Dans mes premiers boulots, je vivais devant mon ordinateur. Il m’arrivait parfois de partir en déplacement mais c’était toujours prévu bien à l’avance et pour une durée déterminée.
Lorsque j’ai passé un entretien pour devenir ingénieure en maintenance industrielle, le recruteur m’a dit : « je vous préviens, pour ce poste, vous allez devoir bouger deux à trois jours par semaine ». J’ai souri et j’ai dit « pas de problème » ! Au fond de moi j’étais terrorisée, mais j’avais vraiment besoin de ce job.
C’est comme ça qu’a commencé ma vie d’aventurière des routes départementales. Des routes départementales mais aussi des gares SNCF, des aéroports lilliputiens et des villes de province du type « belles endormies ».
J’ai toujours aimé voyager mais jusque là, pour moi, il y avait le temps du voyage (qui correspondait grosso modo aux vacances et aux gros déplacements professionnels) et le temps du travail, majoritairement à la maison. Ce nouveau boulot allait donc modifier mon mode de vie mais aussi ma façon de voyager.
Apprendre à s’adapter et célébrer les petites victoires
Petite mise en situation : imaginons un lundi soir de novembre, le train vient de me déposer dans une petite ville du centre de la France. Il est 20h, il pleut, il fait nuit et il faut que je trouve ma voiture, mon logement et quelque chose à me mettre sous la dent.
Dit comme ça, ça a l’air simple, mais quand on doit évoluer dans un environnement inconnu, tout peut devenir épique : avancer ou reculer le siège de sa voiture, trouver son chemin dans un dédale de rues à sens unique, faire des courses avant la fermeture du dernier magasin, utiliser un micro-ondes étranger (non mais franchement, pourquoi est-ce que les boutons ne sont jamais les mêmes d’un modèle à un autre ?)…
Et puis on respire et on prend un problème à la fois : il y a une petite télécommande pour reculer le siège, j’ai Google Maps pour trouver mon Airbnb, je pourrai toujours m’acheter un kebab si le supermarché est fermé, et puis j’ai déjà vu tellement de modèles de micro-ondes que je vais bien réussir à faire fonctionner celui-ci.
Se sentir « chez soi » n’importe où grâce à des habitudes réconfortantes
Certains mois, pour peu que j’aille voir des copains le week-end, je peux ne pas mettre les pieds dans mon appartement pendant deux semaines. Mais comme de nature, je suis une personne casanière, il a fallu que je définisse un peu mieux ce qui me fait me sentir « chez moi » pour rendre cette situation supportable.
J’ai vite compris qu’il était important pour moi d’avoir la possibilité de manger ce dont j’avais envie à l’heure de mon choix et aussi de pouvoir me faire du thé à toute heure du jour et de la nuit. Exit donc les hôtels : malgré le côté pénible de devoir m’organiser pour faire les courses et cuisiner, je favorise les gîtes et les Airbnb. L’avantage annexe, c’est qu’ils sont souvent moins impersonnels, avec une déco parfois discutable mais chaleureuse.
Aussi, je crois dur comme fer à la théorie qui dit qu’on ne peut pas faire plus d’un certain nombre de choix dans sa journée : une manière de me libérer l’esprit, c’est de conserver ma routine du matin où que je sois. Je me balade donc toujours avec mon pot de pâte à tartiner, mes sachets de thé et mon paquet de crêpes.
Dans un autre style, je préfère emporter moins de vêtements et plus de bouquins, pour avoir l’impression de disposer du même choix que chez moi.
Chacun a ses trucs, j’imagine, mais quand j’ai compris qu’alourdir un peu mon sac me permettait de me sentir « chez moi » à peu près n’importe où, j’ai gagné un confort incroyable dans mes déplacements.
En profiter pour découvrir la richesse du paysage français
Ce qui a rendu mes voyages professionnels beaucoup plus agréables à mes yeux, c’est quand j’ai commencé à le mélanger à une des activités que j’aime le plus au monde : le tourisme.
Bien sûr, je travaille toute la journée, alors c’est un peu compliqué pour visiter les monuments, mais rien qu’en me baladant dans les environs je sais que je peux découvrir des pépites qui valent le détour.
La forêt des Ardennes dans la brume au petit matin, le théâtre antique d’Orange vu du parc qui le surplombe, les pavés disjoints de la ville médiévale de Vaison-la-Romaine… Être toujours en voyage, c’est avoir les yeux de la découverte partout où on va. J’aime cette sensation de dépaysement dans les pays lointains, j’aime aussi ça dans les provinces françaises.
Sortir de sa zone de confort et prendre confiance en soi
Un jour, pendant une séance d’initiation à l’hypnose, l’encadrant m’a demandé de visualiser la situation dans laquelle je me sentais la plus confiante. J’ai réalisé que cette situation, c’était moi sur le quai d’une gare, arrivant dans une ville où je n’ai jamais vécu mais que je connais pour y avoir été souvent.
Je sais où se trouve mon hôtel, je connais le réseau de transports en commun, j’ai même des tickets dans mon portefeuille. Je sais où je vais et ce que je viens faire ici, et j’ai dans mon sac à dos tout ce qu’il me faut pour vivre.
Chaque nouvelle ville est une aventure, mais après un premier séjour on est déjà un peu chez soi. Quand je regarde la carte de France, je suis fière de me dire que de tous ces noms de ville et de routes, il y en a de plus en plus qui me sont familiers.
J’apprends les villes et les campagnes comme on apprend des langues. Une fois que je les ai déchiffrées, tout est plus facile et cette facilité m’apporte énormément de fierté et de confiance en moi.
S’adapter aux galères du quotidien et apprendre à relativiser
Bien sûr tout n’est pas toujours tout rose : il m’est déjà arrivé d’avoir mes règles alors que je n’avais pas prévu de protection hygiénique dans mes affaires, que j’étais coincée pour la journée en séminaire et qu’il n’y avait pas l’ombre d’une femme dans les environs. Bien sûr j’ai déjà oublié mon chargeur de portable à la maison. Bien sûr mes trains ont été retardés, mes avions annulés, mes réservations de logement modifiées. Mais moi qui avais tendance à être un peu « control freak » en voyage et à toujours tout vérifier douze fois, j’ai appris à lâcher prise.
Quelque part j’ai réalisé que pour minimiser mes appréhensions, traiter les problèmes au dernier moment était une bonne stratégie. Je vérifie le matin même l’heure de mon train, je réserve mon logement la veille pour le lendemain. Parfois ça se passe mal, mais à la grande surprise de celle que j’étais il y a quelques années, il y a toujours un plan B.
Après plusieurs années de nomadisme, je suis devenue celle qui, lors d’une rupture de caténaire qui va lui faire louper sa correspondance, se dit « bah, ils nous paieront l’hôtel » et se replonge dans son bouquin. Je suis très fière d’être devenue cette personne-là.
Et toi, des contraintes professionnelles comme personnelles t’ont-elles déjà permis de développer de nouvelles facettes de ta personnalité ?
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