On apprend toute sa vie, y compris sur soi-même. Moi, à 28 ans, j’ai fait une drôle de découverte à mon sujet.
À la base, je suis tombée sur un article qui parlait du fait d’écouter des podcasts en continu, à chaque moment de libre, pour « éteindre » son cerveau, un peu comme ces adultes des générations précédentes qui laissent la télé en bruit de fond chez eux.
Je m’y suis reconnue car je ne passe jamais un moment à ne rien faire, sans rien écouter, sans rien lire, sans mon téléphone à la main. Même pour me brosser les dents, j’écoute un podcast. C’est fou, non ?
Donc je voulais faire un article sur mon incapacité à éteindre mon cerveau. Mais en discutant avec ma psy, je me suis rendu compte que le « problème » était bien plus vaste que ça.
Les conseils de ma psy pour mieux m’écouter
Elle m’a donné, il y a bientôt un an, un exercice à faire, dans ma démarche de mieux écouter et gérer mes émotions : les noter sur un tableau, en indiquant ce qui a généré l’émotion, comment je la décrirais, quelles étaient mes réactions physiologiques (m’isoler, faire une pause clope, appeler quelqu’un…) et psychologiques (nervosité, colère, larmes…).
Je vois ma psy toutes les 3 semaines, ce qui fait pas mal d’émotions à noter. Bon. J’ai suivi la consigne 2 jours, ensuite j’ai arrêté.
Pas d’inquiétude, m’a-t-elle dit : c’est peut-être juste le format de l’exercice qui ne me convient pas. Cool, je ne me suis pas fait gronder !
Quelques mois plus tard, elle m’a proposé une autre idée : essayer la méditation — activité contre laquelle j’ai des a priori de petite conne, je l’admets sans mal. Mais pourquoi pas, après tout. Y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
J’aimerais te dire que j’ai essayé de méditer et que ça a marché, ou que j’ai un peu galéré, ou que ça n’a rien donné. La vérité c’est que je n’ai même pas essayé.
Là, ma psy était un peu déboussolée : je lui demande explicitement des exercices concrets mais je ne les essaie même pas, pourquoi donc ?
Bonne question, Sherlock.
Je ne sais pas « prendre soin de moi »
En déroulant le fil de mes pensées, j’ai compris quelque chose que j’ignorais à mon sujet : je suis incapable de prendre soin de moi.
Je suis incapable de faire une tâche dans le seul but qu’elle me bénéficie. Je suis incapable de prendre une bonne habitude juste pour moi, sans raison, juste pour me faire du bien.
C’est fou, non ?
Ça veut dire quoi, « prendre soin de soi » ?
Au début, je me suis dit que c’est parce que ce qu’on appelle « prendre soin de soi » ne me convient pas.
Ayant grandi dans un monde patriarcal, j’ai appris puis désappris que « prendre soin de soi » signifiait chouchouter sa féminité, or je ne tire aucun plaisir particulier au fait de me maquiller, m’enduire de crème, me faire un masque et encore moins m’épiler
.
Je le fais de temps à autres, parce que j’en ai envie, parce qu’il le faut (j’ai les pieds secs, je mets de la crème, mais c’est du pratique, pas du plaisir). Pas pour « prendre soin de moi ».
J’entretiens mon corps comme j’entretiens mon appart : je fais les sols, les vitres, les plaques, parce que j’ai pas envie de vivre dans la crasse, mais pas pour me chouchouter, m’offrir un cocon ou autre motivation positive.
« Prendre soin de soi » ça semble aussi passer par les loisirs ; je n’ai aucun hobby que je qualifierais de créatif, mais j’aime bien jouer aux jeux vidéo, regarder des séries, écouter des podcasts.
Sauf que je fais ça pour me divertir, pour faire passer le temps, pour éteindre mon cerveau aussi. Pas pour m’enrichir personnellement, faire du développement personnel ou autre.
Enfin j’imagine que ça enrichit mes horizons bien sûr, ça me cultive, mais ce n’est pas le but que je recherche. (Je ne suis pas sûre d’être claire…)
Je ne sais pas « prendre soin de moi » juste « pour moi »
Le « problème » va plus loin : je suis par exemple incapable de me faire un bon repas pour moi toute seule.
Je me nourris parce qu’il le faut, et comme j’aime pas les pâtes au ketchup je fais des trucs goûteux, mais je n’y prends pas de plaisir. C’est une action mécanique, à laquelle j’ajoute des épices parce que quitte à le faire autant que ce soit bon.
Par contre, dès qu’il y a quelqu’un d’autre, ça devient un plaisir. Je suis ravie de faire à manger pour une personne que j’apprécie, ça me tient à coeur et je redouble d’attention et d’imagination pour surprendre et contenter mes convives.
Dès qu’ils partent, le soufflé retombe. Seule, je fais un repas par jour, ce qu’il faut pour ne pas être affaiblie quoi, mais sans joie. Je fais un repas comme je me douche et comme je nettoie mon appart : parce qu’il faut bien le faire.
C’est grave de ne pas savoir « prendre soin de soi » ?
Si on me décrivait tout ça en parlant de quelqu’un d’autre, j’aurais un peu peur d’y reconnaître des prémices de comportements dépressifs.
Mais force est de constater que je vais globalement bien, je suis heureuse, je gère mes émotions, je ne me laisse pas mourir à petit feu. Et aucune des psy que j’ai consultées ne m’a diagnostiqué une quelconque forme de dépression, tout au plus une déprime passagère il y a déjà 4 ans.
Simplement je n’arrive pas à trouver d’intérêt au fait de faire les choses seulement pour moi.
J’ai honte de ne pas savoir comment « prendre soin de moi »
Je crois que j’en ai honte, j’ai honte parce qu’à mes yeux, les « vrais adultes » savent faire ça, savent se gérer et se kiffer en solo, sans avoir besoin de faire plaisir à quelqu’un d’autre pour trouver de la motivation.
Paradoxalement, je suis très heureuse de vivre seule, je déteste les colocs et je ne compte pas emménager en couple. Mais je sais que les jours où je ne reçois pas, je vais me mettre « en veille ».
Je ne vais pas me développer, me faire grandir, innover, faire ce truc que toutes les autres femmes semblent faire de type : aller se balader dans un coin inconnu, juste pour la découverte, aller prendre un café en terrasse pour profiter du soleil, méditer, tenir un journal, lire un bouquin de dev perso, tester des nouvelles recettes, broder, tricoter, que sais-je encore.
Je n’avance que si je suis accompagnée et c’est très bizarre car je me considère comme une personne indépendante.
« Prendre soin de soi », un truc de femmes ?
Je me demande si les hommes se posent ce type de questions. Dans mon imaginaire forcément genré, ma vie ressemble à celle d’un mec, qui me semblent moins poussés à s’épanouir, s’explorer, se développer.
Je me demande si dans ma honte il n’y a pas une partie liée à mon genre, au fait que je me suis longtemps sentie « pas assez femme » et que mon rapport à la féminité a toujours été compliqué, même s’il s’est apaisé.
Je me demande si c’est une injonction sexiste de plus, devenir la meilleure meuf à tout prix même si je ne ressens aucune impulsion dans ce sens, ou si c’est plutôt que les mecs ratent le coche d’un développement personnel enrichissant parce que la société leur fait croire que c’est un truc de gonzesses ?
Dois-je apprendre comment « prendre soin de moi » ?
J’ai mis très longtemps à taper ces mots parce que j’avoue ne pas savoir quoi foutre de ces informations maintenant que je les ai.
Je ne sais pas prendre soin de moi et je ne sais même pas si c’est grave ou non, si ça devrait changer ou si ça va rester comme ça et tant pis.
Oh bien sûr je vais en parler à ma psy mais il se trouve que ça fait des mois que je n’ai pas repris de rendez-vous et je pense que ça participe du même souci : ma psy, c’est juste pour moi, donc j’ai du mal à me motiver.
Je m’invente des carottes pour aller la voir en me disant que mieux me connaître et me gérer, par la thérapie, me permettra d’être une meilleure amie, fille, soeur, collègue, amoureuse, manager, donc d’être mieux pour les autres.
C’est pas faux mais est-ce que c’est une « bonne » raison ? Je n’en sais foutre rien.
Tu ne sais pas « prendre soin de toi » ? Tu n’es pas seule
Le seul truc que je sais, parce que 28 ans avec Internet me l’ont appris, c’est qu’on n’est jamais la seule personne à se sentir comme on se sent.
Donc toi qui me lis, tu es peut-être aussi incapable que moi de « prendre soin de toi » juste pour toi.
Je n’ai pas de réponse miracle à t’apporter mais je peux au moins te dire que tu n’es pas seule, qu’on est probablement plein mais qu’on n’ose pas en parler, qu’on ne sait pas comment le faire.
Je vois cet article comme une sorte de premier pas qui pourra être suivi d’autres récits, au fil de mon évolution, le jour où j’aurai trouvé un déclic, compris autre chose ou causé à ma psy.
Je me rends compte que tout ça est brouillon mais j’ai l’impression d’avoir mis le doigt sur une partie importante et cachée de ma personnalité, alors comme d’habitude, j’écris à ce sujet.
Est-ce qu’écrire ça, c’est prendre soin de moi ? Vous avez 4h.
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