« Après mon congé maternité, l’enfer a commencé ». C’est comme cela qu’Aude* décrit son retour de congé maternité dans son entreprise, le géant mondial de l’audit EY. Dans un article paru dans Mediapart ce dimanche 17 mars, elle relate avoir porté plainte aux prud’hommes pour harcèlement moral discriminatoire, en lien avec sa maternité.
Forcée de travailler durant un arrêt maladie
Tout bascule en septembre 2019. Alors qu’Aude est à l’apogée de sa carrière, sa seconde grossesse est difficile, et la mène à devoir être arrêtée prématurément. Ce que déplore sa supérieure, qui estime dans un message qu’elle la « fous bien dans la merde ». Dans un autre message, elle lui demande d’assurer un « service minimum ». Aude s’exécute, et travaille durant son arrêt maladie.
En janvier 2021, de retour de congé maternité, elle retrouve son poste. Mais les déconvenues commencent. D’abord, le montant de sa prime annuelle est bien plus inférieur que d’habitude, bien qu’elle remplisse 75% de ses objectifs. Ensuite, elle relate une série de réflexions sur sa maternité : « Quel est ton mode de garde ? », « Pourras-tu venir au dîner […] par rapport à tes enfants ? » Mais également des réprimandes lorsqu’elle demande à savoir à l’avance quand auront lieu ses prochains déplacements professionnels, alors qu’elle souhaite juste s’organiser pour la garde de ses enfants.
Au fur et à mesure, elle se voit confier de moins en moins de missions, et est de plus en plus éjectée de boucles de mails importantes. Une de ses clientes de prédilection, qu’elle a vue disparaître, comme d’autres, de son portefeuille, la contacte sur son téléphone personnel, insistant pour qu’Aude reprenne en main son dossier, relate Mediapart. « J’ai récupéré son appel d’offres, et je me suis fait pourrir », témoigne Aude auprès du journal
En arrêt pour « syndrome anxiodépressif réactionnel »
Aude se confie alors à une salariée du service des ressources humaines et à une autre femme haut placée chez EY. Ce qui lui vaut une convocation : « Il faut faire attention à ne pas court-circuiter les ‘partners’ », avertit son « N+2 » durant l’entretien, ajoutant que « les échanges d’e-mails dans tous les sens avec les RH » ne sont « pas la bonne approche ».
Aude part finalement en arrêt maladie, pour « syndrome anxiodépressif réactionnel ». Elle ne remet plus les pieds chez EY. Son employeur refuse toute transaction et ne propose que l’indemnité minimale de licenciement.
Aux prud’hommes, Aude demande que son départ soit considéré comme un licenciement abusif, et demande des dommages-intérêts pour licenciement nul, harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et de santé, et discrimination en raison du sexe. Une audience est prévue pour le 6 juin.
Sollicité par Mediapart, EY n’a pas souhaité répondre. Par ailleurs, la branche française a déjà été condamnée deux fois aux prud’hommes, rappelle le journal d’investigation : en juin 2022, en appel, pour licenciement « en raison de [l’]état de grossesse » d’une salariée, et en octobre 2022, pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».
*Le prénom a été modifié.
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