchez-vous activement à rencontrer un·e ou plusieurs partenaire·s sexuel·le·s (ponctuel·le·s ou régulier·e·s) ?
Non, je n’aime pas du tout les plans cul, je me sens seule et triste après, en vrai.
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Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Je l’ai beaucoup ressenti à l’arrivée dans la trentaine. Résultat, je me suis sur-maquée, presque pour me prouver que j’avais moi aussi accès à ce genre de vie, de sécurité, « d’engagement ». Mais aujourd’hui, je sais plus bien ce que ça veut dire.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur vos finances ?
Un peu sur l’achat de nourriture.
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Avez-vous un budget « dating » ?
Alors, clairement, c’est un petit budget. Mais étant célibataire et au chômage, je mange surtout des œufs et du porridge chez moi (rires).
Quels sont vos projets pour le futur ? Le célibat a-t-il un impact sur ces envies et ces projections ?
Vacances, voyages, décisions à moyen-terme, rester à Paris…
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