Vous l’avez peut-être déjà lue sur Madmoizelle. Ou aperçu ses bijoux dans notre shooting de rentrée…
En parallèle du journalisme, Taïna Allen crée également des bijoux grâce aux technologies d’impression 3D. L’afroféministe de 32 ans, qui tient également un blog de critique déconstruite de la pop culture depuis 2014, a ainsi fondé sa propre marque, Miladytay Studio. Elle nous raconte ce que veut dire l’esthétique afrofuturiste de ses créations, et — en creux — combien les enjeux écologiques, féministes, et antiracistes peuvent être liés.
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Madmoizelle : Qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer ta propre marque de bijoux, Miladytay Studio ?
Taïna Allen : En 2017 on m’a diagnostiqué un syndrome de Sezary (une forme agressive de lymphome T cutané), une maladie auto-immune qui touche le sang et la peau, ce qui a changé ma façon de voir la vie. J’ai donc décidé en 2020, après 3 ans de traitement plutôt intensif, de lancer Miladytay Studio, un atelier spécialisé dans la création de bijoux imprimés en 3D.
Pourquoi est-ce que tu as misé sur les bijoux en particulier ?
À cause de ma maladie, j’ai eu des problèmes de peau. Je cherchais donc des bijoux fantaisie hypoallergéniques susceptibles de me plaire, et faute d’en trouver, j’en ai créé.
Je ne suis pas très portée sur le maquillage, mais j’ai toujours adoré les bijoux ; je suis d’origine haïtienne, les créoles et autres accessoires artisanaux font partie de ma culture. J’ai donc voulu créer des bijoux fantaisie pour les femmes comme moi. Un bijou peut tellement changer notre façon de nous percevoir, c’était pour moi une évidence.
Que veut dire le nom de ta marque, Miladytay Studio ?
Miladytay a toujours été mon pseudo. Tay étant l’un de mes surnoms. J’ai décidé de créer un studio, car je ne compte pas m’arrêter aux bijoux, c’est surtout une marque digitale. Nous développerons par exemple des objets de décoration, toujours en utilisant la 3D.
Penses-tu que les femmes noires sont invisibilisées dans l’univers des bijoux ?
Les femmes noires sont invisibles partout. C’est aussi pour ça que j’ai lancé ma marque : du choix des couleurs en passant par la coupe et les formes, tout est fait pour mettre en valeur les peaux noires. C’est important, je pense, d’avoir un regard comme moi, différent, pour les femmes qui cherchent des bijoux fantaisie avec une identité afrocentrée.
Est-ce qu’il y a une de tes créations que tu affectionnes particulièrement ?
est l’un de mes favoris, car il reflète bien l’esprit de la marque : un alien du futur qui s’inspire de la pop culture, le peigne afro pour bien marquer mes origines afrodescendantes… c’est clairement mon identité en un bijou.
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Pourquoi tu définis l’esthétique de ta marque comme afrofuturiste ?
L’afrofuturisme, c’est avant tout intégrer des éléments de science-fiction, d’afrocentrisme et de réalisme magique dans notre identité de marque. J’ai des modèles comme l’alien comb ou le blue moon (nouvelle collection, c’est d’ailleurs les boucles d’oreille et le pendentif que je porte sur l’illustration de l’article), qui mélangent science-fiction et culture afro.
J’essaie d’imaginer des modèles de bijoux s’inscrivant dans l’air du temps, en utilisant ce qui se fait le mieux aujourd’hui en matière de technologie : l’impression 3D.
Dirais-tu que l’afrofuturisme et l’écoresponsabilité sont des enjeux forcément liés ?
Par la consommation responsable, un retour aux sources grâce aux circuits courts, c’est une vision du bijou afro du futur que je propose. Tout est lié, on ne peut pas penser à l’afrofuturisme sans avoir réfléchi un minimum aux conséquences de la fast fashion sur notre planète. Alors pour moi c’est un challenge de proposer des bijoux et accessoires imprimés grâce à des machines futuristes : les imprimantes 3D.
En quoi consiste l’impression 3D, justement ?
L’impression 3D est une technologie permettant de donner une forme physique à un fichier numérique. Il existe plusieurs types d’impressions 3D. Nous utilisons le dépôt de matière fondu (FDM). Nous avons deux imprimantes, une FLSUN QQS-pro de type delta et une GEETECH A20T de type cartésien. Pour nos bijoux, nous utilisons essentiellement du filament composé de PLA recyclé de la marque ERYONE.
Le PLA est un thermoplastique biosourcé entièrement recyclable produit à base d’amidon de maïs. C’est la raison pour laquelle je n’utilise que le PLA désormais. Lors du processus de transformation du maïs en produits PLA Les produits ne sont pas immunologiquement réactifs et sont donc sans danger pour les personnes allergiques à l’amidon de maïs ou à ses dérivés. Tous les bijoux Miladytay Studio sont désormais en PLA.
Pour le temps de production, cela dépend du volume du bijou, mais ça peut varier d’1h à 5h selon les pièces. Plus une trentaine de minutes environ pour la préparation de la machine et le post-traitement.
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L’impression en 3D te permet également de produire uniquement à la demande, donc c’est aussi écolo à ce niveau ?
Cela évite la production en flux tendu, le gaspillage énergétique, le besoin d’espace de stockage et surtout le gaspillage des matières. Bref c’est tout bénef’ pour nous et pour mes clients qui aiment consommer de manière éthique.
Est-ce que la pandémie t’a donné envie d’abandonner ta marque ?
La pandémie a influé sur les délais de livraison, certes, mais ça m’a permis d’avoir le temps de réfléchir plus amplement à mes créations. Comme beaucoup, j’ai profité de ce temps mis à profit pour travailler sur mes projets. Le hic avec la crise sanitaire actuelle, c’est qu’on ne peut pas dire que la mode est à l’ordre du jour et ça se comprend… Il y a un réel engouement pour la marque, mais il est vrai qu’à chaque confinement, les ventes ont chuté.
La boutique ne m’assure pas encore des revenus fixes, mais je mets tout en œuvre pour que je puisse en faire mon activité principale en 2022 j’espère.
Si c’était à refaire, tu donnerais quoi comme conseil à toi-même, qui pourrait servir à d’autres personnes ?
Lance-toi ! Tu es probablement la seule à penser les bijoux que tu crées, mais il y a plein de femmes qui se retrouveront dans tes créations.
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