Un CDI dont la période d’essai est expirée depuis plusieurs mois, un salaire égal à trois fois le montant d’un loyer délirant, des garants propriétaires et de préférence riches… C’est en cochant ces critères qu’on peut espérer pouvoir se loger sans trop de peines dans le bassin parisien.
Nul besoin d’un prix Nobel d’économie pour se douter des difficultés des jeunes à s’intégrer à ce marché immobilier décorrélé des réalités salariales.
Ainsi, dans son dernier rapport Regard(s) sur l’accès au logement des jeunes en île de France, l’association pour le logement des jeunes travailleurs (ALJT) met en lumière les effets de la crise sanitaire qui s’ajoutent à cette situation déjà difficile, et explore point par point les écueils auxquels se heurte la jeunesse.
Les conséquences d’un marché de l’emploi en berne
« On accède à son premier emploi en CDI à 28 ans en moyenne en Île-de-France […] Il y a comme une forme de bizutage pour accéder à son premier logement. »
C’est ce qu’explique le directeur de l’ALJT dès les premières pages du rapport. Précarisés par la crise et avec de plus grandes difficultés à l’embauche, il est désormais encore plus difficile pour les jeunes de se loger sereinement.
L’association est bien placée pour le savoir : ses résidences, qui permettent aux travailleurs et étudiants de moins de 32 ans d’être logés à moindre coût, reçoivent plus de 60.000 demandes par an… alors qu’elles ne peuvent accueillir que 3.500 nouveaux locataires chaque année.
« Je n’avais pas conscience d’être à la rue »
Au sein du rapport, l’ALJT donne la parole à certaines personnes logées par le dispositif, et dont les témoignages dépeignent des situations bien éloignées des aspirations de la jeunesse.
Ainsi, une résidente originaire de la région toulousaine raconte que quand elle obtient un CDI pour être vendeuse à temps partiel, elle pense être sur le point de réaliser son rêve.
Mais voilà : avec la moitié d’un SMIC, impossible de se loger en région parisienne, même en colocation. Elle commence par faire des allers-retours entre Toulouse et Paris jusqu’à ce que son volume horaire augmente, rendant les trajets impossibles.
« Je n’avais pas de budget pour payer un loyer alors, pendant les mois qui ont suivi, j’ai logé chez une dizaine de personnes du travail. Je n’avais pas conscience de la gravité de ma situation. D’être à la rue. Je relativisais. Les recherches d’appartement que j’avais faites étaient catastrophiques. »
Une impossibilité qui vaut aussi pour celles et ceux qui travaillent à temps plein : dans un autre témoignage, on peut lire une jeune femme qui, gagnant « à peine plus d’un SMIC », n’a jamais réussi à louer un appartement dans le parc immobilier privé.
Un constat qui résonne avec celui de l’observatoire des inégalités, selon lequel au sein de la population payée au SMIC en France, les jeunes sont surreprésentés.
Un constat partagé à travers les corps de métiers
Pour autant, les moins de 30 ans sont rarement prioritaires pour accéder aux logement sociaux. C’est du moins ce que pointent deux professionnels du secteur dans le rapport.
Un responsable d’agence immobilière d’Île-de-France rapporte quant à lui que du côté des biens privés, seuls 20% des bailleurs sont ouvert à l’accueil d’un public jeune, souvent rejeté car associé au bruit et à un mode de vie peu tranquille.
Pour Manuel Domergue, le directeur des études de la fondation Abbé Pierre, les moins de 30 ans sont les plus désavantagés dans la recherche de logement.
« Les jeunes sont ceux qui paient le plus le prix de la tension sur le marché immobilier. Ils n’ont pas le temps d’attendre un logement social, et parce qu’ils bougent souvent, ils subissent les hausses de loyer à chaque changement […]. Ils sont souvent précaires et mal payés. »
Quelques outils, et des perspectives
Au long du rapport, différents professionnels et élus évoquent des solutions existantes, telles que les Foyers Jeunes Travailleurs où il est possible de faire des demandes de logement, la Visale, une garantie logement pour les moins de 30 ans, mais aussi des perspectives d’amélioration : l’ouverture des minimas sociaux au moins de 25 ans, l’encadrement des loyers, l’annulation des coupes budgétaires récentes sur les APL…
Alors qu’en 2018, 4,6 millions de moins de 30 ans vivaient en dessous du seuil du pauvreté — et que ce chiffre a sûrement été alourdi par la crise sanitaire — , il est grand temps de repenser l’accès à l’emploi et au logement des jeunes… Sujet sur lequel les ébauches de campagnes présidentielles actuelles laissent planer un silence assourdissant.
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Crédit photo : Matteus Silva / Pexels
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