En partenariat avec ACT-Alliance contre le tabac (notre Manifeste)
Fut un temps, la cigarette avait le vent en poupe. Sa consommation était vantée par des publicitaires qui s’appuyaient sur l’avis de médecins mettant en avant les prétendues vertus médicinales du tabac ; bénéficiant d’une super propagande au travers d’industries culturelles liées au soft power américain (coucou Olivia Newton-John dans Grease et Sharon Stone dans Basic Instinct), la clope est carrément devenue « cool », rendez-vous compte !
Heureusement, certaines institutions sont présentes pour garder nos yeux bien ouverts sur les problèmes qu’engendre l’industrie du tabac — au niveau de la santé, mais pas seulement — à l’image de l’ACT-Alliance contre le tabac, qui se fait le porte-voix des principaux acteurs et actrices de la lutte contre la cigarette et ses fabricants.
Mais alors que les campagnes qui pointent du doigt le tabac s’enchaînent, et les problèmes qu’il engendre sont de plus en plus visibles, la clope est-elle toujours cool ? Madmoizelle a demandé à trois adolescentes non-fumeuses quelle était leur vision de la cigarette et comment elles étaient perçues par leur entourage — car après tout, les adultes de demain sont les moins de 20 ans d’aujourd’hui !
Au cas où vous vous posiez la question : oui, le sujet « clope chez les ados » reste d’actualité… On apprend dans une étude de l’OFDT parue en 2018 que 17 % des adolescents fument quotidiennement, ou encore que le tabac est le produit le plus diffusé en Europe derrière l’alcool. En moyenne, un Européen âgé de 15-16 ans sur deux déclare avoir déjà fumé une cigarette.
« Je ne fumerai jamais, ça ne m’attire pas du tout »
Malgré leurs âges et leurs milieux différents, les trois jeunes femmes présentent sensiblement les mêmes arguments contre le tabac. Pour Eléanor, 17 ans, en terminale dans un lycée de Picardie, c’est assez catégorique :
« Je ne fumerai jamais, ça ne m’attire pas du tout, et en plus ça coûte cher.
C’est pesant de sortir avec des amis fumeurs. S’ils ont des clopes sur eux, et qu’ils ont l’habitude d’en passer, tout le monde s’agglutine autour d’eux pour leur demander des cigarettes. J’ai une image négative par rapport à mes amis, mais je les laisse faire… »
Louise, 15 ans, en troisième dans un établissement scolaire d’Île-de-France, est plus modérée sur la question :
« J’ai une vision plutôt négative de la cigarette. À mon sens, les personnes qui fument ont quelque chose à combler, je ne pense pas qu’on puisse fumer pour le plaisir. J’ai des amis qui fument. Mais je ne les juge pas ! »
Quant à Emma, 18 ans, en première année dans une école de communication à Paris, la cigarette lui rappelle un mauvais souvenir :
« J’ai une vision plutôt négative de la cigarette, mes parents étaient de gros fumeurs quand j’étais petite. Mon père fumait un paquet et demi par jour, du coup je sentais tout le temps la clope. Aujourd’hui mon père a arrêté, et ma mère s’est mise à la cigarette électronique, mais tout ça a vraiment créé chez moi une espèce de phobie de l’odeur du tabac, même lorsque je suis en extérieur avec des amis. »
Pour ces trois jeunes filles, l’odeur du tabac, l’argent jeté par les fenêtres ainsi que les complications de santé sont des raisons suffisantes pour qu’elles restent du bon côté de la Force.
Cependant, deux d’entre elles s’accordent à dire que la cigarette apparaît comme charismatique dans les films ou les séries qu’elles peuvent regarder. Tout en me confiant cela, elles m’expliquent qu’elles arrivent à faire la différence entre fiction et réalité. En revanche, Emma ne perçoit absolument pas ce côté glamour :
« Je ne comprends pas trop la hype derrière la cigarette, surtout à Paris. Ça vieillit, ça rend les dents moches, ça sent mauvais… J’ai fait ma rentrée dans une école parisienne, alors que j’ai grandi en cité à Sevran. Pendant les pauses, nous ne sommes que quatre à ne pas fumer sur toute ma classe, alors que dans mon lycée, les gens qui fumaient étaient peut-être vingt et se cachaient pour le faire. Du coup je me sens à l’écart, ils sont dans leur délire, ils se prêtent tous leurs briquets et ça initie plus facilement les échanges. »
Car il y a ça aussi : la cigarette a longtemps servi de moyen de débuter la conversation dans un groupe. Mais mes trois interviewées semblent avoir assez confiance en elles pour s’en passer, et rester à l’écart pendant que tous leurs amis fument ne les gêne absolument pas ! Au contraire, le sentiment d’avoir résisté malgré les propositions est un vecteur de fierté.
Eleanor se remémore certains souvenirs :
« Pendant les soirées, tous les fumeurs sortent. Ajoutez à cela les fumeurs occasionnels, et on se retrouve vite avec les trois quarts des invités en extérieur. Je me rappelle, à la soirée du Nouvel An de l’année dernière (chez ma meilleure amie qui possède une grande terrasse), absolument tout le monde était en extérieur. Il faisait vraiment très froid, et puis il y a toujours ce problème de fumée… je n’avais pas envie de sortir. »
On parle ici d’un cadre privé, mais la cigarette est assez courante sur la voie publique aussi selon Louise :
« À la sortie des cours, nous nous rejoignons à la gare avec les fumeurs. Sinon, lorsqu’on se retrouve sur Paris, on ne se cache pas. Même à la sortie du collège, les surveillants ne nous font pas plus que quelques réflexions. »
Au niveau des pratiques, parmi mon panel, les deux adolescentes les plus âgées m’expliquent que leurs amis et amies fument surtout des cigarettes industrielles ou des « roulés, parce que ça coûte moins cher ». Mais dans le cercle de Louise, la plus jeune, la vape fait beaucoup plus d’émules : « mes amis ne fument pas de tabac, plutôt la cigarette électronique ».
J’en profite pour leur demander si elles seraient davantage attirées par la cigarette électronique que par le tabac : Eléanor me répond qu’elle a déjà essayé, qu’elle a trouvé cela sans intérêt, et peu pratique, car il faut transporter l’objet en permanence.
Voir leurs parents fumer a dégoûté les trois adolescentes du tabac.
En m’intéressant plus précisément à la source de cette aversion envers le tabac chez ces trois adolescentes, je constate qu’avoir un parent, voire les deux qui fument ou ont fumé n’a absolument pas banalisé la chose, bien au contraire.
Louise me confie qu’elle déteste sentir l’odeur du tabac sur son père, et ajoute :
« Je ne sais pas pourquoi, mais comme il est plus âgé, j’ai l’impression que le tabac déteint plus négativement sur sa santé, car il est plus vulnérable. Du coup ça m’inquiète, j’ai l’impression qu’il va mourir plus vite, et je lui dis tout le temps d’arrêter, même si ça ne sert à rien.»
De son côté Emma a vécu une expérience qui l’a presque traumatisée avec sa mère :
« Je devais avoir douze ans, j’étais à la plage avec ma mère, je buvais du Coca, puis je l’ai posé pour aller me baigner. Pendant que j’étais partie, ma mère s’est servie de ma canette comme cendrier. En revenant, elle m’a demandé de jeter la canette, et sur le chemin de la poubelle, je me suis aperçu qu’il restait du liquide, et j’ai bu… Depuis, la cigarette, pour moi c’est à bannir ! »
En définitive, je m’aperçois que ces trois adolescentes ont grandi dans l’aversion de la cigarette, alors qu’elles y sont confrontées tous les jours. Cela me donne un soupçon d’espoir concernant les prochaines générations : le tabac perd en hype sous toutes ses formes — d’ailleurs deux d’entre elles m’ont expliqué qu’elles avaient une très mauvaise image de la chicha également, qu’elles trouvaient très connotée.
Au regard de ces réponses, il me semble que le travail mené par de nombreuses associations contre comme l’ACT-Alliance contre le tabac porte ses fruits. Leur projet de s’assurer que les engagements pris par le gouvernement soient tenus, pour enfin voir naître une génération sans tabac à l’horizon 2030, me semble possible : croisons les doigts !
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@Margay