Cher Lorenzo*,
Tu étais joli. Tes yeux verts m’ont aimantée. Jeune ado que j’étais, tout juste sortie de l’enfance. Je ne comprenais rien aux sentiments, encore moins au sexe. J’avais treize ans. J’étais en sixième. Tu étais beaucoup plus âgé. 16 ans ? 17 ?
« Je ne voulais pas, à l’intérieur ça disait ‘Non’ »
On s’est embrassés. J’avais envie de conquête. De me sentir aimée. Toi, tu as pensé désir sexuel, plage, piège. Immensité de sable, ressac. Romantique au clair de lune. Éloignée du camping et de ma colo. Brebis égarée. Forcée à te faire une fellation. Sentiment de dégoût. Pas capable de dire non. J’ai courbé l’échine. Je ne voulais pas, à l’intérieur ça disait « non ». Humiliation de n’avoir pu refuser. Peur de ne pas satisfaire ? Peur de la violence si je ne me soumets pas. Effrayée, seule. Perdue après coup. Désorientée. Je me sens dépossédée de ma liberté de choisir ma première fois. D’aimer en douceur. Le sexe, c’est de la contrainte.
L’homme qui abuse de son pouvoir : je verrais tous les hommes ainsi ensuite. Fascinée, soumise à leur désir. Allant au devant de leurs pulsions pour ne plus retomber dans la soumission. Faire plaisir. Baiser avec tous les mecs qui me plaisent. Pour défier la morale, je suis intouchable, invincible car passée par le feu du viol. Brûlée, je recherche encore et encore l’humiliation. Coup d’un soir, mec qui ne rappelle pas. M’appelle un taxi après le sexe. Je me soumets à leurs conditions. Je ne sais plus choisir. Avoir du plaisir. L’autre passe avant. Pour que je sois tranquille je les laisse décider. Je fais ce qui leur plaît.
« Je suis en colère contre tous les hommes de la terre »
Je n’habite plus mon corps depuis que tu m’as forcée, sur cette plage de Taormina. Tu as profité de ton ascendant de mâle tout puissant, tu t’es autorisé à te faire plaisir sans penser à la violence que tu m’infligeais.
Je suis en colère contre tous les hommes de la terre. Leur violence, leur manque d’empathie, leurs faiblesses, gouvernés par leurs pulsions, meurtrissant les chairs de toutes ces femmes, mes filles. Immonde barbarie de ce sexe abjecte qui me dégoûte. J’en ai marre d’être en colère, de nouveau envie d’aimer. Lorenzo, je voulais juste que tu m’aimes.
Je suis en quête de douceur. Mais je ne me sens pas prête à aimer un homme correctement et à m’aimer comme je suis, j’ai encore trop de colère. Je rêve qu’une prise de conscience s’installe chez les hommes, qu’ils s’excusent et qu’ils guérissent, que l’éducation des petits garçons leur permette de devenir des hommes déconstruits, respectueux des femmes.
* Les prénoms ont été modifiés.
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Les Commentaires
Je tiens juste à signaler que cet article est à la une de la frontpage depuis plusieurs jours et que, perso, ça me trigger chaque fois que je passe sur votre site de voir le même article et le mot violeur m'exploser au visage en frontpage.
Peut-être serait-il judicieux de prévoir un turnover plus rapide pour les sujets qui abordent les violences (sexuelles ou autres) ?
Bises