La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Salut Daronne,
Je m’adresse à toi, car je sais que tu ne vas pas trop me juger. Je suis fumeuse depuis l’adolescence (je sais, c’est mal). Avec mon copain, on a décidé de faire un enfant, non ça n’a rien à voir avec la clope. Le truc, c’est que je « cumule ». J’ai 38 ans, mon mec en a 10 de plus, je suis en surpoids et j’ai le SOPK. La gynécologue que j’ai vue pour mon retrait de stérilet m’a dit que ce serait impossible de tomber enceinte sans aide.
Je me disais que ça allait me laisser le temps d’arrêter la clope. Tu parles. Trois semaines plus tard, je te le donne en mille : un test positif. J’avais pris rendez-vous avec un addictologue, mais avec le temps d’attente, le bébé sera déjà né (ou presque, j’aime exagérer) au moment du rendez-vous.
Déjà, cette grossesse m’a prise de court, donc tu imagines le stress. Deuxièmement, avec « mon âge » et mes « antécédents » on me fait flipper avec les risques de FC, de diabète, d’hypertension… Je ne me cherche pas d’excuse Daronne, mais je n’arrive pas à arrêter de cloper dans ces conditions.
Je suis aujourd’hui enceinte de 17 SA, et j’ai beaucoup diminué. J’en suis à 2 ou 3 par jours, mais comme je veux être bonne élève, je le dis à chaque rendez-vous et on me culpabilise. Je sais que c’est normal qu’on me le dise, mais je me sens comme une merde. Franchement.
Tu as des conseils toi ?
Future mère indigne
La réponse de la Daronne
Ma petite amande grillée,
Je t’appelle Amande Grillée, car c’est exactement ce que j’ai fait après avoir découvert les deux barres sur le bâton : m’en griller une. Je pourrais louvoyer, te dire qu’à cet instant, je n’étais pas certaine de mener la grossesse à terme. Pourtant, même si ce test positif était aussi inopiné que terrifiant, je savais déjà que dans mon cas, il signifiait que j’allais devenir une Daronne. La nature m’avait seulement devancé de quelques mois, comme toi, ce bébé était prévu, mais pas dans la seconde.
Ont suivi des mois de culpabilité, parce que HE OUI, savoir qu’on va devenir mère, c’est méga stressant. Et quand on stresse, nous les fumeurs, on veut cloper. TOUT LE TEMPS. C’est assez embêtant comme mécanisme, encore plus dans ce cas précis.
Merci l’angoisse, le monde extérieur !
En 2024, on a parfois l’impression qu’il est impossible de concevoir un bébé sans aide médicale. Ou alors uniquement si on répond à certains critères : Avoir 20 ans, suivre un régime alimentaire sain, mais pas restrictif, faire du sport, ne pas fumer, ne pas boire, ne pas avoir la moindre pathologie.
Certains représentants du corps médical semblent avoir omis un fait biologique qui se vérifie pourtant génération après génération depuis la nuit des temps. Quand on a des rapports sexuels hétérosexuels avec pénétration et sans contraception, on tombe enceinte. La règle est la même pour toutes les femmes supposément fertiles, jusqu’à preuve du contraire. Et les prédictions d’un gynécologue ne sont pas des preuves (sauf analyses poussées).
De tels propos alarmistes contribuent à ce que les femmes se retrouvent perdues le jour où le « + » s’affiche. Elles entament alors leur grossesse dans le stress et la panique. Ce n’est pas un état d’esprit propice à se défaire d’une substance addictive, si on me demande. Par ailleurs, déclarer qu’une femme aura tout le mal du monde à concevoir, c’est lui ôter la possibilité de se projeter. Savoir avant même d’avoir essayé qu’on mettra des années à concevoir, est-ce que ça motive à arrêter la cigarette sur le champ ? Non. Au contraire.
Est-ce mal de fumer pendant la grossesse ?
Je me rappelle la première cigarette que j’ai fumée. Bien sûr, c’était dégueulasse, mais cette cigarette constituait un prérequis à mon inclusion sociale. Les années suivantes ont d’ailleurs été merveilleusement festives. Malheureusement, je n’ai pas eu 16 et 17 ans longtemps. Un matin, je me suis réveillée, j’avais 30 berges et des potes qui refusaient qu’on fume à l’intérieur, à cause du nouveau-né. De toute façon, comme j’avais moi-même un polichinelle dans le tiroir, je fumais honteusement mes deux trois clopes quotidiennes en cachette.
J’aimerais te dire que tout ce cirque n’a pas impacté mon enfant, mais je n’en sais rien. Ses premières années ont été ponctuées de troubles ORL chroniques. Les soignants invoquent la piste héréditaire, bien qu’ils connaissent ma situation (j’y reviendrai).
Désormais, l’enfant est en pleine force. Cela dit, je ne serai jamais certaine de ne pas avoir contribué à ce qui nous a cloué à la maison un certain nombre de fois.
Récemment, j’ai lu le génial Enceinte, tout est possible. Dans cet ouvrage qui décode les mythes et légendes de la grossesse, la journaliste et autrice Renée Greusard aborde notamment le sujet de la cigarette :
En France, environ 17 % des femmes fument encore au troisième trimestre de grossesse. (…) Est-ce que ça craint vraiment ? J’aurais adoré réjouir les fumeuses et répondre que « non pas du tout » mais ce serait mentir. (NDLR, au programme : teneur en oxygène dans le sang réduite et poids plus faible à la naissance.)
Enceinte, tout est possible, Marabout, 2018
En revanche, la modération peut être une solution. Interviewé dans Allodocteurs en 2012, le professeur Yannick Aujard, pédiatre néonatalogiste à l’hôpital Robert-Devré expliquait : Si c’est vraiment trois cigarettes par jour, ça n’a pas d’impact sur le poids du bébé. Les statistiques disent qu’un paquet de cigarettes par jour fait perdre 100 g au bébé.
Enceinte, tout est possible, Marabout, 2018
La première chose à faire, selon moi, c’est de trouver un soignant safe pour accompagner ta grossesse et établir avec toi un plan « réaliste » qui s’appuiera sur une balance bénéfices / risques objective.
La transparence envers le corps médical
Quand je suis tombée enceinte, j’imaginais que j’étais la seule future mère au monde dépendante au tabac. J’étais probablement aussi la seule femme à avoir fait la fête (copieusement arrosée) juste avant de tomber enceinte et peut-être même un peu après. Autant te dire que je nous imaginais déjà le Daron et moi, déchus de nos droits parentaux.
Je me suis rendu compte avec le temps que nous étions légion. Beaucoup de femmes enceintes ont des addictions. À la clope bien sûr, mais aussi à l’alcool, au cannabis, à certains médicaments et même aux drogues dures. C’est une réalité.
Selon les degrés de dépendance, le sevrage complet pendant la grossesse sera désagréable, mais envisageable ou impossible. Ça aussi, c’est une réalité. C’est pour ça qu’il est impératif de trouver des soignants safe et conscients de ces réalités. Ils sauront accompagner la grossesse et encadrer les conduites addictives pour qu’elles impactent le moins possible la santé de la mère et de son bébé.
J’entends, nombreux sont les médecins qui se targuent d’un « C’est très mal, vous êtes une merde » (ou assimilé) quand une parturiente avoue sa dépendance. À force, on est tenté de ne rien dire, et de continuer à consommer dans son coin en toute culpabilité. La transparence est pourtant primordiale parce qu’elle permet aussi de traiter correctement l’enfant en cas de troubles assimilés.
Alors, je t’invite à te mettre à la recherche de ces soignants safe qui pourront t’aider à trouver la meilleure solution pour toi. Ils existent, crois-moi.
Je te laisse, courage, tu vas y arriver !
La bisette
Ta Daronne
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Les Commentaires
Pour l'alcool et la cigarette, même constat, mère ou père ça fait des dégâts pour tout le monde, et aussi pour les futurs enfants.