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Santé

Je n’avais pas de symptômes de l’endométriose, jusqu’à une hospitalisation urgente

Aurore a 27 ans, et vient d’être diagnostiquée d’une endométriose. Elle nous raconte les circonstances de cette découverte, qui l’ont amenée à se faire opérer d’urgence et à mettre sa vie en danger.

Le texte qui suit parle d’endométriose, de kyste ovarien, et de ce qui m’est arrivé il y a quelque temps. J’ai hésité à l’écrire et encore plus à le diffuser, car je craignais de ne pas être légitime.

Pourquoi ? Parce que parmi toutes les femmes qui vivent avec une endométriose (1 sur 10), j’ai eu certaines malchances. Mais pas la douleur, qui est le symptôme le plus connu lorsque l’on parle de cette maladie : une souffrance insupportable, et chronique.

Je sais aussi que l’endométriose demeure une maladie méconnue, dont les symptômes sont très variables d’une femme à une autre, et qui est souvent diagnostiquée très tard. Ce fut mon cas.

Le diagnostic est tombé il y a quelques semaines, à la suite d’un épisode qui aurait pu me coûter la vie.

Des douleurs au bas-ventre, jusqu’ici rien d’inhabituel

Il y a environ un mois, un lundi, j’ai ressenti de vagues douleurs au niveau du bas-ventre. Mais mes règles devant arriver quatre à cinq jours plus tard, cela n’avait rien d’inhabituel.

En effet, il y a quatre ans j’ai arrêté la pilule contraceptive pour passer au stérilet au cuivre, aussi appelé DIU (dispositif intra-utérin). Depuis ce jour, mes règles et toute la période qui les précède sont devenues des épisodes nettement plus inconfortables et douloureux, un effet connu du DIU.

Les culottes menstruelles, qui sont censées vous tenir douze heures au sec, me durent une à deux heures les mauvais jours. J’ai mal entre une demi-journée et deux journées par cycle. Mais la grande majorité du temps, ce n’est pas incapacitant et pour tout dire je m’y suis habituée. Pour moi, ce sont des conséquences normales du DIU et le prix à payer pour une contraception non hormonale.

Ce lundi soir, quand j’ai ressenti une gêne dans le bas-ventre, il n’y avait donc pour moi rien d’anormal ni d’inquiétant : mes règles allaient arriver, et c’était comme ça. Avec mon chéri, on s’est couchés à minuit après avoir regardé la moitié du Seigneur des Anneaux, version longue.

Dans la nuit, ces douleurs deviennent très effrayantes

Entre quatre et cinq heures du matin, je me suis réveillée, prise de douleurs atroces au niveau de l’abdomen. Je me suis tordue de douleurs quelques minutes et en silence, en attendant de voir si cela passerait. Ce n’est pas passé et j’ai réveillé mon copain en lui demandant d’appeler SOS Médecin.

Je craignais que la personne au bout du fil ne minimise mes douleurs. Parce que je suis une jeune femme et que j’ai appris à craindre ce genre de réactions (bien que je n’y aie jamais été confrontée). Cela n’est pas arrivé, on m’a simplement posé quelques questions sur mes antécédents familiaux (que je ne connais pas), sur d’autres éventuels symptômes, et l’on a dépêché un médecin qui arriverait dans l’heure.

À ce stade, j’avais tellement mal que j’ai envisagé d’aller directement aux urgences. Mais à cette heure du matin, une ambulance n’aurait pas été plus rapide et j’ai donc attendu. Je ne pouvais pas rester allongée, alors je marchais pliée en deux au milieu du salon, le souffle coupé, incapable de formuler des phrases complètes.

La douleur était telle que je me suis demandé si je faisais un infarctus (les symptômes sont différents chez les femmes, et les douleurs abdominales peuvent en faire partie) ou si j’avais fait un déni de grossesse et étais en train d’accoucher sans m’en rendre compte. Pour la première fois, j’ai eu peur de mourir.

Chose curieuse, je n’avais plus mal au bas-ventre. La douleur était nettement localisée au niveau de mon estomac : juste sous les côtes, en plein milieu.

Des doutes sur le diagnostic, puis une accalmie

Le médecin de SOS Médecin est arrivé en quarante-cinq minutes et j’ai été intensément soulagée de le voir apparaître. Il a examiné mon ventre, m’a fait faire un test de grossesse urinaire, car il craignait une grossesse extra-utérine. Le test est revenu négatif.

Ma douleur étant localisée à l’estomac, il a alors soupçonné un problème gastrique, et peut-être lié au stress, car, m’expliqua-t-il,  « L’estomac, c’est le deuxième cerveau ».

Cela m’a semblé tout à fait plausible. Je suis entrepreneuse et depuis deux ans, le stress fait plus ou moins partie intégrante de ma vie. Alors l’idée que mon corps et en particulier mon estomac se retournent contre moi, que ce soit un retour de bâton dans une période plus incertaine que les autres… pourquoi pas ?

Le diagnostic m’a rassurée. Le médecin m’a fait une piqûre d’Acupan, un antidouleur puissant, et m’a dit d’appeler une ambulance si la douleur persistait ou revenait dans les deux heures. Autrement, il me prescrivait une radio et une échographie abdominale à faire rapidement.

La douleur est partie, et elle n’est pas revenue. Je me suis rendormie jusqu’au matin.

De nouveaux examens cliniques révèlent tout autre chose

À mon réveil, je n’avais toujours pas mal. La douleur avait laissé la place à une sensation semblable à un très gros point de côté, mais encore une fois, située au milieu de mon abdomen. J’étais rassurée.

Je voulais tout de même faire rapidement les examens médicaux qu’on m’avait prescrits. J’ai appelé une clinique à côté de chez moi, et ils m’ont donné un rendez-vous dans l’après-midi.

J’ai passé la radio, puis l’échographie. Les images que je voyais s’afficher sur l’écran ne m’évoquaient rien à part de grosses éponges. Le médecin m’a indiqué que mon DIU avait migré vers le bas et qu’il faudrait donc que je le fasse remettre en place par un gynéco, mais sans urgence. Il m’a aussi prescrit un scanner, car il n’arrivait pas à lire et interpréter les images au niveau de mon ovaire droit.

À ce stade, je n’étais toujours pas particulièrement inquiète. Juste étonnée de pouvoir faire ce scanner le jour même, sans avoir pris de rendez-vous, alors que la salle d’attente était pleine.

Quelques minutes après avoir passé le scanner, une radiologue m’a informée qu’elle avait pris pour moi un rendez-vous chez un gynécologue, où j’étais attendue immédiatement. On m’a remis entre les mains mon dossier rempli des imageries médicales que je n’avais même pas encore regardées, et l’on m’a indiqué l’adresse où me rendre (en fait la porte à côté) en me souhaitant « Bon courage ». Je n’avais toujours aucune idée de ce qu’il se passait.

Le gynécologue m’annonce que j’ai un kyste de dix centimètres sur l’ovaire

Le gynécologue m’a prise en consultation dès mon arrivée, encore une fois devant une salle d’attente loin d’être déserte. Il m’a demandé ce que j’avais et je lui ai répondu les deux seules choses que je savais : 1) que la nuit dernière, j’avais été prise de douleurs à l’estomac 2) et que mon DIU avait apparemment migré vers le bas.

Il a ouvert mon dossier et a regardé les images, les yeux écarquillés, avant de me dire :

« Mais ma pauvre chérie, ce n’est pas ça le problème. Le problème, c’est que tu as une masse de dix centimètres dans le ventre qui n’a rien à faire là ».

Je n’ai pas pleuré, je ne me suis pas effondrée, et j’ai à peine eu le temps d’être choquée. Ce que j’ai ressenti à ce moment-là, et que je n’avais ressenti qu’une seule autre fois dans ma vie, la nuit précédente alors que je me tordais de douleur, c’était de la terreur pure.

Doublée d’une incompréhension totale.

Entendez-moi bien, j’ai toujours été une personne en excellente santé. De plus, les rares écarts dans ma vie remontent maintenant à plusieurs années. J’ai donc un mode de vie que beaucoup qualifieraient d’exemplaire. Je mange équilibré et bio quand je le peux, je fais du sport régulièrement, je ne consomme quasiment pas d’alcool, je dors sept à huit heures par nuit minimum, je pratique le yoga et la méditation, j’évite les perturbateurs endocriniens dans tous les produits et cosmétiques que j’utilise…

Mis à part une rhino-pharyngite annuelle et l’occasionnel rhume des foins, je ne suis jamais malade et la seule opération que j’ai connue, est quand on m’a retiré mes dents de sagesse à l’âge de dix-neuf ans.

Et ce gynécologue était devant moi, au téléphone en train de remuer ciel et terre pour que je sois hospitalisée immédiatement à la clinique, et opérée par lui-même dès le lendemain matin. En bref, je n’ai rien compris à ce qu’il m’arrivait.

Le gynéco m’a envoyée en clinique, pour me faire opérer

Le gynéco a tenu à me refaire une échographie pelvienne dans son cabinet, car il voulait voir de ses propres yeux dans quoi il s’engageait pour cette opération. La masse est apparue sur l’écran, très nette pour moi cette fois-ci et située au niveau de mon ovaire droit. Énorme, et visiblement liquide. Le kyste était rempli de sang et cela a paru rassurer légèrement le gynéco.

Le mot « tumeur » n’a pas été prononcé une seule fois, mais jusqu’à ce que le diagnostic définitif tombe quelques jours plus tard, il ne quitterait pas mon esprit.

J’ai quitté le cabinet du gynécologue, qui m’a assuré qu’en cas de besoin il pourrait m’opérer au milieu de la nuit, et je suis retournée à la clinique pour y être hospitalisée. Il était 18h30 lorsqu’on m’a fait entrer dans la chambre où j’attendrais jusqu’au lendemain matin mon opération.

En prévision des examens du jour, je n’avais pas mangé ni bu depuis la veille, et pour l’anesthésie générale du lendemain, je ne serai pas autorisée à le faire ce soir-là non plus. On m’a donc posé ma première perfusion, en même temps qu’on me prélevait plusieurs tubes de sang pour analyse. On a rasé entièrement mon pubis, contrôlé à heure régulière ma température, mon pouls et ma tension, et demandé de multiple fois si j’avais mal, ce qui n’était pas le cas.

À cet instant, le pourquoi du comment était encore assez loin de moi. Le gynécologue, qui serait aussi mon chirurgien, m’avait assuré qu’il ferait tout son possible pour sauver mon ovaire droit. Aujourd’hui, je lui en suis reconnaissante, mais à ce moment-là, j’étais dans un tel état de terreur que j’avais juste envie de dire « Enlevez tout ce que vous voulez, je veux juste qu’on me retire cet alien que j’ai dans le ventre le plus vite possible». J’avais peur que le kyste se rompe, et de faire une hémorragie.

Avec cette crainte au-dessus de la tête, j’ai passé la nuit dans un demi-sommeil tissé d’angoisse.

J’ai été opérée le lendemain

Mon soulagement n’aurait pas pu être plus grand lorsque le matin est arrivé, et avec lui, l’heure de mon opération. Le gynéco m’a expliqué qu’il allait me faire une coelioscopie, c’est-à-dire qu’on ferait gonfler mon ventre avec du gaz, avant de pratiquer une petite incision au niveau du nombril pour introduire une caméra. À partir de là et en fonction de ce qu’il observerait, il agirait en conséquence. Au total, il prévoyait environ une heure de travail. Il m’a tenu la main jusqu’à ce que je m’endorme.

L’opération a duré deux heures, c’est-à-dire deux fois plus de temps que prévu, mais elle s’est bien passée. Le kyste qu’on m’a extrait faisait grosso modo la taille d’un pamplemousse et mon utérus baignait dans le sang, signe qu’il s’était déjà partiellement rompu.

Comme il me l’avait promis, le gynécologue a réussi à préserver mon ovaire droit. Il a aussi retiré mon DIU, qui a été envoyé pour analyse et mis en culture au même titre que la paroi du kyste.

J’ai trois petites incisions sur l’abdomen, en plus de celle qui a été faite au niveau de mon nombril. Elles laisseront peut-être des cicatrices, mais cela n’a pas d’importance.

Lors de mon réveil, on m’a injecté pas mal de médicaments et j’ai eu très peu de douleurs. À vrai dire, quand j’ai réussi à émerger et une fois le soulagement éprouvé, j’étais un peu frustrée. J’avais la tête dans le pâté, une sensation de nausée à cause des médicaments, je n’avais toujours pas le droit de manger ou de boire, ni de me lever pour aller aux toilettes.

Heureusement, cela n’a pas duré très longtemps. Dès le lendemain, j’ai été autorisée à me lever, d’abord avec l’aide d’un infirmier puis seule. Mon premier petit-déjeuner (et mon premier repas depuis trois jours), deux biscottes beurrées, a été pour moi comme un repas de fête, je n’avais jamais rien mangé d’aussi bon !

Après l’opération, le médecin me diagnostique une endométriose

Quelques heures plus tard, le gynéco est venu me rendre visite pour me récapituler le déroulé de l’opération.

Il m’a dit qu‘il soupçonnait une endométriose, ce que les résultats d’analyse du kyste ont confirmé dès le lendemain : c’était un kyste endométriosique, une des formes par lesquelles se montre la maladie.

Depuis, je suis donc sous traitement : le Diénogest, qui a mis fin à mes règles. Mon médecin m’a confirmé que l’évènement n’avait rien à voir avec mon DIU, et dans deux semaines, je passerai une IRM, qui permettra d’établir l’étendue de la maladie chez moi. Et si je souhaite avoir des enfants un jour… ce n’est pas pour tout de suite, donc on verra.

C’est cette semaine-là, et la manière dont on m’a diagnostiqué cette endométriose, que j’avais envie de partager. Je suis une jeune femme de 27 ans, qui n’avait jamais connu ni la maladie ni l’hôpital, et dont la vie a basculé en une poignée d’heures.

En parlant de vie, la mienne s’est remise en place petit à petit. Marcher, et me mouvoir en général m’était très pénible les deux premiers jours qui ont suivi l’opération, et je craignais que les points de suture sur mon ventre sautent pour un oui ou pour un non. Je me suis habituée peu à peu à leur présence, et ai repris mes aises en position assise et debout. J’ai retrouvé l’appétit en peu de temps, même si mon estomac a considérablement rétréci pendant ces trois jours de jeûne.

Je n’ai pas mal, je vais bien et j’ai le moral. Je profite de chaque petite chose de la vie comme si elle était une bénédiction. Aller aux toilettes toute seule. Pouvoir dormir à nouveau sur le côté. Dormir dans mon propre lit d’ailleurs. Et moi qui aie toujours eu un faible pour le sucre et tentais de réduire depuis des années ma consommation de viande, j’ai développé un amour inexplicable pour le steak haché et les haricots verts. J’écoute mon corps et ce qu’il me dit comme je peux.

Mais je ne peux pas finir ce texte sans parler de la chance immense que j’ai eue depuis les tréfonds de ma malchance. Celle d’être tombée sur un personnel médical aussi compétent, ultra-réactif, et d’une très grande humanité. La chance d’avoir un entourage qui m’a si bien épaulée dans cette épreuve à distance, car en temps de Covid les accompagnants sont bien sûr interdits partout. Mes parents, qui ont su me rassurer sans me transmettre leurs propres angoisses ; mon amoureux, qui depuis cette nuit affreuse de lundi à mardi n’a jamais cessé d’être un pilier pour moi ; tous mes amis qui ont suivi ces aventures de loin, et qui m’ont aidée à tenir bon et à ne pas céder à la panique.

Et puis mon corps, qui m’a servie sans entraves et sans difficulté pendant les 27 premières années de ma vie, et que j’avais toujours pris pour acquis. Cette semaine, j’ai découvert que je n’étais pas immortelle. Pour moi, cette révélation est une expérience d’humilité, mais également de gratitude.

À lire aussi : Où s’informer sur l’endométriose ?

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Les Commentaires

13
Avatar de Margot Et Sa Bulle
4 mai 2021 à 15h05
Margot Et Sa Bulle
J'ai aussi entendu dire que consommer trop de produits laitiers pouvait empirer les problèmes d'endométriose... J'en mange très peu depuis toujours, par contre je n'oserais pas arrêter complètement d'en manger, par peur des carences en calcium...
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